“La fabuleuse histoire du skate”, article extrait du magazine Okapi n°1207 du 1er octobre 2024. Photo : Adobestock.
© Frank Franklin II/AP/SIP. La skateuse australienne Arisa Trew, 14 ans, médaille d’or de park féminin, aux JO de Paris.

Culture ados : la fabuleuse histoire du skate

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Fini le foot ou la danse… désormais, nos ados parlent, mange et respirent « skate ». Il vous faut alors d’urgence actualiser vos « refs » et tout apprendre sur cet autre sport de glisse, devenu phénomène mondial et culture à part entière. Pour une mise à jour express, profitez de cette histoire du skate concoctée par le magazine Okapi : une aventure décoiffante, qui file des rues de Californie aux JO, à partager bien sûr avec vos petits skateurs et skateuses !

Années 1950 : un coup de génie des rois du surf

Dans les années 1950, grâce au sens de la débrouille de surfeurs en manque de vagues, le skate prend son premier élan… Mais tout reste à inventer !

Une nouvelle vague venue de Californie

On ne sait pas qui a inventé la toute première planche. Mélange de trottinette, de patin à roulettes et de surf, l’engin voit le jour dans les années 1950 sur la côte californienne. À l’époque, les surfeurs se précipitent dans l’eau à la moindre houle. Mais quand l’océan est plat, l’ennui se fait sentir. Pour retrouver les sensations des vagues, certains inventent une « planche à surfer les trottoirs ». Les pieds nus, ils s’entraînent à prendre de la vitesse sur le bitume, tout en restant en équilibre !

“La fabuleuse histoire du skate”, article extrait du magazine Okapi n°1207 du 1er octobre 2024. Photo : Adobestock.

Dans les années 1950, il n’y a pas de magasin où acheter sa planche. Il faut la fabriquer ! Ni marques ni logos : les premiers modèles, appelés « roller skates », sont rudimentaires. Les plus bricoleurs fixent, sur une planche en bois, des roues de patins à roulettes, en métal ou en argile, qu’ils coupent en deux. Le moindre caillou sur la route peut provoquer une chute, mais cela n’arrête pas les plus mordus.

En roue libre

Devant l’engouement, des entreprises se lancent dans la fabrication de planches. En 1959, Roller Derby lance son premier modèle, bien loin des skates actuels. La planche est plate, les roues sont en acier. Elle se vend dans les rayons de jouets car elle intéresse surtout les jeunes.

“La fabuleuse histoire du skate”, article extrait du magazine Okapi n°1207 du 1er octobre 2024. Photo : Adobestock.
1965, quatre skateurs dans les rues de Chicago. © Bettmann/Getty Images

En 1973, une nouvelle matière fait son apparition : l’uréthane. Ce caoutchouc synthétique résiste aux frottements, ce qui le rend idéal pour créer des roulettes plus adhérentes et souples. Elles vont révolutionner la pratique du skate : la glisse devient plus agréable, des figures plus techniques naissent. Le skate moderne est né !

“La fabuleuse histoire du skate”, article extrait du magazine Okapi n°1207 du 1er octobre 2024. Photo : Adobestock.

  • Premier contest
    En 1963, une compétition se déroule à Hermosa Beach, en Californie. Les skateurs participent à des épreuves de slalom et de freestyle où ils présentent les figures qu’ils ont inventées. Ils sont jugés en fonction du degré de difficulté, de la nouveauté et de la beauté de leurs mouvements. C’est un tournant.

  • Et Vans inventa la première chaussure de skate
    Dès 1966, bien avant de devenir un incontournable de la mode urbaine, la Vans Authentic conquiert le cœur des skateurs. Conçue pour s’adapter aux sols glissants et mouillés des bateaux, sa semelle en gomme gaufrée antidérapante se révèle précieuse sur la planche. Le modèle fait le tour du monde dès les années 1970. Aujourd’hui encore, il est symbole de coolitude : une vraie success story !
“La fabuleuse histoire du skate”, article extrait du magazine Okapi n°1207 du 1er octobre 2024. Photo : Adobestock.

Années 1970 : l’envol et les ados rebelles

Dans les années 1970, le skate investit la rue grâce à un team de sales gosses. C’est alors un sport extrême et pas sans danger.

Les Z-Boys, team de pionniers

C’est à Venice Beach, un quartier malfamé de Los Angeles, que trois surfeurs de 17 ans, au tempérament de feu, écrivent l’histoire du skate. Tony Alva, Jay Adams et Stacy Peralta forment le team Zephyr, surnommée les Z-Boys. Au lieu de traîner leur ennui dans leur banlieue, ils font du skate leur mode de vie ! Leur style agressif repousse les limites de la discipline et leurs prestations finissent par attirer les sponsors. Ils deviennent les premiers pros à vivre du skate.

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Tony Alva, surnommé Mad Dog, dans le documentaire “Dogtown and Z-Boys” (2001). © Entertainment Pictures/Alamy/ Hemis.fr

Lorsque la sécheresse frappe la Californie, à l’été 1976, les Z-Boys se trouvent un nouveau terrain de jeu. Ils pénètrent illégalement dans les jardins des belles propriétés désertées, et squattent les piscines vides pour s’entraîner ! Cette pratique donnera naissance à une future discipline : le bowl.

Premiers tricks, premiers exploits

Les Z-Boys sont vite imités. De nombreux skateurs se rassemblent autour des piscines où règne l’esprit de compétition. C’est à qui montera le plus haut sur les parois ! C’est alors que Tony Alva, leader du team, s’élance à toute vitesse et réussit à décoller avec ses roulettes au-dessus de la piscine. Un exploit !

La première figure (trick) est mise au point par un skateur, surnommé Ollie. À 15 ans, il défie les lois de la gravité et s’envole une fraction de seconde avec sa planche sans la tenir de ses mains. Sa technique : pousser fort son pied sur l’arrière de la planche (le tail) tout en remontant son autre pied vers l’avant (le nose) du skate. Ainsi, la planche reste « collée » à ses pieds. D’abord pratiqué dans les piscines, le ollie investit la rue grâce à un autre prodige : Rodney Mullen. Lui, parvient à le reproduire « à plat ». Dès lors, les skateurs peuvent sauter des obstacles en ville. Les tricks impressionnants se multiplient !

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1977, figures dans un tuyau de béton, dans un désert californien. © Warren Bolster/Sports Illustrated via Getty Images

À la fin des années 1970, les premiers skateparks ouvrent aux États-Unis et en Europe. En région parisienne, le skatepark Béton Hurlant ressemble à une vraie station de ski ! Mais les accidents se multiplient. Jugés trop dangereux, les skateparks finissent par fermer… Le skate, lui, retourne dans la rue, où il est né.

“La fabuleuse histoire du skate”, article extrait du magazine Okapi n°1207 du 1er octobre 2024. Photo : Adobestock.

  • Thrasher, l’esprit punk-rock du skate
    « Skate and destroy », (skate et détruis !) : telle est la devise d’un nouveau magazine américain qui paraît en 1981. Le ton est donné. Le mouvement skate devient plus rock, plus transgressif. Le logo, composé de flammes, se décline sur des T-shirts et des pulls à capuche. À l’intérieur, figurent des interviews, photos et articles d’actu sur la communauté. La rédaction lance même le trophée du skateur de l’année qui devient le Graal des skateurs.

Années 2000 : l’apogée d’un sport populaire et stylé

Jeux vidéo, musique, mode… marquent le début des années 2000. Depuis plus de 25 ans, le skate fait partie de la culture populaire et s’est imposé comme un sport à part entière.

Du grand spectacle et des icônes

Le 27 juin 1999, des milliers de spectateurs retiennent leur souffle aux X Games. En haut de la rampe, le regard bleu perçant de Tony Hawk. Dix fois déjà, il a échoué à réaliser le « 900 » qu’il prépare depuis des mois. À nouveau, il s’élance, agrippe sa planche, s’envole, tourne deux fois et demie sur lui-même (900 degrés de rotation) et retombe sur ses pieds… Il a réussi ! Cet exploit le propulse au rang d’icône vivante du skate.

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Tony Hawk après son premier “900”. © Capture image YouTube

Pour des millions d’ados, Tony Hawk devient une légende qui prête ses traits à un jeu vidéo : Tony Hawk’s Pro Skater – plus de 30 millions d’exemplaires vendus ! À la télé, sur Internet, sur les consoles, le skate est désormais partout. Il a même aujourd’hui son musée à Lyon, The DiSturb HouSe muSeum.

Phénomène de la mode

Chaussures larges, T-shirt ample, baggy, veste zippée à capuche et casquette… Le skate devient un style que tous les ados veulent adopter. À commencer par les « poseurs », qui s’affichent à côté de leur planche juste pour la photo. La star de la pop Avril Lavigne incarne ce courant avec son titre « sk8ter Boi », en 2002. En 2020, le look skate grimpe sur les podiums des défilés avec la tendance Y2K (pour années 2000). Aurélien Giraud, champion du monde de skate, représente la marque Dior !

Années 2010 : l’entrée des skateuses et la consécration des JO

Allez les filles !

Depuis les années 2010, les filles sont entrées dans le monde du skate. Des clubs leur sont réservés, ce qui les encourage à se lancer. Tout aussi douées et précoces que les garçons, elles sont de plus en plus à rentrer (réussir) des tricks. En 2021, la Japonaise Momiji Nishiya remporte le titre olympique dans la catégorie « street » à… 13 ans !

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La skateuse australienne Arisa Trew, 14 ans, médaille d’or de park féminin, aux JO de Paris. Frank © Franklin II/AP/SIP

Avant elle, d’autres ont inspiré la nouvelle génération. La première professionnelle, Patti McGee, signe un record de vitesse en 1965, ce qui la propulse à la une du magazine Life avec sa figure fétiche, le handstand : un poirier sur la planche ! Dans la décennie suivante, les Z-Boys comptent une fille dans leur team : Peggy Oki, qui remporte des médailles et déconcerte les autres skateuses avec son style masculin.

Plus récemment, la Brésilienne Leticia Bufoni, aux 4 millions d’abonnés sur Instagram, participe à 14 ans à ses premiers X Games en 2007. Avec 12 titres à son actif, elle bat tous les records ! En 2015, elle rejoint le team Nike Skateboarding, jusqu’alors réservé aux hommes.

Sur les podiums aux JO

Après avoir envahi nos vies, le skate s’offre une reconnaissance officielle. En 2021 aux JO de Tokyo, puis à l’été 2024 à Paris, il connaît l’engouement olympique. La foule se presse à la Concorde pour les épreuves de bowl, hérité des piscines, ou de street, sur mobilier urbain.

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La skateuse japonaise Coco Yoshizawa, 14 ans, médaillée olympique de skateboard street, aux JO de Paris 2024. © Kirill Kudryavtsev/AFP

Découvrez notre portrait de Noé Montagard, skateur de 14 ans, déjà prêt pour les JO de Los Angeles

3 questions à Thierry Dupin, pionnier du skate en France dès 1970

Ses passages télé étaient très remarqués à la fin des années 1970, quand il faisait la une des magazines. Il a même skaté sur les ailes d’un avion ! À 65 ans, Thierry Dupin te livre ses tricks pour te lancer à ton tour.

Okapi : Comment bien choisir sa première planche ?
Thierry Dupin : À mon époque, on choisissait sa planche en fonction de sa taille, de sa pointure et de sa spécialité. Maintenant, les planches se sont standardisées et le choix se fait en fonction de la tendance du moment, de la mode, de la couleur ou du style musical ou graphique que l’on aime. Tu peux simplement choisir la planche qui te plaît le plus.

Comment trouver sa place au skatepark quand on débute ?
T. D. : Ce n’est pas toujours simple ! Surtout quand il y a du monde, ce qui peut freiner les progrès. La règle à retenir : le premier qui se lance est prioritaire. Quand tu arrives au skatepark, il faut d’abord observer et bien choisir ton tracé pour ne pas couper la trajectoire d’un skateur plus aguerri. Quand tu commences, l’idéal est d’aller au skatepark pendant les heures creuses pour t’entraîner. Tu peux aussi t’inscrire dans un club pour acquérir le niveau de base. L’autre option, c’est de travailler tes tricks sur une petite zone facile et avec tes ami(e)s pour te fixer des challenges !

Qu’est-ce que ça apporte, la pratique du skate ?
T. D. : Quand je monte sur ma planche, je ressens une grande sensation de liberté et j’ai l’impression de survoler la ville. Le skateboard n’a pas d’équivalent, c’est une culture avec ses codes, et un art de vivre. Le skateur est un artiste. Il doit sans cesse se renouveler, sublimer ses enchaînements pour faire la différence… Le skate est un sport qui apprend à rebondir, car un skateur se relève toujours !

Nos remerciements à Matthew Todd Huber, fondateur du Skateboarding Hall of Fame en Californie, ainsi que Jim Zbinden, fondateur du musée du skate Pulp68 à Genève.
“La fabuleuse histoire du skate”, article extrait du magazine Okapi n°1207 du 1er octobre 2024. Texte : Olivia Villamy. Photo : Adobestock.
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