Visiter un musée avec un tout-petit : l’idée peut effrayer certains parents. Et pourtant, pensée à hauteur d’enfant, la sortie peut s’avérer source de richesse pour les petits comme pour les plus grands. Les conseils du magazine Popi, à tester dès que la situation sanitaire permettra de nouveau les visites.
La peur que ça vire au cauchemar
À la perspective d’emmener son fils de 2 ans dans un musée, Grégoire a les cheveux qui se dressent sur la tête. “J’imagine déjà l’expédition ! s’exclame-t-il. L’enfant qui crapahute partout sous le regard furibond des gardiens, les pleurs, l’énervement dès la deuxième salle, la foule… Non, franchement, je ne vois pas l’intérêt.” Et pourtant, n’en déplaise à Grégoire, il y en a bien un. Et même plusieurs !
On a tous droit au beau
“On éveille ainsi la curiosité du petit, il découvre des choses qu’il n’a pas l’habitude de voir dans son quotidien”, s’enthousiasme Anne Brichet, directrice du Service pédagogie et régie des œuvres au Musée en Herbe à Paris, spécifiquement conçu pour les enfants.
De son côté, Joséphine Barbereau, historienne de l’art et fondatrice de Little Io, qui propose des kits et des ateliers culturels, analyse : “Cela permet de partager du temps avec son enfant, de créer chez lui l’habitude de fréquenter les institutions culturelles.” Et convoque le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux. Dans son ouvrage La Beauté dans le cerveau (éd. Odile Jacob), celui-ci évoque en effet “les interconnexions neuronales qui se font, face à la contemplation d’une œuvre d’art”. Bref, les raisons d’aller au musée en famille ne manquent pas.
Les animaux d’abord !
Pour ceux qu’une telle “virée” effraie, Caroline Rosnet, fondatrice de l’association Môm’Art (voir en fin d’article) suggère d’y aller pianissimo. Et de commencer par les muséums d’histoire naturelle. En déambulant parmi les animaux naturalisés, il est possible d’organiser une balade ludique. « On peut chanter “Ah les crocodiles !” devant le crocodile ; raconter “Roule Galette” près du renard. Ou, si le doudou du petit a la forme d’un animal, chercher celui qui lui ressemble dans les galeries et les vitrines », propose Caroline Rosnet. Selon elle, il est important de considérer “le musée comme un terrain de jeu et de poser sur la culture un regard d’émotion et de connivence”.
Le musée, un jeu d’enfant
Mais rien n’empêche de plonger d’emblée dans le grand bain des musées dits “classiques”. Caroline Rosnet souligne cependant qu’il vaut mieux préférer les collections permanentes, plus tranquilles, aux grandes expositions temporaires, souvent noires de monde. Elle conseille également de privilégier les œuvres accessibles, exemples à l’appui : “Au Louvre, il ne me semble pas indispensable d’aller voir La Joconde avec un tout-petit, car le sujet et la composition du tableau sont complexes. Mieux vaut aller contempler les œuvres d’Arcimboldo, ou des peintures qui représentent des enfants…”
Conservons par ailleurs à la sortie familiale sa dimension ludique : “On ne peut pas laisser un petit errer dans un musée, estime Anne Brichet. Il faut que les parents s’impliquent. En cas de léger coup de mou, pourquoi, par exemple, ne pas raconter une histoire en lien avec un tableau ?” Des idées de jeux, Joséphine Barbereau en a également : faire choisir à l’enfant un tableau préféré par salle ; reproduire les postures des personnages d’une toile ; proposer un “Cherche et trouve” (les chats, les bébés…) dans les œuvres présentées.
Et, surtout, ne nous censurons pas : l’art moderne a aussi les faveurs des plus jeunes. “Si l’œuvre n’est pas figurative, ce n’est pas très grave. Dans l’abstraction, les formes et les couleurs vont les interpeller, analyse Anne Brichet. Sans oublier les installations monumentales. Les enfants s’émerveillent devant le grand, le coloré.” On peut aussi privilégier les musées avec jardin pour se dégourdir les jambes après la visite. Et ne pas oublier de passer à la boutique pour choisir ensemble, en guise de souvenir, la carte postale représentant l’œuvre qu’il a le plus aimée.
Parents, détendez-vous !
Et si, finalement, c’était plutôt à nous, parents, de nous préparer à ces visites ? En gardant en tête ce principe : une visite au musée avec un tout-petit est nécessairement différente de celle qu’on peut effectuer avec des plus grands, ou entre adultes. Joséphine Barbereau choisit l’analogie avec la randonnée : “La culture, résume-t-elle, c’est comme la montagne : on peut tous aller au même endroit, mais pas au même rythme.”
Donc oui, passer trente minutes dans un musée avec un petit, c’est déjà bien. S’il s’est intéressé à quelques œuvres seulement et a zappé les dernières salles, rien de dramatique ! “Pour certains parents, c’est parfois un marathon”, regrette Anne Brichet. Avec, en tête, le souci de bien faire, certes, mais aussi des injonctions du style “Il faut voir tel musée”, “Il faut visiter toute l’exposition” qui dépouillent la sortie de sa dimension plaisir.
Le but n’étant pas que notre enfant puisse prétendre à un master d’Histoire de l’art d’ici l’entrée en maternelle, on relâche la pression. Et on revient à l’essentiel, rappelé par Caroline Rosnet : “Demander à son enfant s’il aime ou non une œuvre, c’est toucher à quelque chose d’intime en lui, c’est apprendre à mieux le connaître.” Et ça, c’est déjà une belle démarche !
Môm’Art, une mine pour s’amuser au musée
L’association Môm’Art valorise l’accueil des familles au musée. Elle a ainsi élaboré une charte signée par des musées qui s’engagent dans cette voie, et dont la liste est indiquée sur son site. Vous y trouverez aussi de multiples ressources pour préparer une visite au musée avec votre enfant, du tout-petit à l’ado. À lire également (et à imprimer gratuitement) : Les dix droits du petit visiteur, parmi lesquels figure le droit de s’asseoir ou de ne pas tout regarder… Histoire de se décomplexer et d’apprécier pleinement ces sorties en famille !