À l’occasion des Jeux de Paris 2024, le magazine Okapi entraîne ses jeunes lecteurs dans la foulée de 15 sportif(ve)s d’exception. Tou(te)s sont emblématiques de l’idéal olympique et ont écrit l’histoire de leur discipline. À la clef, pas toujours de médaille d’or, mais une performance extraordinaire à faire découvrir aux ados.
Pierre de Courbertin : poids lourd, catégorie poésie ⋆ France
- JO de 1912 (Stockholm, Suède)
Honneur à l’inventeur des Jeux olympiques modernes, en 1896. Mais sais-tu que Coubertin a remporté une médaille olympique ? Pas au tir au pistolet, où il fut sept fois champion de France. Ni au pentathlon moderne, une discipline mêlant nage, course, escrime, cheval et tir qu’il a créée. Non, en… littérature. Véridique !
Jusqu’en 1948, les Jeux olympiques comprenaient cinq épreuves « artistiques » : littérature, architecture, musique, peinture et sculpture. Pour participer, il fallait choisir un sujet en rapport avec le sport. En 1912, à Stockholm, le baron s’inscrit dans la section poésie, sous le double pseudonyme de Georges Hohrod et Martin Eschbach. Son Ode au sport célébrant l’esprit de l’athlétisme lui vaut la médaille d’or.
Vassili Alexeiev : l’homme le plus fort du monde ⋆ URSS
- JO de 1972 (Munich, Allemagne)
Avec deux titres de champion olympique, l’haltérophile soviétique Vassili Alexeiev peut être considéré comme l’homme le plus fort de tous les temps. Fils de mineur, il ne se destine pourtant pas à devenir une star de son sport. Il soulève ses premières barres à plus de 19 ans, et ne pèse alors « que » 90 kg pour 1,81 m. Grâce à un entraînement quotidien et un régime de 9500 calories par jour, il atteint, en dix ans, 160 kg pour 1,86 m. De quoi se forger un palmarès d’ogre. En 1970, il est le premier à soulever les 600 kg au total, lors des trois mouvements de base (arraché, épaulé-jeté, développé). Deux ans plus tard, à Munich, il soulève 640 kg, ce qui lui vaut l’or olympique. Il remet ça en 1976… Le colosse battra en tout 80 records du monde.
Viktor Chukarin : la revanche d’un prisonnier ⋆ URSS
- JO de 1952 (Helsinki, Finlande)
Gymnaste prometteur, l’Ukrainien Viktor Chukarin n’a que 20 ans lorsque l’Union soviétique, son pays alors, entre dans la Seconde Guerre mondiale. Engagé dans une unité d’artillerie de l’Armée rouge (l’armée de l’URSS), le jeune homme est fait prisonnier par les Allemands et envoyé en camp de travail. Lorsqu’il en ressort, à la fin du conflit, il ne pèse qu’une quarantaine de kilos.
Dès 1946, pourtant, il revient à la compétition. Il devient champion de l’URSS du concours général individuel de gymnastique en 1949 puis en 1951. De quoi valider son ticket pour Helsinki, en 1952, où l’URSS participe pour la première fois aux JO. Chukarin y remporte le concours général individuel et celui par équipes. Il gagne aussi l’or au cheval d’arçons et au saut de cheval, et l’argent aux anneaux et aux barres parallèles. Quatre ans plus tard à Melbourne, il remporte cinq nouvelles médailles.
Nadia Comaneci : la note parfaite ⋆ Roumanie
- JO de 1976 (Montréal, Canada)
Six heures d’entraînement quotidien, cinq fois par semaine. C’est le lot de Nadia Comaneci dès six ans. Pas vraiment une vie pour une enfant, même dans son pays communiste très fermé, la Roumanie. En 1973, à 11 ans, elle remporte un tournoi rassemblant les principaux espoirs des pays de l’Est. Mais son éclosion a lieu à Montréal, en 1976. Dans le concours par équipes, la prodige de 14 ans (âge autorisé alors pour concourir) accomplit l’enchaînement parfait aux barres asymétriques. La note tombe : 10 sur 10. Du jamais-vu ! Le tableau des scores reste même bloqué à 1.00 ! Au cours de cette olympiade, la Roumaine ajoute quatre médailles à son escarcelle, dont deux en or à la poutre et au concours général individuel.
Michael Phelps : l’onde des bassins ⋆ États-Unis
- JO de 2004 (Athènes, Grèce) et 2016 (Rio, Brésil)
28 : C’est le nombre inouï de médailles remportées par le nageur Michael Phelps en 4 olympiades. À 39 ans, l’Américain est le sportif le plus titré de l’histoire des Jeux. Une revanche sur son enfance difficile. À l’école, Phelps, timide et hyperactif, subit les moqueries de ses camarades à cause de ses oreilles décollées. Sa stratégie de défense ? Enfiler un maillot et un bonnet de bain et s’entraîner à nager plus vite que les autres.
À 10 ans, le voilà recordman du 100 m papillon dans sa catégorie. En 2004, il se présente sur huit épreuves aux JO d’Athènes et totalise… huit podiums. Avec son 1,93 m et ses 2,03 m d’envergure de bras, son corps est taillé pour gagner. Quand il met fin à sa carrière en 2016, le glouton du Michigan affiche au compteur 23 titres olympiques et 26 titres de champion du monde. Dément !
Marla Runyan : une championne par-delà le handicap ⋆ États-Unis
- JO de 2000 (Sydney, Australie)
Atteinte d’une maladie de la rétine, Marla Runyan est malvoyante depuis ses 9 ans. Mais son handicap ne l’empêche pas de s’adonner à l’athlétisme, où elle excelle. En 1992, l’Américaine inscrit pour la première fois son nom au palmarès des Jeux paralympiques, en empochant l’or aux 100 m, 200 m et 400 m, ainsi qu’au saut en hauteur. En 1996, elle triomphe cette fois à l’heptathlon.
Mais cela ne suffit pas à cette insatiable compétitrice. Marla veut se mesurer aux valides. Son rêve devient réalité en 2000, à Sydney : elle devient la première athlète handicapée à se qualifier pour les Jeux olympiques. Elle se classera huitième du 1500 m.
Edward Eagan : l’or en toutes saisons ⋆ États-Unis
- JO de 1920 (Anvers, Belgique) et 1932 (Lake Placid, USA)
Il est le seul athlète à ce jour à avoir empoché une médaille d’or aux Jeux d’été et une autre aux Jeux d’hiver. Né dans une famille modeste à Denver, aux États-Unis, Edward Eagan s’illustre d’abord à la boxe. Champion des États-Unis des poids lourds, le brillant étudiant en droit devient champion olympique à Anvers en 1920.
Douze ans plus tard, il est à nouveau sélectionné pour les Jeux. Pas en boxe cette fois mais… en bobsleigh ! Il concourt en bob à quatre aux côtés du patron américain de la discipline, Jay O’Brien. Son équipe USA-1 s’impose en finale en 7’53’’68. Un doublé historique pour Eagan.
Ryoko Tamura Tani : petite, mais costaude ⋆ Japon
- JO de 2000 (Sydney, Australie) et 2004 (Athènes, Grèce)
Ses parents la rêvaient pianiste ou joueuse de tennis. Mais dès l’âge de 7 ans, Ryoko Tamura Tani caresse, elle, un autre rêve : battre les garçons sur les tatamis. Osé, pour un petit gabarit de seulement 1,46 m ! Mais rien ne semble pouvoir arrêter la judokate, originaire du Kyûshû dans le sud du Japon.
Entre 1993 et 2007, elle s’arroge pas moins de sept titres mondiaux d’affilée dans la catégorie des moins de 48 kg. Son parcours olympique est de la même trempe : deux médailles d’argent en 1992 et 1996, deux d’or en 2000 et 2004, et une de bronze en 2008. En vingt ans de carrière, Ryoko Tamura n’a perdu que cinq combats internationaux. Une performance que seul le Français Teddy Riner a réussi à détrôner.
George Eyser : le gymnaste unijambiste ⋆ Allemagne
- JO de 1904 (Saint Louis, USA)
Aux Jeux de Saint-Louis en 1904, George Eyser ne part pas favori aux épreuves de gymnastique. Depuis qu’il a perdu sa jambe gauche dans un dramatique accident de train, le jeune Allemand, émigré aux États-Unis depuis l’âge de 14 ans, porte une prothèse en bois. Mais à l’époque, les Jeux paralympiques n’existent pas. Ils ne seront créés qu’en 1960.
Renoncer à la compétition ? Hors de question ! Après des mois d’entraînement acharné, Eyser décide, à 34 ans, de se présenter aux vrais JO… Il en repart avec six médailles olympiques, dont trois en or. Chapeau !
Marie-José Pérec : personne ne rattrape la gazelle ⋆ France
- JO de 1996 (Atlanta, USA)
Atlanta, 29 juillet 1996. Déjà championne olympique sur 400 m à Barcelone en 1992, la Française Marie-Josée Pérec remet son titre en jeu. Au terme d’une course acharnée, elle arrache la victoire à l’Australienne Cathy Freeman, et signe un incroyable doublé. Une première dans l’histoire de sa discipline. Au passage, la double championne du monde, en 1991 et 1995, bat le record olympique, en 48’’25. Un chrono jamais égalé.
Au sommet de sa forme, la Guadeloupéenne s’aligne, trois jours plus tard, sur 200 m et réalise cet autre doublé : 200 m – 400 m. Celle qu’on surnomme alors la « gazelle des Antilles » signe l’une des plus grandes performances athlétiques de l’histoire.
Cassius Clay : la naissance du king des rings ⋆ États-Unis
- JO de 1960 (Rome, Italie)
« Apprends d’abord à boxer. » C’est le conseil que reçoit Cassius Clay lorsque, à 12 ans, il jure de casser la figure à celui qui lui a piqué son vélo! Le gamin s’exécute. À 17 ans, il remporte une prestigieuse compétition. L’année suivante, titre de champion des États-Unis des mi-lourds en poche, le voilà aux Jeux de Rome. Il est prêt à affronter n’importe quel adversaire, même l’expérimenté Polonais Zbigniew Pietrzykowski, terrassé au 3e round en finale.
Pourtant, de retour au pays, le champion de 18 ans redevient un Noir comme les autres, à qui l’on refuse l’entrée d’un restaurant. De colère, il jette sa médaille dans un fleuve. En 1965, converti à l’islam, il devient Mohamed Ali.
Dimítrios Loúndras : un médaillé en culotte courte ⋆ Grèce
- JO de 1896 (Athènes, Grèce)
« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. » La citation empruntée au Cid de Corneille colle à Dimítrios Loúndras. Lors des premiers Jeux de l’ère moderne, en 1896 à Athènes, ce gymnaste grec s’octroie la 3e place par équipe aux barres parallèles. Son âge ? 10 ans ! Cent vingt-huit ans plus tard, son record de précocité pour un médaillé olympique demeure. Après ce podium, Dimítrios ne réalisera pas d’autre performance marquante. Mais il fera carrière dans la marine royale grecque où il sera promu amiral.
Oscar Swahn : le doyen vise loin ⋆ Suède
- JO de 1908 (Londres, Grande-Bretagne) et 1920 (Anvers, Belgique)
Décrocher sa première médaille olympique à 60 ans. C’est l’incroyable performance d’Oscar Swahn aux Jeux olympiques de Londres en 1908. L’athlète suédois remporte l’épreuve du tir au cerf courant coup simple. Il s’agit de tirer à la carabine de chasse sur un cerf en métal courant à une distance de 100 m. Le lendemain, il s’octroie une autre médaille par équipe. Enfin, jamais deux sans trois, il empoche le bronze du tir au cerf courant coup double.
Une guerre mondiale et douze ans plus tard, Oscar Swahn se présente aux Jeux d’Anvers, en 1920. Le papy suédois à la longue barbe blanche arrache la deuxième place au tir au cerf courant coup double… à 72 ans !
Mildred “Babe” Didrikson : une championne tout terrain ⋆ États-Unis
- JO de 1932 (Los Angeles, USA)
Tennis, baseball, boxe, volley, bowling, natation, basket, athlétisme… Tout ce que touche Mildred « Babe » Didrikson, elle le réussit. Alors, difficile de choisir une spécialité… Qualifiée pour cinq épreuves aux Jeux de Los Angeles, en 1932, l’Américaine, née en 1911 au Texas, ne peut en disputer que trois, la limite imposée aux femmes à l’époque. Elle jette son dévolu sur le 80 m haies, le javelot et le saut en hauteur. Bilan : deux médailles d’or et une d’argent. Jamais un(e) athlète n’a accompli pareille performance dans des disciplines aussi variées. Après ses exploits olympiques, elle s’initie au golf et devient une grande joueuse.
Wladyslaw Kozakiewicz : un bras d’honneur pour l’histoire ⋆ Pologne
- JO de 1980 (Moscou, URSS)
5,35 m ; 5,50 m ; 5,60 m ; 5,65 m… Ce 30 juillet 1980, au stade Central Lénine de Moscou, le perchiste Wladyslaw Kozakiewicz ne rate rien. À 5,70 m, tous ses concurrents se cassent les dents. Pas lui. À 27 ans, ce Polonais moustachu devient champion olympique de saut à la perche, au nez et à la barbe de ses rivaux soviétiques.
Aux sifflets du public, mécontent de voir un Polonais triompher sur ses terres, il répond alors par un record du monde: 5,78 m… Et deux bras d’honneur qui feront le tour des télévisions du monde entier. Voilà comment un modeste fils de docker devient en un instant un symbole de la résistance anticommuniste.