Le jour de ses 13 ans, le 12 juin 1942, Anne Frank reçoit un carnet. Parce qu’elle se sent seule, elle se confie à une amie imaginaire, Kitty. Un mois plus tard, pour échapper aux rafles des nazis, sa famille se cache dans un appartement secret à Amsterdam. Elle rêve de devenir journaliste ou écrivain et veut publier son journal après la guerre…
© Illustration : Jeanne Hammel. Je bouquine n° 492.

Journal intime : le refuge de l’écriture

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Beaucoup de jeunes confient leurs doutes, leurs peines et leurs rêves à un journal intime. Le magazine Je bouquine invite les 12-15 ans à découvrir celui d’Anne Frank, mondialement connu, et ceux de quatre auteur·e·s qui ont trouvé dans l’écriture un moyen de surmonter les moments difficiles…

Il y a quatre-vingts ans, en février ou mars 1945, Anne Frank mourait dans un camp de concentration, en laissant derrière elle son journal intime qui, depuis, est devenu le plus célèbre au monde. Comme elle, ces jeunes ont écrit, accrochés à leur plume comme à une bouée, pour confier leurs maux au papier.

Lucien Laby, un jeune médecin dans les tranchées à Lignières-Châtelain (France), 1914-1918

Son histoire. Lucien est étudiant en médecine. Il arrête ses études pour partir au front. Pendant la guerre, il se dévoue à sa mission : sauver les soldats, qu’ils soient français ou allemands. Il risque sa vie pour aller les chercher sur le champ de bataille, puis soigne leurs blessures directement dans les tranchées. Quand il a froid ou faim, quand il perd ses amis, quand ses supérieurs l’énervent, c’est à son journal qu’il se confie. Même quand le sol tremble, son crayon reste droit.

Lucien Laby est étudiant en médecine. Il arrête ses études pour partir au front. Pendant la guerre, il se dévoue à sa mission : sauver les soldats, qu’ils soient français ou allemands. Il risque sa vie pour aller les chercher sur le champ de bataille, puis soigne leurs blessures directement dans les tranchées. Quand il a froid ou faim, quand il perd ses amis, quand ses supérieurs l’énervent, c’est à son journal qu’il se confie. Même quand le sol tremble, son crayon reste droit. © Illustration : Jeanne Hammel.

Et après ? Devenu adulte, Lucien retrouve ses carnets et les met au propre pour qu’ils puissent servir de témoignage sur la Première Guerre mondiale (1914-1918).

“Les carnets de l’aspirant Laby, médecin dans les tranchées” de Lucien Laby, éd. Bayard.

Extrait : “Pas la plus petite place pour s’asseoir. Ai-je jamais eu aussi froid ? Je suis obligé de marcher et de piétiner. Pourtant, je suis bien fatigué… J’ai les pieds gelés, plein d’eau glacée jusqu’aux genoux : cela ne veut pas sécher, par ce froid de canard…” [25 septembre 1915]

  • “Les carnets de l’aspirant Laby, médecin dans les tranchées” de Lucien Laby, éd. Bayard.

Nina Lougovskaïa, l’ado rebelle, Moscou (URSS), années 1930

Son histoire. Dans la vie de Nina, il y a les potins avec ses amies, les crush sur les garçons, les disputes avec ses sœurs… Il y a sa mère, très absente, et surtout son père, banni de Moscou pour ses idées politiques, qui lui manque tant. Il y a l’école, qu’elle déteste. Il y a ses complexes… Mais il y a surtout son journal, à qui elle raconte tout ça.

Dans la vie de Nina Lougovskaïa, il y a les potins avec ses amies, les crush sur les garçons, les disputes avec ses sœurs… Il y a sa mère, très absente, et surtout son père, banni de Moscou pour ses idées politiques, qui lui manque tant. Il y a l’école, qu’elle déteste. Il y a ses complexes… Mais il y a surtout son journal, à qui elle raconte tout ça. © Illustration : Jeanne Hammel.

Et après ? La famille de Nina, accusée de trahison, est enfermée dans un goulag. Le journal est confisqué. Cinquante ans plus tard, après la chute de l’Union soviétique (URSS), on le retrouve dans les archives de la police secrète.

“Journal d’une écolière soviétique” de Nina Lougovskaïa, éd. Robert Laffont.

Extrait : “Oh, comme j’aime écrire ! Après, je me sens apaisée. Comme si une main inconnue avait remis de l’ordre dans mon cœur, en avait retiré tout ce qui pouvait me procurer de l’inquiétude. Sans rien oublier…” [11 octobre 1932]

  • “Journal d’une écolière soviétique” de Nina Lougovskaïa, éd. Robert Laffont.

Anne Frank, Amsterdam (Pays-Bas), 1942-1944

Son histoire. Le jour de ses 13 ans, le 12 juin 1942, Anne reçoit un carnet. Parce qu’elle se sent seule, elle se confie à une amie imaginaire, Kitty. Un mois plus tard, pour échapper aux rafles des nazis, sa famille se cache dans un appartement secret à Amsterdam. Pendant deux ans, ils cohabitent à huit, sans jamais sortir ! Regarder par la fenêtre, parler à voix haute, allumer la lumière : tout est interdit. Entre les disputes qui s’enchaînent, la peur d’être découverts, la faim et le manque d’intimité, Anne craque. Alors pour s’évader, elle écrit à Kitty.

Le jour de ses 13 ans, le 12 juin 1942, Anne Frank reçoit un carnet. Parce qu’elle se sent seule, elle se confie à une amie imaginaire, Kitty. Un mois plus tard, pour échapper aux rafles des nazis, sa famille se cache dans un appartement secret à Amsterdam. Anne, qui rêve de devenir journaliste ou écrivain, veut publier son journal après la guerre. Mais le 4 août 1944, sa cachette est découverte. Ils sont tous arrêtés, puis déportés. Anne meurt dans un camp en 1945. Seul survivant, son père exauce le vœu de sa fille : ce journal est aujourd’hui l’un des livres les plus lus au monde. © Illustration : Jeanne Hammel.

Et après ? Anne, qui rêve de devenir journaliste ou écrivain, veut publier son journal après la guerre. Mais le 4 août 1944, sa cachette est découverte. Ils sont tous arrêtés, puis déportés. Anne meurt dans un camp en 1945. Seul survivant, son père exauce le vœu de sa fille : ce journal est aujourd’hui l’un des livres les plus lus au monde.

“Le journal d’Anne Frank”, éd. Le Livre de Poche.

Extraits : “Les autres gens ne savent pas tout ce que les livres représentent quand on est enfermé…”
[11 juillet 1943].
“Ce que j’ai encore de meilleur, il me semble, c’est de pouvoir au moins noter ce que je pense et ce que j’éprouve, sinon j’étoufferais complètement…” [16 mars 1944].

  • “Le journal d’Anne Frank”, éd. Le Livre de Poche.

Juives, elles témoignent dans leur journal intime…

• Étudiante, Hélène Berr raconte sa vie à Paris. Quand son premier amour rejoint la Résistance, elle confie aussi sa peine de la séparation. Elle est arrêtée en mars 1944, puis déportée.
• Après avoir fui la Pologne en 1943, Mary Berg parvient à faire publier son journal avant même la fin de la guerre. Elle révèle au monde ce qui se passe vraiment dans le ghetto de Varsovie.
• Pour échapper à la déportation, Danièle Kahn, 12 ans, doit se cacher à la campagne. Des années après, son fils a récupéré son journal et en a fait un film d’animation émouvant, Le cahier de Danièle Kahn (à voir sur le site de France TV jusqu’au 25 avril 2025).

Ma Yan, l’écolière déterminée de Zhang Jia Shu (Chine), 2000

Son histoire. Ma Yan vit dans une région pauvre de Chine. Pour faire des études, elle est prête à tout : elle marche pendant des heures pour aller à l’école, elle se prive de repas durant quinze jours pour acheter un stylo… Mais un jour, ses parents lui annoncent qu’ils n’ont plus les moyens de payer les frais. Désespérée, la jeune fille donne son journal à sa mère. Dessus, elle a écrit en gros : “Je veux étudier.”

Ma Yan vit dans une région pauvre de Chine. Pour faire des études, elle est prête à tout : elle marche pendant des heures pour aller à l’école, elle se prive de repas durant quinze jours pour acheter un stylo… Mais un jour, ses parents lui annoncent qu’ils n’ont plus les moyens de payer les frais. Désespérée, la jeune fille donne son journal à sa mère. Dessus, elle a écrit en gros : “Je veux étudier.” © Illustration : Jeanne Hammel.

Et après ? La mère de Ma Yan confie les carnets au journaliste Pierre Haski, en espérant qu’il pourra les aider. Après la publication, les dons affluent et une association est créée. Ma Yan et plusieurs autres enfants peuvent continuer leurs études.

“Le journal de Ma Yan”, de Ma Yan et Pierre Haski, éd. Le Livre de Poche.

Extrait : “Rien ne me détournera de mes idéaux et de mes plans pour l’avenir. Je ferai en sorte que leurs regards jaloux se changent en regards admiratifs. Je serai aussi forte que ma mère…” [17 octobre 2001].

  • “Le journal de Ma Yan”, de Ma Yan et Pierre Haski, éd. Le Livre de Poche.

Myriam Rawick, une enfance au milieu des bombes à Alep (Syrie), 2011

Son histoire. Myriam menait une vie insouciante, avant que la guerre éclate en Syrie et détruise son quartier. En publiant le journal qu’elle a tenu pendant cinq ans, entre 2011 et 2016, elle a donné une voix à tous les enfants victimes du conflit.

Myriam menait une vie insouciante, avant que la guerre éclate en Syrie et détruise son quartier. En publiant le journal qu’elle a tenu pendant cinq ans, entre 2011 et 2016, elle a donné une voix à tous les enfants victimes du conflit. © Illustration : Jeanne Hammel.
“Le journal de Myriam”, de Myriam Rawick (Le Livre de Poche).

Extrait : “Aujourd’hui, on a retrouvé l’électricité. Heureusement, parce que les bombes et les tirs dans le noir, ça fait encore plus peur que dans la lumière…” [24 juillet 2012]

  • “Le journal de Myriam”, de Myriam Rawick, éd. Le Livre de Poche.

3 questions à Irvin Anneix, artiste vidéaste et spécialiste des journaux intimes

“Les fautes, l’écriture, les gros mots : on s’en moque.”

Pourquoi écrire, ça fait du bien ?
Quand on est ado, on ne peut pas toujours se confier à quelqu’un. Depuis 2013, j’ai collecté des centaines de journaux. Certains thèmes reviennent : conflit avec les parents ou les amis, rupture, questionnement sur le monde, mal-être, sexualité, harcèlement… C’est un moyen de vider son sac. Ce n’est pas bon de tout garder en soi !

Est-ce qu’on peut tous tenir un journal ?
Bien sûr ! La plupart des journaux ne sont pas destinés à être lus. Les fautes, l’écriture, les gros mots : on s’en moque. C’est un espace de liberté où l’on peut être soi-même. Pour ceux qui ont peur de la page blanche, voilà une astuce : écrire une lettre à soi dans cinq ou dix ans ! On commence par “Cher futur moi” et on se laisse guider par son esprit…

Et le carnet, est-ce l’objet ultime ?
Peu importe le support : journal décoré, feuilles volantes, post-it… Ça marche toujours ! On peut démarrer à 8 ans ou à 18 ans, écrire tous les jours ou juste une fois, ajouter des dessins ou des poèmes… On peut même utiliser son téléphone ou son ordi, mais écrire à la main a un avantage : c’est plus long, donc ça pousse à la réflexion.

  • Irvin Anneix a créé les projets “Mots d’ados” et “Cher futur moi”. On peut découvrir son travail sur le site irvinanneix.com ou dans le livre Mots d’ados (2021, éd. Hoëbeke).
« Spécial Anne Frank – Journal intime : le refuge de l’écriture », article extrait du magazine Je bouquine n° 492, février 2025. Textes : Angélique Brousse. Illustrations : Jeanne Hammel.
Couverture du magazine Je bouquine n° 492, février 2025.