Surexposition, hyperconnexion, technoférence, principes algorithmiques addictogènes… Les écrans, par leur omniprésence, constituent l’une de nos principales sources d’inquiétude, voire d’angoisse, en tant que parents. Les spécialistes de la recherche sur leurs usages et leurs impacts répondent à nos questions.
Parce que nous nous engageons pour les enfants, nous vous proposons un dispositif tout nouveau tout beau, le Croc’écran, qui interroge la place des écrans dans nos foyers. Et parce que nous tenons à appuyer nos réflexions et publications sur des bases solides, nous sommes allés interroger des chercheurs et enseignants. Ils nous ont éclairé sur les bons réflexes à avoir avec les écrans et pourquoi.
La recherche sur les écrans et leur impact sur le développement de l’enfant suscite beaucoup de débats entre les scientifiques. Ils s’accordent néanmoins sur ces points clés.
- Pas d’écrans avant trois ans : la recommandation de l’Arcom, ancien CSA, fait l’unanimité chez nos experts, pour limiter la sédentarité des enfants et l’impact sur leur sommeil voire sur leur développement visuel et cognitif.
- Après 3 ans, autour des écrans, on échange, on discute pour encourager l’acquisition du langage.
- Pas d’écran le matin, pour ne pas diminuer les capacités attentionnelles des enfants avant l’école. Pas d’écran le soir, pour ne pas perturber la sécrétion de mélatonine avant le coucher. Et si possible, pas d’écrans pendant beaucoup d’autres moments privilégiés à partager !
- Et enfin (et surtout !), nous devons en tant que parents, moins utiliser nos écrans devant nos enfants pour qui nous sommes le premier exemple.
Grégoire Borst : “Il n’y a pas à proprement parler d’addiction aux écrans mais… ”
Il est professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’enfant et de l’adolescent à l’Université Paris Cité et directeur du laboratoire LaPsyDE au CNRS. Grégoire Borst faisait partie de la commission de travail sur les écrans, installée par le président de la République en janvier 2024 pour évaluer l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans. La commission a remis son rapport en avril 2024 et Grégoire Borst revient sur quelques-unes de ses recommandations.
Selon lui, on ne peut pas parler d’« addiction » aux écrans comme on parle de dépendance à la drogue, néanmoins, « il y a des principes utilisés par un certain nombre d’algorithmes, qui se révèlent addictogènes en créant des mécaniques d’engagement. La capacité à s’autoréguler est absolument fondamentale pour la réussite de nos enfants ».
Marie Danet : “La technoférence peut générer de la frustration chez les enfants”
Psychologue clinicienne et maître de conférence en psychologie du développement à l’université de Lille, elle étudie la théorie de l’attachement et la place des outils numériques au sein des relations sociales, et des familles en particulier. Marie Danet est spécialiste de la technoférence, à savoir l’interruption de contact, de regard, entre les individus lorsque d’un coup notre smartphone se manifeste. Elle nous parle des réactions des parents et des enfants lorsqu’un écran s’immisce dans leur relation et prend de plus en plus de place dans le quotidien.
« On observe parfois des réactions plus dures de la part du parent quand il utilise son outil numérique. Il est moins en mesure de faire attention quand l’enfant a besoin d’aide ou est triste. Chez l’enfant, cela génère de la frustration car il a tendance à se sentir moins important que l’outil numérique. » Elle tempère néanmoins en disant qu’avec ou sans écran, aucun parent ne peut être disponible à 100% pour son enfant et que « prendre conscience de son usage est déjà une partie de la solution ».
Retrouvez également l’interview de Marie Danet par les équipes de BayaM, la plateforme des enfants.
Gilles Vernet : “Je rencontre des parents complètement désemparés”
Professeur des écoles en zone d’éducation prioritaire, il a réalisé un documentaire Et si on levait les yeux ?, sur l’impact des écrans sur le niveau d’attention et de langage des enfants. Ce film, désormais disponible sur Youtube, a d’abord été diffusé en février 2024 sur Public Sénat, alors que la commission de travail sur les écrans, missionnée par Emmanuel Macron était en pleine recherche. On y voit Gilles Vernet mener des expériences avec ses élèves de CM2, en classe, et à la maison, pour leur faire prendre conscience de leur temps passé sur les écrans. Certains n’en reviennent pas ! Mais le plus passionnant réside dans les réflexions menées communément avec les enfants, qui s’expriment de manière très libre, sur ce que provoquent chez eux les contenus numériques – et surtout leur surconsommation – tant au niveau du comportement que des émotions.
Gilles Vernet prône un retour au regard, voire au charnel, et rappelle la nécessité d’éduquer aux usages des écrans, comme aux autres aspects de notre société.
Découvrez notre dispositif Croc’ecran, et toutes les ressources créées par Bayard Jeunesse pour questionner en famille, et en classe, nos usages des écrans.