Bien s’exprimer devant un public – en classe lors d’un exposé, pendant une épreuve ou un concours – ce n’est pas facile pour tout le monde… mais cela se travaille ! Le magazine Phosphore aide les lycéen·ne·s à s’entraîner avec des conseils pour se sentir à l’aise et convaincre son auditoire.
Les mains moites, le cœur qui bat à 10 000, la voix chevrotante, les idées qui s’emmêlent, le ventre qui fait des saltos… Prendre la parole en public, c’est une épreuve pour bon nombre d’entre nous. Alors quand on est lycéens, imaginez ! Ce mois-ci, Phosphore répond à toutes les questions que les ados peuvent se poser avant un oral : « Qu’est-ce que je fais de mes mains ? Assis ou debout ? Comment je m’habille ? Ça sert de s’entraîner devant un miroir ? Est-ce que ça marche d’imaginer les jurés sur les toilettes ? Comment je dis au revoir ? »
Toutes ces petites questions qui peuvent parasiter l’esprit auront une réponse pour laisser le champ libre aux idées, à la réflexion et au talent ! Découvrez cet article réalisé par la formidable équipe de Phosphore !
Victoria Jacob, rédactrice en chef de Phosphore
Être à l’aise à l’oral, c’est inné ?
Oui et non. Certaines personnes ne sont pas impressionnées par le fait de prendre la parole en public. Forcément, c’est un plus pour un oral. Mais le risque, pour ces profils, c’est d’être trop confiants, de ne pas assez bosser le fond, et de se dire qu’ils peuvent y aller au talent. D’autres, à l’inverse, plutôt mal à l’aise en société, se disent qu’ils n’y arriveront jamais. Une chose est sûre, dans les deux cas, il faut bosser la matière et être à jour au niveau des connaissances. Pour ce qui est de briller le moment venu, il faut s’entraîner.
La préparation à l’oral, le gros du boulot
• Comment s’entraîner face à un miroir ?
Si tu n’es pas en confiance, le miroir, c’est la toute première étape. Il va te permettre de t’entraîner sans stress, puisque sans le regard des autres. Il ne te jugera pas, ne t’interrompra pas, ne te posera pas de questions pièges. Évite celui de la salle de bains commune à toute la famille, pour ne pas être entendu·e ou dérangé·e. Il faut que tu te sentes à l’aise, c’est indispensable. Installe un miroir, même petit, dans ta chambre.
Premier exercice, à réaliser plusieurs fois : lis simplement le passage d’un livre que tu aimes bien, ou raconte ton week-end. En fait, peu importe ce que tu dis, ce qui compte, c’est d’accepter ton image, et les éventuels signes de gêne comme des rougissements. Tu vas voir, très vite, tu ne te sentiras plus ridicule.
• Se filmer, c’est utile ?
Le fait de te filmer te permet d’écarter, pour un moment, tout ce qui a trait à ton attitude pour te concentrer sur ce que tu dis. Ensuite, au visionnage, tu vas pouvoir examiner attentivement la précision de tes réponses, ton élocution, le vocabulaire que tu utilises. Filme-toi avec ton portable ou la webcam de ton ordi et sache que par rapport au miroir, la vidéo peut ajouter un petit stress. Un exercice pour bosser les impros : sur des bouts de papier, note des sujets que tu aimes bien (une série, un artiste, un sportif, ou un groupe de potes). Pioche au hasard et réponds face cam. Donne-toi un temps limite et présente ton sujet. Puis regarde la vidéo et note ce que tu peux améliorer dans ton attitude, ta façon de parler, etc.
Un conseil : n’efface pas les vidéos. Elles te permettront de te rendre compte de ton évolution. C’est toujours ça de pris pour la confiance en soi ! Tu peux aussi les montrer à ta famille ou tes potes pour avoir leur avis.
• Faut-il avoir l’air sérieux ?
Oui, mais pas trop ! Le jour J, tu devras montrer que tu ne prends pas l’exercice à la légère, tout en rendant le moment agréable pour tout le monde. Mets-toi à la place de l’auditoire qui voit passer un grand nombre de gens comme toi toute la journée. Tu préfèrerais un candidat à la mine grave, ou une personne agréable et souriante ? Parfois, dans le stress, certains surjouent le sérieux ou au contraire la décontraction. Trouver le juste milieu, s’accepter comme on est, demande de l’entraînement.
• C’est un plus de s’exercer devant des vraies personnes ?
Parler tout seul devant ton portable ou face à des personnes qui peuvent réagir, poser des questions, faire des têtes bizarres, ce n’est évidemment pas la même chose. À un moment ou à un autre, il faut que tu te confrontes à des êtres humains ! Sinon, tu risques d’être déstabilisé.e le jour J. Mais qui ? Commence par les personnes avec lesquelles tu te sens le plus à l’aise : tes parents, tes frères et sœurs, ou tes meilleurs potes. Puis, enchaîne avec des personnes que tu connais un peu moins bien, comme tes potes du lycée. Tu peux leur donner rendez-vous sur WhatsApp pour une sorte d’oral blanc. C’est compliqué de leur demander de te faire passer un vrai oral, mais tu peux leur présenter ton sujet (une œuvre au programme du bac de français, ou tes questions pour le grand oral) pour t’entraîner. S’ils te posent des questions, si tu les intéresses, c’est gagné !
• Est-on obligé de bien parler ?
Évite les « euh » à la fin de chaque phrase, et le vocabulaire trop familier. Ne t’embarque pas non plus dans un langage trop soutenu – tu te concentrerais trop sur la forme et pas assez sur le fond. Ne cherche pas non plus à épater avec un vocabulaire trop compliqué. Pour le grand oral, par exemple, l’un des deux jurés n’est pas prof dans la spécialité de ton sujet, et ta capacité à être pédagogue, à bien expliquer ton propos, sera prise en compte.
• Comment ne pas réciter le jour J ?
Une fois de plus, ça se joue à la préparation, pendant tes révisions. N’apprends pas le cours mot à mot. Cherche à le comprendre, à le reformuler avec tes propres mots, et surtout à dégager sa structure et ses idées principales. Le jour de l’oral, tu ne noteras que ces dernières sur ton brouillon, pour ne pas être tenté.e de lire. C’est moins rassurant que d’apprendre tout par cœur, on est d’accord, mais il ne faut pas oublier que le jury, au-delà de tes connaissances, note ta capacité à capter l’attention, à convaincre et à rebondir. Accepte une petite part d’impro.
• Bien s’habiller, c’est obligatoire ?
D’abord, anticipe la question, ne te la pose pas le matin de l’oral. Que ce soit pour le bac ou des concours, il n’y a pas de dress code. Les examinateurs savent faire la part des choses, mais ils restent des êtres humains avec une sensibilité et des convictions. C’est pourquoi il vaut mieux choisir des vêtements passe-partout, qui n’attirent pas l’attention et qui ne peuvent pas porter à débat. Pas de messages politique ou religieux, donc. Comme les oraux ont généralement lieu aux beaux jours, et qu’ils peuvent occasionner un petit coup de chaud, choisis des vêtements amples dans lesquels tu te sens à l’aise. Mais ne va pas jusqu’à te pointer en tongs, short et maillot de foot ! Certains jurés apprécient quand ils constatent que le candidat a fait un petit effort vestimentaire, genre chemise/chemisier.
• La visualisation positive, ça fonctionne ?
Tellement bien que les sportifs de haut niveau la pratiquent avant chaque compétition. Ça consiste à imaginer un évènement de manière positive, afin de le rendre moins stressant. Pour cela, tu peux t’asseoir ou t’allonger, fermer les yeux, et imaginer tout le déroulement de l’épreuve. Par exemple : tu te vois entrer dans la salle, saluer le jury, découvrir le sujet, préparer, prendre la parole… et repartir avec un grand smile de satisfaction !
Sur le devant de la scène
• Qu’est-ce que je fais de mes mains ?
Commençons par ce qu’il est déconseillé de faire : les mettre dans tes poches, les laisser derrière ton dos comme si tu étais ligoté·e, les frotter l’une à l’autre frénétiquement, croiser les bras. À l’inverse, cela peut te rassurer de les occuper avec un stylo (à condition de ne pas le faire tourner autour de ton pouce, ça rend les jurys fous), ou avec des notes si elles sont autorisées. Entraîne-toi à utiliser tes mains quand tu parles, à joindre le geste à la parole, sans en faire trop. Tes mains peuvent illustrer ton propos. Si tu évoques une expérience scientifique, par exemple, tes mains peuvent mimer le fait de verser ou de mélanger un liquide. Mais n’en abuse pas. Si tu mimes tout, ça devient, disons, franchement chelou ! Mais c’est très efficace pour capter l’attention des personnes qui t’écoutent, et montrer ton implication.
• Je reste debout ou je m’assieds ?
Tu n’as pas toujours le choix. Au bac de français, c’est assis, point. Au grand oral, debout pour la première partie d’épreuve, puis… comme tu veux. Fais ton choix en connaissance de cause. En étant debout, du coup plus haut que l’auditoire, certains ont le sentiment agréable de dominer la situation. Mais d’autres se sentent plus exposés, plus vulnérables. On ne va pas se mentir, être debout, c’est souvent le choix de celles et ceux qui se sentent le plus à l’aise. Assis, il est plus difficile de capter l’attention, mais plus facile d’éviter les gestes parasites (les jambes qui remuent, les mouvements de balancier, les mains qui ne savent pas où se mettre). Pour un exposé en classe ou un concours, si la consigne ne précise rien, tu peux demander l’autorisation de t’asseoir ou de rester debout, selon ta préférence.
• Ça marche d’imaginer les jurés sur les toilettes ?
C’est un drôle de conseil souvent donné par les parents : imaginer les jurés dans un contexte, disons, peu favorable, pour ne plus en avoir (trop) peur. Mouais… Si tu as besoin d’un mantra parce que tu es impressionné·e, dis-toi plutôt (dans ta tête, bien sûr) que les jurés ne sont pas contre toi, mais avec toi. Ils te relancent si tu perds le fil, reformulent leurs questions puis changent de sujet si tu sèches, cadrent le déroulement de l’épreuve, etc. Et non, ils ne se répartissent pas les rôles – l’un gentil, l’autre méchant ! Par contre, il est vrai que les jurys sont souvent hétérogènes : un prof de la spécialité, l’autre pas, pour le grand oral ; un enseignant et un professionnel pour les concours.
• Je peux regarder l’heure ?
Oui, c’est même indispensable pour gérer ton temps. Mais, il y a des manières de le faire ! Déjà, oublie ton portable. Laisse-le au fond de ton sac, en mode avion, pour ne pas être dérangé.e ou soupçonné.e de tricher. Tu ne peux pas non plus jeter des coups d’œil à la montre laissée à ton poignet. Ça fait un peu : « Désolé les gars, j’ai peu de temps à vous consacrer. » Le mieux reste de la laisser sur la table devant toi, et de la consulter discrètement.
• Je ne sais jamais comment me présenter…
C’est quelque chose qu’on peut te demander dans plein de situations : à la rentrée devant la classe, pour un petit boulot ou un engagement associatif, aux concours d’admission des écoles. Pour les premiers cas, fais simple. Pour les concours, organise ta présentation en quatre temps : toi (prénom, âge), les cours (niveau, spés), ta vie en dehors du lycée (passions, engagements), et pourquoi tu es ici (projets). Parler de soi devant des inconnus, pour certains, c’est juste l’angoisse ! Si c’est ton cas, mets en avant tes réalisations plutôt que ta personne. Comment ? En insistant sur l’association dans laquelle tu es bénévole, plutôt que sur tes convictions et tes valeurs personnelles, par exemple.
• Faut-il regarder dans les yeux ?
C’est mieux. Là aussi, mets-toi à la place de l’auditoire. Si tu avais, face à toi, une personne qui regarde ses chaussures, resterais-tu concentré·e sur ce qu’elle dit pendant 20 minutes ? Probablement pas. Regarder une personne dans les yeux, ce n’est pas la défier. C’est, au contraire, lui manifester de l’intérêt, la considérer. Bon, il ne faut pas non plus fixer la même personne tout au long de ta prise de parole. Tu pourrais la mettre mal à l’aise ! Alterne, et jette de temps à autre un regard sur tes notes – qui ne comportent pas des phrases entières, mais uniquement des mots-clés et la structure de ton discours.
• Si je tremble, transpire, bafouille : c’est grave ?
Mais non ! Même les plus grands acteurs ont le trac avant de monter sur scène. Si tu es stressé·e et que ça se voit, le jury ne te pénalisera pas. Mais il existe des petits trucs pour reprendre le contrôle. Si l’émotion est trop forte, n’hésite pas à le dire (« désolé·e, je suis un peu stressé·e »). Tu verras que tu n’en tireras que de la compassion et de la bienveillance. Tu pourras alors faire une pause de quelques secondes pour respirer, boire une gorgée d’eau, et reprendre tes esprits avant de repartir. Autre conseil : ne cherche pas à imaginer l’image que tu renvoies. Concentre-toi plutôt sur ce que tu dis. C’est un bon moyen de faire retomber le stress.
• J’ai trop peur des blancs…
Il ne faut pas. Une pause de quelques secondes permet à ton auditoire de digérer les informations que tu as transmises. Et elle te permet de reprendre ta respiration, et de réfléchir à ce que tu vas dire. Quand on te pose une question, tu as parfaitement le droit de prendre le temps de fouiller dans ta mémoire avant de répondre. Et si tu sèches (ça arrive), mieux vaut le dire plutôt que de faire comme si tu n’avais pas compris la question. Ça, par contre, ça agace les jurys !
• Comment quitter la salle avec classe ?
On ne va pas te mentir, il y a peu de chances pour que ton auditoire se dise : « Wahou, vous avez vu son style de fou au moment de quitter de la pièce ? » Sois toi-même, ne cherche pas à épater qui que ce soit en te donnant des airs, ou en sortant une formule de politesse surfaite. D’ailleurs, si tu n’es pas à l’aise avec les « Madame »/« Monsieur », ne te force pas. Un simple : « merci de m’avoir écouté·e, bonne journée à vous », avec un sourire naturel fera très bien l’affaire.
En coulisses
Pour tester les conseils donnés dans cet article, on est allé loin. Jusqu’à se glisser dans le jury du Concours de plaidoiries des lycéens, organisé par le Mémorial de Caen. Verdict : c’est validé !