L’agence Intello : des créateurs de contenus intelligents et utiles sur les réseaux sociaux

Nos ados perdent-ils forcément leur temps sur TikTok, Instagram ou Youtube ? Pas toujours. Cela peut même leur être utile pour bien démarrer l’année scolaire. Pour le prouver, la rédaction du magazine Phosphore a poussé les portes de l’agence Intello, spécialisée dans la production de contenus intelligents sur les réseaux sociaux…

Si l’agence Intello est peu connue du grand public, les talents qu’elle accompagne, eux, cartonnent. Sélène, alias @enelesg (524 000 abonnés sur TikTok), donne ses conseils pour réussir son commentaire de texte et sa dissertation au bac de français. Mathilde du compte Insta (Studygram_mthld, 139 000 abonnés) propose des fiches de révision “canon” pour les lycéens. César parle de culture G à plus d’un million d’abonnés sur Insta (@cesar_cultureg). Niels, Arthur et Baptiste vulgarisent la science sur leur site Ordres.de.grandeur… Sans oublier Gaspard G, créateur de contenus spécialisé dans l’actu et fondateur de l’agence.

Avec ce récit de huit pages, à lire en intégralité ci-dessous, les 14-19 ans et leurs parents vont pouvoir découvrir l’envers du décor et ceux qui accompagnent, dans l’ombre, les créateurs qu’ils suivent sur les réseaux. Et ce n’est pas qu’un « truc de jeunes ». Depuis notre reportage, Intello a aussi accueilli une nouvelle recrue dans son vivier de talents : Claire Chazal.

Claire Le Nestour, cheffe de rubrique du magazine Phosphore.

Gaspard de la chaîne à l’agence Intello

Tout a commencé par une vidéo sur la suppression des filières au lycée. En 2017, Gaspard vit à Montréal quand Emmanuel Macron évoque cette réforme. Il décide de comparer les systèmes canadiens et français. Sa vidéo dépasse les 10 millions de vues… et Gaspard devient un créateur de contenus spécialisé dans l’actualité. « Mon truc, c’est d’apporter du savoir, des faits, des infos de terrain », raconte-t-il. Quatre ans plus tard, il se réinstalle en France, gagne des milliers d’abonnés et découvre les coulisses des réseaux sociaux. « L’information, l’éducation, la culture… les contenus
les plus sérieux sont aussi les moins faciles à financer pour les marques. » Pourtant, sans partenariat, il est difficile de vivre de contenus postés gratuitement sur les réseaux. « C’est pour ça que j’ai voulu ouvrir mon agence. Je voulais trouver des moyens de financer les créateurs que je trouvais intéressants et remettre du sens dans nos feeds. » Son nom : Intello, comme le surnom qu’on lui donnait au lycée. Aujourd’hui, son agence compte sept salariés qui accompagnent une vingtaine de créateurs de contenus « intelligents ».

• @Gaspard G – Skills : explique l’actualité sur les réseaux. 965 000 abonnés sur YouTube.

À quoi sert l’agence Intello ?

Intello présente des créateurs à des marques et accompagne ceux qui reçoivent des propositions dans la négociation de leurs partenariats. Quand ils rejoignent l’agence, les instagrameurs, podcasteurs, youtubeurs ou tiktokeurs intègrent aussi une communauté qui utilise des adresses, des logos et des photos Intello pour que tout le monde sache qu’ils appartiennent à la même équipe. « Le but, c’est qu’Intello devienne presque un média », raconte Élisa, chargée de communication. Son travail : mettre en avant les créateurs que l’entreprise représente en tournant des contenus diffusés sur les réseaux sociaux de l’agence. Le jour de notre reportage, Guilhem, de la chaîne de foot humoristique Remontada, a enregistré son « Dans la tête de », un format dans lequel les talents présentent, face caméra, un livre, un film, une expo ou une pièce de théâtre.

César, le coloc d’Intello

À l’entrée des locaux, une pièce vitrée fait office de bureau dans les bureaux. C’est ici que travaille César. Quand Gaspard a cherché de nouveaux locaux pour Intello, en juillet 2023, il a proposé à César, un des talents de l’agence, de se joindre à lui pour partager les coûts.

« C’est le moment où je finissais mes études. Je voulais arrêter de tourner dans ma chambre. Puis, ça m’a permis d’embaucher mes potes. » César travaille depuis l’année dernière avec Elouan qui l’aide sur le démarchage, la gestion de partenariats et les contenus, et Antoine qui s’occupe de l’écriture, du cadrage et de la production. Quand ils doivent tourner, ils n’ont qu’à descendre au sous-sol pour rejoindre le studio qu’ils ont aménagé à côté de celui utilisé pour les contenus d’Intello et de Gaspard G.

• @César Culture G – Skills : a toujours de nouvelles histoires à te raconter. 2,2 millions d’abonnés sur TikTok.

Talent manager, un métier entre les marques et les créateurs

À l’agence, Anouk, Balthazar et Vladimir passent pas mal de temps au téléphone. Leur métier : faire le lien entre les marques et les créateurs de contenus. « J’ai accès aux boîtes mails de tous les talents, explique Balthazar, 24 ans, talent manager chez Intello depuis un an et demi. Dès qu’une proposition arrive, on fixe un rendez-vous avec la marque pour discuter du budget, du délai et du contenu. Il y a aussi certains partenariats que l’on décline directement parce qu’ils ne sont pas dans nos valeurs. On connaît nos créateurs, on sait ce qui les intéresse ou pas. Ils n’ont aucun intérêt à encaisser un chèque et pondre un contenu qui ne leur ressemble pas au risque de perdre une partie de leurs abonnés. » Parfois, les contrats sont conclus en 24 h. D’autres demandent des semaines voire des mois d’échanges. « On fait de la création de contenus, pas de l’influence, ajoute-t-il. Les talents gardent la main sur le script, ensuite on l’envoie à la marque et quand tout le monde est OK, on tourne. » Les prix varient de 1 000 €, pour une story, à plusieurs dizaines de milliers d’euros pour une série de vidéos. « Dans les boîtes mails, on trouve aussi des surprises, ajoute Anouk, en alternance chez Intello, en parallèle de son master en production et financement de la culture. Mathilde Studygram, par exemple, reçoit pas mal de courriers de mamans qui lui demandent de l’aide pour leurs enfants qui passent le bac. »

• Sélène alias @elenesg : « Avant je recevais beaucoup de demandes de marques peu pertinentes. Je ne me voyais pas du tout ternir mon image en vendant n’importe quoi. »
  Skills : la pro du bac français – 542 000 abonnés sur TikTok.

« L’envers du décor, c’est parfois des bouts de ficelle »

« J’ai toujours rêvé de travailler dans un espace comme ça, c’est mon rêve de gosse », raconte Gaspard, en montrant les deux studios aménagés au sous-sol. Le premier est réservé aux équipes de César Culture G. Le deuxième sert pour les contenus de Gaspard et ceux de l’agence. « L’envers du décor, c’est parfois des bouts de ficelle, souligne Martin, cadreur, réalisateur et responsable des studios et du matériel. L’arrière de la bibliothèque que l’on voit dans les vidéos de Gaspard est plein de scotch parce que c’est du Ikea de 2014. » L’agence a ses propres caméras. « Les talents ne les utilisent pas, on peut dépanner en cas de problème mais la plupart ont déjà leur matos », explique-t-il. Elles servent pour les reportages de Gaspard, les tournages en studio ou les coproductions, quand les marques paient plus cher pour que les créateurs qu’elles ont choisis soient aidés lors de leur tournage. « Dans ce cas, c’est moi qui pars cadrer. On transporte tout le matériel et, si le tournage est long, on s’assure d’avoir toujours une salle pas loin pour charger les batteries. Nous sommes dans une petite structure, il y a un côté débrouille. »

Guilhem alias @Remontada : « Je viens d’aménager mon studio d’enregistrement dans un appart et Martin m’a pas mal aidé pour la partie phonique. »
Skills : parle de foot avec ses potes et avec de l’humour. 171 000 abonnés sur YouTube.

• Mathilde alias @Studygram_mthld : « Ce que je préfère, ce sont les évènements qu’Intello organise avec les autres créateurs, autour d’un pique-nique ou d’une raclette. Cela nous permet de nous rencontrer en vrai. »
  Skills : crée des fiches de révision canons pour les lycéens. 496 000 abonnés sur TikTok.

Gaspard G, entrepreneur et créateur de contenus

Même s’il dirige Intello, Gaspard reste avant tout un créateur de contenus. Il travaille avec Clémence, sa directrice de production, dans un bureau vitré rempli de Post-it sur lesquels ils notent leurs idées. « Je réfléchis avec lui sur les sujets, les formats, j’organise les tournages, je valide les premiers montages… Nous faisons aussi appel à des journalistes pour faire des recherches ou préparer des questions, des monteurs, des ingénieurs du son, des étalonneurs, des mixeurs… Sans ces freelances, il n’y aurait pas toutes ces vidéos sur la chaîne de Gaspard. »

Entre les tournages pour sa chaîne, les partenariats avec les marques et les rendez-vous pour Intello, l’emploi du temps de Gaspard est souvent chargé, mais il tient à toutes ces activités. « Cette agence existe parce que j’ai commencé les vidéos à 14 ans, que j’ai eu le temps de tester des choses et de faire des conneries. Ceux qui se sont lancés plus récemment nous rejoignent aussi parce qu’ils savent que je suis passé par là. » Chez Intello, les créateurs sont par exemple incités à poster sur plusieurs plateformes pour éviter de trop dépendre des algorithmes qui changent régulièrement.

« On se met d’accord sur les gens qui entrent »

Aujourd’hui, l’agence accompagne une vingtaine de créateurs. « Je veux rester en petit comité, prévient Gaspard. Mais quand on repère quelqu’un d’intéressant, on partage son contenu, toute l’équipe regarde et si cela nous semble prometteur, on lui propose un rendez-vous. » Certains créateurs viennent d’eux-mêmes lorsqu’ils reçoivent des demandes de partenariats et qu’ils cherchent une agence pour les accompagner. En général, Intello leur demande d’avoir déjà plus de 100 000 abonnés.

Littérature, sports automobiles, écologie, football, sciences… Côté thématique, tout est possible tant qu’il s’agit d’information et de vulgarisation. « Il faut aussi qu’il y ait une possibilité de collaboration commerciale, prévient Balthazar. Les enseignants par exemple n’ont pas le droit de toucher de l’argent en plus de leur travail donc même si certains font des choses super sur les réseaux, on ne peut pas les faire entrer. »

Une bonne ambiance mais du travail quand même

Entre les studios et le local où le matériel est entretenu et rangé, un coin canap’ s’anime au moment de la pause dej’. Les équipes d’Intello et des chaînes de Gaspard G et César culture G s’y retrouvent pour jouer à Mario Kart.

« C’est ça qui est bien, on travaille mais dans une bonne ambiance », glisse Balthazar. « Parfois, les gens ont l’impression qu’ils peuvent faire notre métier parce qu’ils aiment TikTok et qu’ils savent utiliser Instagram, raconte Élisa, chargée de communication. Ce n’est pas si simple. On peut aimer les réseaux pour le perso mais ne pas être fait pour y travailler. Et l’inverse est vrai aussi. Moi, sur mes réseaux, je suis en privé et je ne cherche pas les likes ou les abonnés. »

En coulisses : « Claire, on a un problème. » La veille de notre reportage, Élisa, la chargée de com d’Intello a téléphoné. “On va devoir décaler. Gaspard est parti. Je ne peux pas te dire où, c’est confidentiel.” Plus tard, on a compris : il a suivi Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie. Voilà le récit de Gaspard : « J’étais en slip en train de manger des chips quand un numéro inconnu m’a appelé. C’était l’Élysée qui me proposait de partir en Nouvelle-Calédonie et d’interviewer le Président. Il était 18h02. Ils m’ont laissé jusqu’à 18h10 pour m’organiser et donner ma réponse ! »

« Dans l’agence des créateurs “intellos” », article extrait du magazine Phosphore n°581, 1er septembre 2024. Texte : Claire Le Nestour, photos : Chloé Vollmer-Lo.