Votre tout-petit n’a plus que le mot “non” à la bouche ? Ses colères s’enchaînent ? Le voilà sans doute entré dans la fameuse “crise des 2 ans”. Le magazine Popi vous conseille pour mieux vivre cette période, pas toujours simple, qui est pourtant essentielle à l’affirmation de soi des enfants.
Se préparer à la crise des 2 ans
Pour Claire, cela a commencé au petit déjeuner. Sa fille Jeanne, 22 mois, réclame une tartine. Claire s’exécute, lui tend la tartine et… “Non !” Jeanne pointe le bol de céréales de ses frères. Ça tombe bien, l’un des deux garçons n’en veut plus. Claire donne donc le bol à Jeanne. Une fois devant elle, elle le repousse de la main… Pour Olivier, l’entrée en matière a eu lieu au supermarché. Assise dans le siège du Caddie, sa fille Éva, 2 ans et demi, attrape un produit dans les rayons. Olivier le reprend et le repose. Que n’a-t-il pas fait ! Éva vire au rouge tomate et entame une colère d’anthologie qui fait se retourner, d’un air outré, les clients entourant le duo père-fille.
“C’est assez brutal, note Claire. Un jour, vous avez un enfant sympa, ouvert, souriant. Et le lendemain, vous vous retrouvez avec un petit qui dit non à tout et qui pique des crises à tout bout de champ.” Pourtant, non, ces enfants n’ont pas soudainement muté dans la nuit. Ils sont entrés dans la fameuse phase d’opposition, également connue sous le nom de “crise des deux ans”, voire sous la terrifiante appellation de “terrible two”. “Elle débute aux alentours de 2 ans mais, évidemment, elle peut démarrer un peu plus tôt ou un peu plus tard, précise la psychologue et psychothérapeute Catherine Pierrat. Elle survient au moment où l’enfant acquiert davantage d’autonomie : il marche, commence à parler et comprend le pouvoir qu’il peut exercer sur son entourage. Un pouvoir qu’il va donc essayer de tester.” Claire confirme : toutes les occasions sont bonnes pour sa fille de voir jusqu’où elle peut pousser le bouchon : “Ce matin, c’est la tartine, mais ce soir, ce sera peut-être le moment du bain.”
Adapter votre communication
Lors de cette fameuse phase, l’usage récurrent du “non” chez le petit est un grand classique. Rien d’étonnant, aux yeux de Catherine Pierrat : “C’est le mot que l’enfant entend le plus souvent, rappelle-t-elle. Il ne faut pas oublier qu’il évolue aussi par l’imitation. Il utilise donc à son tour l’arme de ses parents.” Une bonne façon de s’affirmer donc, mais aussi d’éprouver ce “pouvoir du non” : puisque je m’arrête instantanément de faire quelque chose quand mes parents me disent “non”, que se passe-t-il quand moi, à mon tour, je prononce ce mot qui a l’air si puissant ? Olivier a en tête le regard d’Éva à chaque fois qu’elle le prononce : « On sent bien que notre expression stupéfaite devant son “non” plein d’aplomb ne lui déplaît pas », sourit-il. Pour contrer l’usage trop systématique de la négation chez sa fille, Claire, elle, a trouvé la parade : « J’essaie moi-même d’éviter d’utiliser le “non”. Je le remplace par “Stop” ou “Fais plutôt comme ça”. Histoire qu’elle comprenne que le “non” n’est pas le seul mode de communication possible. »
Détourner son attention
Quant à la colère, “elle est souvent l’expression d’une frustration, estime Catherine Pierrat. L’enfant ne se sent ni compris, ni écouté”… Et pour cause : si le langage est encore balbutiant, il peut exister, chez le petit, un décalage entre ce qu’il souhaite et ce qu’il parvient à exprimer. Cette prise de conscience de l’incompréhension de l’autre peut faire bouillir les émotions, jusqu’à l’explosion. À ce stade, la psychologue tient à apporter une précision : « On dit souvent d’un enfant qu’il “se met” en colère. Mais ce n’est pas un état dans lequel il se met volontairement. Il est plutôt submergé par son ressenti. Je préfère dire qu’il “se retrouve” en colère. Cela me semble plus juste. »
Répétitives, imprévisibles, ces crises qui ponctuent la phase d’opposition mettent la patience parentale à rude épreuve. Mère de trois enfants, Claire a de l’expérience en la matière : “Le mieux, c’est de détourner l’attention. Ça ne sert à rien de crier, ni même de rester bloqué sur le sujet de discorde. Alors, quand une crise survient, je propose un livre, une activité…” Pour éviter de s’agacer, Olivier mise sur la prise de relais : « C’est souvent l’un des deux parents qui “prend” ! Quand une crise se produit, le parent en première ligne passe le relais à l’autre et va s’aérer un peu. »
Pour Catherine Pierrat, il est essentiel que les deux parents soient sur la même longueur d’onde. Qu’il n’y ait pas, au sein du couple, le “good cop” qui va consoler après le “bad cop” qui a réprimandé : “D’autant que, dès 2 ans, un enfant comprend les règles de la maison. On peut donc les lui expliquer, ainsi que les sanctions.” Et surtout, on ne change pas de cap. Au risque, ensuite, de se retrouver aux prises avec des négociations sans fin. Pour la psychologue, laisser son enfant exprimer son ressenti, mais sans en être spectateur, est aussi important. Même si cela peut être saisissant de voir son enfant faire une crise ! “Si l’environnement est sécurisé, on peut lui dire qu’on va dans la pièce voisine et qu’il pourra venir nous retrouver quand il sera calmé. De façon que cela ne soit pas perçu comme un abandon”, explique-t-elle.
Accueillir ses émotions
“Dans ces moments-là, estime Claire, il ne faut pas mettre trop d’affect. La crise n’est pas tournée contre nous.” Cette phase fait partie du développement de l’enfant. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle aussi “la petite adolescence”. “L’enfant se retrouve trop petit pour certaines choses, mais trop grand pour d’autres. C’est une période transitoire où il est soumis à beaucoup de paradoxes“, rappelle Catherine Pierrat. Et, comme toute étape de son développement, celle-ci le fait grandir : “Il apprend à exprimer ses pensées, ses envies, à développer la gestion de ses émotions. L’intelligence émotionnelle et sociale se développe à ce moment-là.” Alors, si cette période fait un peu grincer des dents côté parents, elle est aussi la promesse de lendemains qui chantent pour toute la famille…
Et s’il ne fait pas sa crise ?
L’aîné et la benjamine de Claire ont connu cette phase d’opposition. Son cadet, en revanche, est semble-t-il passé entre les gouttes. Pour Catherine Pierrat, pas d’inquiétude : la “crise des deux ans” n’est pas systématique. Si elle est de faible intensité, on passe peut-être à côté. Ou, tout simplement, “l’enfant ne la traverse pas parce qu’il a déjà appris à gérer ses émotions”.