Savoir s’exprimer avec aisance et sans stress devant un auditoire est un atout précieux, dès le collège (notamment pour le brevet)… et bien après (le grand oral du bac compte pour 10 % de la note finale) ! Pour permettre aux adolescent(e)s de devenir des pros de l’éloquence, le magazine Okapi leur donne 10 conseils indispensables.
Pourquoi l’aisance à l’oral est-elle si importante aujourd’hui pour les adolescent(e)s ?
Jean-Yves Dana, rédacteur en chef du magazine Okapi :
Permettre aux adolescent(e)s de devenir des pros de l’éloquence, leur donner des trucs pour savoir s’exprimer devant un auditoire, telle est l’ambition que le dernier numéro d’Okapi, bimensuel généraliste des 11-15 ans, met à la une de son numéro du 15 juin, avec dix conseils d’un coach en prise de parole.
Contrairement à ce qu’il aurait été il y a une décennie, ce sujet n’est plus seulement une invitation à laisser éclater au grand jour le talent de future star du barreau ou de la scène en chacune et chacun de nos jeunes pousses. La maîtrise de l’art oratoire, depuis cinq ans, est aussi devenue un enjeu à visée scolaire immédiate ! Bien sûr, l’enseignement de l’expression orale n’est pas le cœur du cursus d’un élève français, que ce soit au collège et au lycée. On en est même loin encore. Pour preuve, les candidat(e)s au baccalauréat en situation de ballottage passent depuis des générations, pour l’obtention du précieux diplôme, un oral “de rattrapage” afin de rattraper les mauvaises notes de l’écrit. Et les adolescent(e)s sont légion, aujourd’hui comme hier, à traverser leur scolarité sans avoir jamais été confrontés à l’exercice de l’exposé face à un auditoire, fut-il celui de leurs camarades de classe.
Pour autant, les choses changent, et plutôt vite. Depuis 2017, l’épreuve orale est un temps fort du brevet des collèges, premier examen académique soldé par l’obtention d’un diplôme pour les élèves. Il compte pour 100 points sur 800, un coefficient non négligeable. Et depuis 2020, dans le cadre du “nouveau bac”, c’est le “grand oral” qui a fait son apparition : 20 minutes de prise de parole devant un examinateur, qui comptent pour 10 % de la note finale du baccalauréat.
Pour trop d’élèves, ces épreuves récemment apparues font l’effet d’une falaise à l’ascension périlleuse, où le risque de chute peut survenir partout. Et si on changeait la donne ? Bien maîtrisé, l’oral peut au contraire devenir une carte chance des élèves, dès le collège puis au lycée. Un atout qui peut rapporter très gros un jour d’examen, et sera utile à déployer dans toutes sortes de situations, à tout âge, dans un monde où celles et ceux “qui ont la tchatche” ont de plus en plus la part belle, par exemple sur les nouveaux réseaux sociaux… Il n’est donc pas trop tôt pour se lancer dans l’aventure de l’oral, bien avant l’heure du grand oral !
Deviens pro à l’oral – Okapi n°1158
S’il y a bien une chose partagée lorsqu’il s’agit de s’exprimer devant un public, c’est le trac ! Bouche sèche, nœuds dans le ventre, pensées qui semblent s’envoler… Même les meilleurs orateurs, ceux qui paraissent le plus à l’aise, ont été envahis par le stress au moment de monter sur l’estrade. Et le sont souvent encore. Apprendre à être à l’aise, c’est un peu comme se mettre au vélo. Au début, on peine à trouver son équilibre, on tombe, la peur de rater est omniprésente… Avec le temps, cette crainte s’atténue, parce qu’à force d’essayer, on s’habitue, et on y arrive !
Retiens donc ceci : chaque orateur qui a commencé à s’exercer avait peur avant de monter sur scène. Il n’y a rien de plus naturel que de ressentir ces émotions ! Pour te conseiller, nous avons sollicité l’association Eloquentia, dont la mission est de permettre aux jeunes de s’exprimer librement et de prendre confiance en eux à travers des formations et des concours de prise de parole ! Ilias Lemhajeb, animateur pédagogique pour Eloquentia et maître de l’éloquence, te livre les 10 conseils indispensables pour t’exprimer en public avec aisance et prestance !
1. Le discours parfait n’existe pas
Avant même de commencer à préparer ton oral, sache qu’il n’existe pas de discours “parfait” ! L’imperfection fait la perfection. Bien souvent, les jurys ou les profs (ou toute personne qui écoute un orateur) retiennent plus les petits coups de sensibilité ou d’émotion que les moments irréprochables. “Alors, ne te mets pas trop la pression, le plus important est que tu sois fier(ère) de ce que tu présentes”, explique Ilias Lemhajeb.
2. Cherche à te relâcher
Devenir plus zen, cela s’apprend ! Pour commencer à chasser le stress, tu dois te détendre : relâcher tes épaules en les “roulant” vers l’arrière, puis en les laissant retomber. Pose aussi tes deux pieds solidement sur le sol, et mets-toi à respirer calmement : prends de longues inspirations, et expire lentement. Avec le temps, le stress s’atténue et tu apprends à le maîtriser. “C’est un conseil d’ancien timide qui était au bord du malaise rien qu’en allant acheter du pain à la boulangerie !” confie Ilias Lemhajeb.
3. Ton exposé doit te plaire
Personne n’a envie d’acheter un produit dont le vendeur, lui-même, n’est pas fier. “Choisissons l’exemple d’un restaurant où le chef ne prend aucun plaisir à fabriquer ses plats”, image Ilias Lemhajeb. “Le menu aura beau être alléchant, au bout d’un certain temps, sa lassitude professionnelle finira par se ressentir dans son travail et elle se répercutera sur la qualité de ses plats. Ses convives seront déçus.” À l’oral, c’est pareil. Lorsque tu t’exprimes sur un sujet, fais-toi plaisir ! Choisis les arguments qui t’animent, choisis les idées, les exemples, les images qui te plaisent. Un orateur est convaincant quand il est lui-même convaincu !
4. Privilégie la qualité à la quantité
Un discours avec des dizaines d’idées et d’exemples n’arrive pas à la cheville d’un discours compact et efficace. “Reprenons l’exemple de notre restaurant, insiste Ilias Lemhajeb : s’il propose au menu un burger à 20 étages, tu trouveras cela impressionnant… mais clairement indigeste et impossible à manger ! Le chef aurait plutôt intérêt à revoir son burger et à en proposer un avec un ou deux excellents étages.”
C’est la même réflexion quand on prépare un discours : deux ou trois arguments suffisent largement à convaincre ton auditoire. Un discours comprenant vingt arguments sera bien trop long, impossible à suivre en détail. Retiens donc cette formule de notre animateur pédagogique : “Un discours simplifié est un discours plus facile à transmettre.”
5. Suis un schéma bien précis
Dans le précédent point, on a vu qu’un discours se tenait mieux s’il ne contenait que deux ou trois arguments. Mais c’est quoi un argument ? C’est le moyen par lequel tu vas défendre tes idées et convaincre. Voici les trois étapes pour expliquer simplement ta pensée :
• Idée –> Ta prise de parole commence par une intention que tu affirmes, par une position que tu défends. Ton idée se formule donc ainsi : “Je voudrais vous convaincre qu’Okapi est le meilleur magazine du monde.”
• Argument –> Après avoir exposé ton idée, tu te justifies en l’expliquant. C’est ton argument, qui commence de la manière suivante : “Parce que c’est le seul magazine capable de trouver des idées originales pour intéresser les collégiens à tous les sujets.”
• Exemple –> Mais que serait la théorie sans la pratique ? Après avoir expliqué ton cheminement de pensée, il faut l’illustrer. Il te faut donc trouver un exemple : “Dans le dossier de ce numéro…” Retiens ceci : une pensée structurée est toujours la bienvenue !
6. Attention à l’articulation !
Aussi convaincants qu’ils soient, tes arguments ne porteront pas si tu ne te fais pas comprendre ! Pour cela, n’hésite pas à t’entraîner régulièrement avec des fourchelangues. Par exemple, entraîne-toi à dire “panier, piano” dix fois, rapidement et sans te tromper (compliqué au début, n’est-ce pas ?). En voilà deux autres : “faible, fiable”, puis “vélo volé”. À force de travailler avec ce genre d’exercices bizarres, ton articulation va finir par s’améliorer !
7. Gère bien ta voix
“Mettons les choses au clair, insiste Ilias, tous ceux qui vont te dire ‘parle fort et ça ira’ n’ont clairement jamais parlé devant un public !” Savoir gérer le niveau de sa voix est tout un art. Si tu articules correctement (reviens au conseil précédent), tu as déjà fait le plus dur. Car rien ne sert de parler fort si on ne comprend rien ! Ensuite, ne crie pas, mais dis-toi que tu t’adresses en priorité à la personne la plus éloignée de toi, en levant bien le menton pour que ta voix arrive jusqu’à elle ! Car celles du premier rang vont t’entendre, quoi qu’il arrive.
Il faut donc essayer de parler suffisamment fort, et distinctement ! Enfin, essaye de varier l’énergie de ta voix. Au fil de ton discours, tu peux t’exprimer plus vite, puis plus lentement, ou plus fort, puis plus doucement. C’est un conseil important pour garder le public attentif : une prise de parole dans laquelle le ton ne change pas est monotone. “Et elle peut rapidement se transformer en berceuse”, prévient l’animateur d’Eloquentia.
8. Regarde bien ton public
Pour captiver l’attention de ton public, regarde-le bien pendant que tu t’exprimes. En effet, c’est à lui que tu t’adresses. Il est donc important qu’il se sente impliqué dans ta prise de parole. Tu le regardes, et tu montres ainsi que tu t’adresses directement (et correctement !) à lui.
“Pour cela, évite de trop lire tes notes”, conseille Ilias. Évidemment, tu peux garder tes feuilles en mains devant ton public, mais attention à ne pas les lire constamment !” Une personne qui lit ses notes n’est pas un(e) orateur(trice), mais un(e) lecteur(trice)… ce qui n’est pas la même chose ! On aura moins envie de t’écouter si tu as le nez plongé dans tes notes. Regarde-nous !
9. Évite les gestes parasites !
Les gestes parasites sont les ennemis de l’orateur. Ils ont en effet le pouvoir de distraire le public et de le détourner du discours. “On les appelle aussi ‘signes de stress de l’orateur’, rappelle Ilias Lemhajeb. Exemple ? Tirer sur ses manches de façon répétitive, jouer sans cesse avec ses feuilles, ne pas arrêter de se toucher les cheveux, etc.”
Voici des petits conseils afin d’éviter ces gestes : entraîne-toi en te filmant, afin de savoir si tu as des signes de stress. Et si oui, retrousse tes manches, pose tes feuilles sur une table devant toi. En revanche, tu as le droit de parler avec tes mains. C’est même conseillé : ça te donnera l’air assuré(e), surtout si tu te tiens bien droit(e), et ça captivera ton public !
10. Prends ton temps
Une fois arrivé(e) devant ton public, armé(e) de tous ces conseils, il te reste à bien gérer le temps dont tu disposes : occuper le temps imparti, mais ne pas se précipiter, ce n’est jamais simple au début. Il ne faut pas hésiter à faire des pauses, car un oral n’est pas une course. Prends aussi le temps de bien respirer. Plus tu feras de silences, mieux ce sera. “Et surtout, n’oublie pas de prendre du plaisir une fois sur scène, rappelle Ilias Lemhajeb. Ne te pose pas trop de questions. Souris et profite du moment devant ton public, il est là pour t’écouter, pas pour te juger !”