À l’adolescence (et bien après…), choisir ses vêtements, c’est aussi une façon de parler de soi. Mais il existe des règles, écrites ou implicites, sur la manière de s’habiller. Le magazine Okapi fait le point pour les 10-15 ans dans son numéro du 1er février. Un article à lire en famille ci-dessous.
1. Au collège, tout est permis ?
Non. Direction : le carnet de correspondance ! Le règlement intérieur, qui y figure, comporte souvent un passage sur ce que l’établissement autorise, ou pas. Ce règlement est voté par un conseil d’enseignants et de parents d’élèves, avant d’être validé par le rectorat. Des restrictions vestimentaires sont prévues pour des questions d’hygiène ou de sécurité… Pas de vêtements inflammables ! Il arrive aussi que le port du jogging – ou, au contraire, de certains vêtements de marque – soit interdit. Mais l’expression qui revient le plus souvent est celle de “tenue correcte”.
2. C’est quoi, une tenue correcte ?
L’interprétation des adultes ne rejoint pas toujours celle des adolescents ! Des enseignants trouveront les jeans troués et les tongs trop négligés pour être portés en classe, alors qu’ils seront jugés à la mode, ou agréables, par les ados. Le problème se corse lorsque le règlement interdit les habits “provoquants”. Mais aux yeux de qui ? Et est-ce que provoquer est toujours un tort ? La question se pose pour un tee-shirt imprimé d’un slogan “Vive la révolution !”, par exemple. Autre souci : quand les tenues des filles sont jugées osées, c’est parce qu’elles révèlent une partie de leur corps. Les “crop tops” (qui ont beaucoup fait parler d’eux, cet automne) ou les jupes courtes sont régulièrement qualifiés de problématiques. Des adultes y voient un outil de séduction susceptible de “distraire” les garçons ! Mais penserait-on la même chose si les gars en portaient ?
3. Qu’est-ce qui pèse sur nos choix ?
Il serait naïf de penser que l’on est totalement libre de choisir ses habits quand on grandit. Les parents continuent de veiller au grain, d’abord parce qu’ils tiennent les cordons de la bourse. Et puis, eux aussi, ont leur idée sur ce qui est correct ou pas. Du coup, il sera plus difficile d’obtenir un string à 11 ans qu’à 15 ans… Par ailleurs, il y a l’influence des plus grands ou des plus populaires. Car les vêtements aident à se singulariser, mais aussi à s’intégrer dans un groupe d’amis. On choisira une allure plutôt qu’une autre (classique, RnB… gothique !) en fonction de l’image que l’on veut donner.
4. Mais les adultes, ils s’habillent comme ils veulent ?
Pas tant que ça ! Si la liberté vestimentaire est une liberté individuelle protégée par le code du travail, elle n’est pas “fondamentale”. Cela veut dire qu’elle peut être restreinte sous conditions. Les employés d’une banque ou d’une compagnie d’assurances, qui accueillent des clients, ne seront pas autorisés à venir au travail en tenue décontractée. Costume de ville, cravate ou talons y sont rarement facultatifs. Dans la vie publique aussi, les adultes sont surveillés. En 2017, le député François Ruffin s’est présenté à l’Assemblée nationale vêtu du maillot d’un petit club de foot pour défendre une loi liée au sport. Résultat : il a été privé d’une partie de son indemnité parlementaire. Cinq ans plus tôt, l’arrivée de Cécile Duflot en jean au Conseil des ministres avait fait un mini-scandale.
5. Futile, cette question des habits ?
Pas du tout. De tout temps, on s’est habillé en fonction de son sexe, de son âge, de sa profession, de son milieu, de ses origines géographiques. Tant que nous continuerons à porter des vêtements (et il y a peu de chances que ça change !), il existera des règles, écrites ou implicites, sur la manière de s’habiller. Dans le passé, elles étaient encore plus strictes. La preuve, avec ces lois somptuaires qui réservaient, jadis, certains vêtements ou tissus à une classe sociale. Que les bourgeois s’habillent de la même façon que les nobles était tout bonnement impensable ! Et les lois étant faites par des hommes, les femmes n’ont porté ni pantalon ni chapeau de feutre pendant très, très longtemps.
6. Pour qui s’habille-t-on ?
Pour soi, mais pas uniquement ! Quand nous ne sommes pas soumis au regard des autres, nous faisons moins attention. En mode relax à la maison… Ou plus original (à la manière de son personnage de manga préféré ?), sans peur d’être jugé.
7. Comment décide-t-on pour soi-même ?
C’est parfois simple. Il ne viendrait jamais à l’idée d’aller au collège en maillot de bain ! Il est aussi habituel de respecter certains usages culturels ou religieux. En France, comme à l’étranger, on ne pénètre pas avec ses chaussures dans certains lieux de culte. Le plus difficile reste de peser le pour et le contre entre ses envies vestimentaires et l’opposition des parents ou des adultes. Des questions peuvent aider. Choisir une tenue, oui, mais dans quel but ? Pour être à la mode ? Pour embêter les grands ? Et comment y arriver en s’adaptant au contexte de l’école ou de la rue ? Pas facile, mais voilà une bonne occasion de peaufiner ses arguments afin de défendre son point de vue !
Témoignages de collégiens
Basile, 12 ans
En primaire, je ne pensais pas trop aux vêtements. Au collège, j’aime mieux être original et avoir des marques. Le plus important pour moi, ce sont les chaussures. C’est ce qu’on remarque. Mais je ne porte pas de Air Force One parce que tout le monde en a et que je ne trouve pas ça très beau.
Marine, 14 ans
À cause du regard des autres, on ne met pas n’importe quoi. Et ce qui est sûr, c’est que l’on scrute davantage les corps féminins. On a des préjugés sur ce que les filles font… en fonction de leurs vêtements. D’ailleurs, je porte plus de shorts et de jupes pendant les vacances qu’au collège !
Que dit la loi ?
En France, il n’existe que deux lois interdisant certains vêtements à l’école.
- La loi sur la laïcité de 2004. Elle concerne “le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse”. Par tenues, on entend le voile porté par certaines musulmanes, mais aussi la kippa, le turban hindou, une grande croix chrétienne, etc.
- Une autre loi de 2010. Celle-ci établit que “nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage”. En revanche, l’interdiction ne s’applique pas si elle est justifiée par des raisons de santé… Donc, gardez les masques !
“Est-ce qu’on peut s’habiller comme on veut ?”, Okapi, 1er février 2021. Texte : Christine Lamiable. Illustrations : Manu Boisteau.
Merci à Denis Bruna, conservateur en chef au département mode et textile du Musée des Arts Décoratifs (Paris) et à Agathe Delanoë, animatrice de dialogues philosophiques et doctorante en sciences de l’éducation.