À l’école, avoir un enfant “différent”, c’est le parcours du combattant ! Tous les parents concernés le disent. Depuis 2005, la loi pour “l’égalité des droits et des chances” institue l’obligation de scolariser tous les enfants. Dans les faits, on est encore loin d’une école totalement inclusive… Mais les progrès sont là. Une maman et une enseignante témoignent.
Florence, maman de Marin, 7 ans
« La Petite Section a été très difficile pour Marin. Il arrivait de la crèche et découvrait un univers plus contraint : s’asseoir avec les autres, être attentif aux consignes… Il n’écoutait rien, courait partout. Avec son père, on était un peu dans le déni. On se disait : il va s’y faire. Son maître ne savait pas s’y prendre et le laissait beaucoup au fond de la classe. Les autres enfants repartaient souvent avec leurs travaux à la maison. À nous, son maître donnait un classeur vide… C’était très douloureux.
Le diagnostic
Quand Marin a eu 4 ans, la neuropédiatre lui a diagnostiqué une maladie génétique qui s’accompagnait de troubles du spectre autistique et de troubles des apprentissages. Nous nous sommes alors lancés dans une longue lutte avec la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) pour obtenir des heures d’accompagnement à hauteur de ses besoins. On nous a d’abord octroyé 6 heures, puis 15 heures, alors qu’une semaine de maternelle, c’est 24 heures de classe ! On se heurtait à un mur… Je ne comprends pas l’intérêt de restreindre les heures à ce point, alors que plus ils sont accompagnés, mieux se passe leur scolarité.
Une nouvelle vie
En tout cas, la présence de l’AESH (Accompagnant d’élève en situation de handicap) a tout changé : peu à peu, elle l’a éveillé à tous les apprentissages, sans jamais faire à sa place. Et elle n’arrêtait pas de nous répéter combien notre fils était intelligent. Ça nous a fait tellement de bien ! Les autres enfants sont toujours très bienveillants avec lui, ravis de le voir arriver. Je ne sais même pas s’ils remarquent sa différence !
En revanche, j’ai peur du regard des autres parents, souvent très attentifs aux programmes, qui pourraient penser que la présence de Marin va retarder leurs enfants. Mais j’ai beaucoup de gratitude pour sa maîtresse géniale, qui a imaginé des adaptations pédagogiques pour lui. Marin a beaucoup progressé. Certes, ses lettres ne sont pas encore assurées, ses dessins sont un peu bancals, mais il est tellement heureux d’aller à l’école ! Comme tous les autres enfants, il rapporte désormais ses travaux à la maison. La maîtresse et l’accompagnante nous ont dit que Marin les avait fait grandir dans leur métier. Ça m’a beaucoup touchée. »
Laurie Soubra, enseignante en Maternelle
« J’enseigne à l’école publique d’un village de l’Ain, à la campagne. Dans ma classe de Grande Section, cette année, j’accueille Stanislas, un enfant polyhandicapé. Il vient quatre fois par semaine, pour un total de 7 heures. Il est très petit, ne parle pas, marche depuis peu. Le jour de la rentrée, avant son arrivée, j’ai expliqué aux élèves : “Vous venez à l’école pour être ensemble, pour vous préparer à apprendre à lire et à écrire. Stanislas vient à l’école pour apprendre à être avec d’autres enfants. Nous allons tout faire pour qu’il se sente bien avec nous et qu’il ait envie de rester dans notre groupe.”
Je leur ai suggéré aussi d’observer ses gestes : s’il met ses mains sur les oreilles, il faut essayer de faire moins de bruit, etc. Depuis le début de l’année, on a mis en place des ateliers philo. Ensemble, on a discuté sur : “C’est quoi, un enfant ?”, “Pourquoi on va à l’école ?”, “C’est quoi, l’amitié ?”, “C’est quoi, penser ?”… On n’a pas forcément besoin d’aborder le thème de la différence de façon frontale. De toute façon, travailler sur l’acceptation de soi est important pour tous : on est tous différents, on a tous des comportements différents.
Toute sa place !
Jamais je n’ai eu à reprendre un enfant par rapport à Stanislas, jamais je n’ai observé de moqueries. Au contraire, ils lui font de la place sur le banc, le matin, et ils ne se plaignent pas s’il occupe la place qu’ils convoitaient. Certains, même, se sont révélés dans l’entraide ! Ils sont très prévenants, ils devancent ses envies, m’alertent s’ils ont l’impression que ça ne va pas. Quand Stanislas n’est pas là, ses camarades n’oublient jamais de prendre son étiquette pour la mettre dans la colonne des absents : il fait vraiment partie de la classe. De son côté, Stanislas a beaucoup progressé. Au début de l’année, il ne prenait pas du tout part au groupe. Maintenant, il vient de lui-même s’asseoir avec les autres. Pâte à sel, peinture… Ses capacités sont très restreintes, mais je tiens à ce que ses parents puissent garder des traces de son passage à l’école.
Des enseignants peu préparés
Ce n’est pas facile tous les jours. Mon passé d’infirmière est parfois bien utile, comme récemment, quand il a fait une crise d’épilepsie. Mes collègues, elles, ont une immense appréhension face à de tels cas, et je les comprends : la formation de professeur des écoles ne nous prépare pas à ces situations. La présence de Stanislas a beaucoup apporté aux autres enfants. J’ai l’espoir qu’à l’avenir, s’ils côtoient des personnes handicapées, ils retrouveront spontanément ce qu’ils ont appris à faire pour lui. »
Pour les enfants : des livres pour aller plus loin
La différence, il y a mille et une manières d’en parler avec nos enfants. Ces lectures vous y aideront.
• Tyranno le terrible, de Hans Wilhelm, L’école des loisirs. Tyranno le terrible est une vraie brute. Et sa victime préférée est Igor, le petit iguanodon. Igor et ses amis ont beau faire, les méchancetés de Tyranno redoublent à l’égard du petit dinosaure…
• Si tous les éléphants s’appelaient Bertrand…, d’Édouard Manceau, Milan. Avant, au pays des éléphants, ils s’appelaient tous Bertrand. Compliqué ! Un éloge de la différence.
• Les Cinq Malfoutus, de Beatrice Alemagna, Hélium. Ils sont cinq mal foutus (l’un est troué, le deuxième est plié en deux, le troisième est tout mou…), avec des idées à leur image. Un jour, ils rencontrent LE parfait… Un album poétique et sensible, une ode aux défauts et aux particularités de chacun.
• Marcel ce héros, d’Anthony Browne, L’école des loisirs. Cinq aventures du célèbre chimpanzé rassemblées dans un seul album, enfin ! De quoi réjouir les enseignants des premier et deuxième cycles, qui adorent s’appuyer sur les œuvres de l’auteur britannique pour imaginer leurs débats en classe.
• Toi, moi et tous les autres, de Marcos Farina, Rue du Monde. Tous les enfants sont différents : il y a ceux qui débordent de joie, ceux qui font une tête vraiment triste… Certains s’amusent fort bien ensemble pendant que d’autres s’ennuient, seuls dans leur coin… Et si tous vont au lit le soir, ils ne mangent pas tous la même chose… Un album documentaire pour ouvrir les yeux sur le monde. Vive la diversité !
• Un petit frère pas comme les autres, de Marie-Hélène Delval, Marie Flusin, Bayard Jeunesse. Lili-Lapin a un gros souci : son petit frère a beau grandir, on dirait qu’il reste un bébé. Comment l’aider à faire des progrès, ce petit frère qui pousse de travers et qui aime tant les câlins ? Ce grand classique a été écrit à la demande d’un collectif de parents et d’éducateurs d’enfants trisomiques, en collaboration avec une équipe de professionnels. Un outil d’accompagnement précieux pour aborder la question du handicap.
- Cet ouvrage existe aussi en vidéo.
Pour les adultes : un documentaire et un témoignage
• Un documentaire : Les yeux d’un enfant. Une vidéo très courte mais très forte, réalisée par une association, l’Association Noémi, qui s’est donné pour mission de changer le regard et l’approche des personnes polyhandicapées.
• Un témoignage : L’effet Louise, de Caroline Boudet, Le Livre de Poche. Caroline est maman de Louise, porteuse de trisomie 21. Elle raconte son combat pour la scolarisation de sa fille.