À voix haute, dans les livres ou sur les écrans, les récits traversent le temps et les frontières.
© Illustration : Auriane Bui. Je bouquine n°493, mars 2025.

Contes de fées : le secret de leur immortalité

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Depuis la nuit des temps, les humains racontent des histoires : d’abord dans les cavernes, puis dans les maisons, au coin du feu. À voix haute, dans les livres ou sur les écrans, pourquoi et comment les récits traversent-ils le temps et les frontières ? Je bouquine, le magazine Bayard Jeunesse des 12-15 ans, se penche sur les contes de fées, dont celui de Blanche Neige, dans son numéro de mars 2025.

Grâce à la parole des conteurs, les histoires traversent le temps et les frontières

Il était une fois… une foule de Cendrillon ! En tout cas, au moins 700 versions dans la bibliothèque de Bernadette Bricout, spécialiste des contes. Parmi ces éditions, on retrouve les plus célèbres : celles de Charles Perrault (1697) et des frères Grimm (1812). “Il existe des milliers de versions, dans le monde entier. Parce que le conte est un récit oral, il voyage et il s’inscrit dans la mémoire de l’humanité”, souligne la professeure.

Depuis la nuit des temps, les humains racontent des histoires : d’abord dans les cavernes, puis dans les maisons, au coin du feu. Grâce à la parole des conteurs, les histoires ont traversé les temps et les frontières.

Premier secret de l’immortalité des contes de fées : la parole !

Le voilà, le premier secret de l’immortalité des contes : la parole ! Grâce à elle, ils traversent le temps et les pays. D’ailleurs, personne ne raconte une histoire de la même manière. “C’est cette souplesse qui permet à un récit de voyager. Il a été pensé pour que chacun se le réapproprie”, affirme Flore Vesco, autrice de trois réécritures de contes (De délicieux enfants ; D’Or et d’Oreillers ; L’Estrange Malaventure de Mirella). N’importe qui peut partager une histoire, ajouter des variations, et ainsi de suite… à l’infini !

À l’oral, ces récits étaient plutôt l’apanage des femmes. “Dans les sociétés traditionnelles, explique Bernadette Bricout, ce sont souvent des contes de mères, de grands-mères, de nourrices, de servantes… On se les racontait le soir, dans les veillées paysannes. Ils n’étaient pas seulement destinés aux enfants.” Par exemple, dans une version assez violente de Cendrillon, les sœurs se coupent les talons pour enfiler la pantoufle et des corbeaux leur crèvent les yeux. L’horreur !

Une retranscription des contes à l’écrit dès le XVIIe siècle

Les contes les plus célèbres ont été retranscrits à l’écrit dès le XVIIe siècle. D’abord grâce aux “salonnières”, comme Marie-Catherine d’Aulnoy : ces femmes tenaient “salon” chez elles pour raconter des histoires (le bookclub de l’époque !). Puis grâce aux écrivains qui s’en emparent : Charles Perrault publie Peau d’âne, son premier conte en vers inspiré de récits populaires, en 1694. D’autres suivent, comme Madame de Villeneuve, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, Hans Christian Andersen, les frères Grimm. Tous transmettent, avec leurs mots, des récits merveilleux…

La formule magique “Il était une fois…”, “Once upon a time…”

“Il était une fois…” Cette accroche, on la retrouve dans toutes les langues. Elle nous fait basculer hors du temps, ou plutôt dans un autre espace-temps. On quitte la vie réelle pour entrer dans un monde féerique…

Les contes varient selon les pays…

En Grèce, le miroir dans le conte de Blanche Neige est l’astre du jour, à qui l’on demande : “Soleil, Soleil, toi qui vois tout, quelle est la plus belle d’entre nous ?” Blanche Neige, elle, s’appelle Cinq Fois Belle, et se réfugie dans une maison où vivent les douze mois de l’année. Devine quoi ? Le plus petit, Février, est super grincheux !

Les codes du merveilleux transforment les contes de fées en récits universels qui parlent à tout le monde

Les contes de fées : un monde qui parle à tout le monde avec de vrais gentils et de vrais méchants, des animaux et des objets pas comme les autres et des personnages qui ne laissent transparaître aucune pensée intime.

De vrais gentils et de vrais méchants

Dans les contes de fées, on reconnaît facilement le héros parce qu’il cumule les difficultés. Il est le plus petit, le cadet d’une fratrie, il vit dans la pauvreté… Seule la princesse fait figure d’exception, mais dans ce cas-là, elle a perdu ses parents ! En face, on identifie très vite le méchant, et la menace qui pèse sur le bonheur des “gentils”. Heureusement, chaque conte de fées est bâti sur “un scénario de gagneur”, précise la spécialiste des contes Bernadette Bricout. Le héros triomphe toujours des épreuves.

Des animaux et des objets pas comme les autres

Tu en as déjà vu, toi, des miroirs qui répondent aux questions, des buissons qui s’écartent pour te laisser passer et des grenouilles qui parlent ? Le merveilleux enlève les limites entre les objets, la nature et les humains. “Ça résonne encore plus fort aujourd’hui par rapport aux préoccupations environnementales, note Bernadette Bricout. Dans ce monde, le héros a le respect du vivant et de la vie…” Universels, on te dit, les contes de fées !

Des personnages trop lisses ?

Contrairement aux héros des romans, les personnages des contes ne laissent transparaître aucune pensée intime. On apprend à les connaître à travers leurs actions : Cendrillon s’occupe de la maison, Le Petit Chaperon rouge va porter une galette à sa grand-mère… Et beaucoup de princesses et de princes n’ont même pas de prénoms. Il est parfois plus facile de se mettre dans la peau d’un héros qui n’a pas une identité marquée, on peut ainsi y projeter ses propres émotions. Les protagonistes des contes de fées sont plats, pour nous laisser pleinement la place !

Le conte de Blanche Neige est une source d’inspiration illimitée

Réécriture, adaptation de film, en dessin animé, en spectacle… Les contes, comme celui de Blanche Neige, sont une source d’inspiration illimitée. Depuis la version des frères Grimm de 1812, Blanche Neige arrive en tête des contes revisités.

1812. Dans le conte des frères Grimm, Blanche Neige sort de son long sommeil parce qu’un valet du prince trébuche sur une racine et décoince le morceau de pomme bloqué dans sa gorge… Le jour des noces de la princesse, la méchante belle-mère est condamnée à danser avec des souliers de fer brûlants, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Pas cool comme ouverture de bal…

Le dessin animé Disney de 1937 offre une version glamour du prince charmant, telle que la société l’imagine à l’époque… Quand celui-ci croise Blanche Neige, c’est le coup de foudre ! À la fin de l’histoire, il réveille la jeune femme par un baiser. Baiser aujourd’hui critiqué, car non consenti…

Walt Disney sort Blanche Neige et les Sept Nains en 1937 : l’œuvre est considérée comme le premier long-métrage d’animation pour enfants.

1937. Walt Disney sort Blanche Neige et les Sept Nains : l’œuvre est considérée comme le premier long-métrage d’animation pour enfants. Réfugiée dans la maison des Sept Nains, la princesse y campe une femme d’intérieur parfaite. Le reflet d’une époque !

Depuis, d’autres adaptations ont vu le jour, plus ou moins fidèles ou librement inspirées du conte des frères Grimm, comme Once Upon a Time, sorti en 2011. Dans cette série fantastique, on retrouve les personnages des contes de fées les plus connus, qui ont tous perdu la mémoire. Même Mary Margaret Blanchard (Blanche Neige), l’institutrice de la petite ville de Storybrooke…

2009. Danseur et chorégraphe, Angelin Preljocaj crée le spectacle Blanche Neige sur la musique classique du compositeur Gustav Mahler. Dans sa version, c’est parce que Blanche Neige tombe amoureuse d’un jeune homme que le miroir se met à la désigner comme la plus belle… déclenchant ainsi la jalousie de la belle-mère !

Danseur et chorégraphe, Angelin Preljocaj crée, en 2009, le spectacle Blanche Neige sur la musique classique du compositeur Gustav Mahler.
Dans Blanche Neige et le Chasseur, réalisé par Rupert Sander, l’héroïne se révèle intrépide.

2012. Dans Blanche Neige et le Chasseur, réalisé par Rupert Sander, l’héroïne se révèle intrépide. Elle tue la sorcière, force le respect par son courage et reprend la place de son père sur le trône… En plus, elle n’épouse personne à la fin !

2025. Théâtre, danse, street art, jeux, publicité… Blanche Neige est une icone pop ! En 2025, c’est au tour de Rachel Zegler d’incarner la princesse dans un nouveau film Disney. Le scénario a été coécrit par Greta Gervig, la réalisatrice de Barbie. De quoi spéculer sur cette nouvelle adaptation : sera-t-elle féérique, féministe ? Réponse au cinéma le 19 mars 2025…

Affiche du remake du dessin animé Disney “Blanche Neige”, au cinéma en France à partir du 19 mars 2025. La comédienne Rachel Zegler interprète le rôle de Blanche Neige.

“Les contes de fées : le secret de leur immortalité”, article extrait du magazine Je bouquine n°493, mars 2025. Texte : Anne Ricou. Illustrations : Auriane Bui. Merci aux trois fées qui se sont penchées sur ce dossier : Bernadette Bricout, professeure de littérature orale ; Flore Vesco et Florence Hinckel, autrices de romans jeunesse inspirés des contes.

Couverture du magazine Je bouquine n°493, mars 2025.
Couverture du magazine Je bouquine n° 493, mars 2025.