Dînette, poupée de cire, broderie… Au XIXe siècle, les gamines bien élevées qui ont grandi sous les yeux de la Comtesse de Ségur lui ont inspiré Les Petites Filles modèles. Son roman est devenu un classique. Mais depuis le décès de l’autrice, il y a cent cinquante ans, les héroïnes ont évolué. Des demoiselles discrètes aux rebelles, Je bouquine fait découvrir à vos ados quelques figures féminines de la littérature jeunesse. Et cela donne très envie de lire leurs aventures !
Modèle 1 : la fillette (trop) parfaite
“Oh comme elle est sage !” C’est ce que disent les grandes personnes quand elles parlent de moi. Tout ça parce que je suis la plus obéissante et la plus raisonnable des petites filles. Je panique dès qu’on me pousse à faire quelque chose d’interdit. Et comme je ne sais pas mentir, je cours aussitôt demander pardon quand j’ai fait une bêtise ! Je pourrais être la sage et posée Mary Ingalls dans La Petite Maison dans la prairie, toujours prête à rendre service, avant même qu’on me le demande !
Ses meilleures amies
- Camille et Madeleine : Les Petites Filles modèles et Les Vacances, de la Comtesse de Ségur.
- Mary et Laura Ingalls : La Petite Maison dans la prairie, de Laura Ingalls Wilder.
- Meg et Beth : Les Quatre Filles du Docteur March, de Louisa May Alcott.
- Elinor : Raison et sentiments, de Jane Austen.
L’extrait
Dans Les Petites Filles modèles, Sophie se vexe parce que Camille lui reproche de se moquer des pauvres gens…
“Je dis seulement que je trouve Camille on ne peut plus ennuyeuse avec sa perpétuelle bonté. Jamais elle ne rit de personne ; jamais elle ne voit les bêtises et les sottises des autres.”
Les Petites Filles modèles, un roman de la Comtesse de Ségur, publié en 1858 (Folio Junior).
L’avis de Marie Desplechin, autrice jeunesse
Trop lisse, trop fade ? : “Camille et Madeleine, les héroïnes des Petites filles modèles, sont positives, vivantes, tendres… Elles pardonnent tout à Sophie. Elles symbolisent la part de bonté en nous. Pourtant, sans Sophie ni Marguerite, les romans de la Comtesse de Ségur ne seraient pas des classiques. Car les gens heureux n’ont pas d’histoire ! C’est là qu’intervient Sophie : avec elle, tout tourne à la catastrophe. On a de l’empathie pour elle, elle ressemble à tous les enfants, à un moment ou un autre…”
L’avis de Jeanne, 13 ans
“Pour moi, la fille parfaite, c’est quelqu’un qui ne fait jamais de bêtises, collectionne les bonnes notes… Elle n’a aucun défaut et surtout, elle ne ment jamais. C’est un modèle impossible !”
Et côté garçon ? Le héros sans défauts
Quel rabat-joie ! Dans Les Malheurs de Sophie, Paul passe son temps à sermonner sa cousine Sophie. Au XIXe siècle, ce roman avait pour fonction d’éduquer les jeunes filles. Quant aux garçons, ils devaient être encore plus irréprochables qu’elles. Leur mission : donner l’exemple. La pression !
Modèle 2 : l’ado qui manque d’air
“Tu veux faire quoi plus tard ?” Quand on me pose cette question, je réponds un truc qui fait plaisir à mes parents… mais je bouillonne à l’intérieur. Qu’on arrête de me prendre pour Miss Première de la classe ! Souvent, je pense à Geneviève, la sœur discrète du roman Quatre sœurs. Sa famille pense qu’elle sort pour faire du baby-sitting, mais pas du tout. Elle prend des cours de boxe en cachette ! Dans le même genre, je rêve de ressembler à Jo March qui siffle “comme un garçon”. J’étouffe !
Ses copines
- Hermione : Harry Potter, de J. K. Rowling.
- Geneviève et Hortense : Quatre sœurs, de Malika Ferdjoukh.
- Jo : Les Quatre Filles du Docteur March, de Louisa May Alcott.
- Elizabeth : Orgueil et préjugés, de Jane Austen.
- Lucie : Satin Grenadine, de Marie Desplechin.
- Violette : Les Désastreuses Aventures des Orphelins Baudelaire, de Lemony Snicket.
L’extrait
Dans l’Angleterre du XIXe siècle, une jeune fille se doit de faire un bon mariage. Mais Elizabeth, l’héroïne d’Orgueil et préjugés, résiste à son prétendant…
“En vérité, Mr Collins, s’écria Elizabeth avec chaleur, vous me confondez ! Si vous considérez tout ce que je viens de vous dire comme un encouragement, je me demande en quels termes il me faut exprimer mon refus pour vous convaincre que c’en est un !”
Orgueil et préjugés, un roman de Jane Austen, publié en 1813 (éditions 10/18).
L’avis de Marie Desplechin
Bousculer les codes : “À l’adolescence, les jeunes filles parfaites veulent s’emparer de leur destinée et se révéler à elles-mêmes. Pour cela, il va falloir s’opposer et entrer en lutte. Selon moi, c’est d’ailleurs ce qu’a fait la Comtesse de Ségur. Sa mère était extrêmement dure – cinglée, même ! – et elle a été une enfant martyrisée qui ne rentrait pas dans les codes de son époque. La Comtesse a lutté toute sa vie. Elle a trouvé une porte de sortie avec l’écriture, dans une sorte d’élan vital désespéré.”
L’avis de Mila, 11 ans
“Le modèle de la petite fille qui ne dérange personne, comme si elle faisait partie du décor, ça n’existe plus vraiment. Aujourd’hui, on peut être calme et réservée, mais dire ce qu’on pense !”
Et côté garçon ? La danse, un sport de combat
Billy, 11 ans, suit des cours de ballet en cachette. Dans sa famille de mineurs du nord-est de l’Angleterre, seule la boxe compte ! Un soir, son père le surprend dans le gymnase. Billy le défie du regard, puis se lance dans une impro endiablée… Il va convaincre ses proches de le laisser réaliser son rêve : devenir danseur étoile.
Billy Elliot, un film de Stephen Daldry (2000).
Modèle 3 : se révolter pour être soi-même
“Et toi, tu en es où ?” Nulle part ! Ras le bol de répondre à ces questions débiles d’adultes. Qu’ils arrêtent enfin de critiquer tout ce que je fais et tout ce que je mets. Je m’habille comme je veux, non ? Moi, une rebelle ? Tant mieux ! C’est ce que je veux : foncer, me battre, trouver ma voie. Un peu d’air ! À moi, la liberté et l’aventure avec un grand A.
Sa bande
- Bettina : Quatre sœurs, de Malika Ferdjoukh.
- Lyra : À la croisée des mondes, de Philip Pullman.
- Fifi : Fifi Brindacier, d’Astrid Lindgren.
- Annabeth : Percy Jackson, de Rick Riordan.
- Katniss : Hunger Games, de Suzanne Collins.
- Merida : Rebelle, un film Disney.
L’extrait
Dans Les Royaumes du Nord, Lyra vient d’être adoptée par la riche Madame Coulter. Elle repense à son enfance…
“Elle se sentait étouffée, privée de liberté, dans cette vie élégante et raffinée, si agréable fût-elle. Elle aurait donné n’importe quoi pour passer une journée avec ses camarades bons à rien d’Oxford, pour une bonne bataille dans les carrières de glaise et une course le long du canal…”
Saga “À la croisée des mondes”, tome 1 : Les Royaumes du Nord, de Philip Pullman, publié en 1995 (Gallimard Jeunesse).
L’avis de Delia Guijarro Arribas, sociologue spécialiste de l’édition et de la presse jeunesse
Mélange des genres : “On a toujours connu le modèle et l’anti-modèle de la petite fille, qui s’opposent mais dépendent aussi l’un de l’autre. Aujourd’hui, pour échapper à l’idéal féminin, il faut s’ouvrir aux caractéristiques masculines, comme la force et le courage. Dans les années 1940, on trouvait déjà cette tendance chez Fifi Brindacier : rusée, maligne, forte…”
L’avis de Jeanne, 13 ans
“Une rebelle fait ce qu’elle veut et s’habille comme elle veut. Elle suit ses propres règles, alors que la fille bien élevée fait juste ce qui est autorisé, au sens légal.”
Le cas Mercredi : une fille à part
Révoltée, la fille aînée de la famille Addams ? Mercredi n’est-elle pas plutôt délicieusement morbide et cynique, comme l’ont éduquée ses parents ? Une ado modèle, en version trash-gothique, avec tout un florilège de punchlines : “La seule personne autorisée à torturer mon frère, c’est moi.” Ça claque !
Mercredi, une série Netflix.