À l’adolescence, pourquoi est-on plus fatigué ? La sieste et la nuit aident-elles à mieux mémoriser ? Pourquoi il y a des gens du soir et d’autres du matin ? Le magazine Phosphore répond à 10 questions sur le sommeil dans son numéro du 1er janvier et donne aux ados des conseils pour les 365 nuits à venir. N’hésitez pas à en profiter !
Où vont les yeux quand on dort ?
Ils ne vont pas très loin, ça c’est certain ! Avec le temps, les chercheurs ont même scruté leurs mouvements pour en arriver à la conclusion qu’il existe deux types de sommeil. Pendant le sommeil profond, les yeux ondulent lentement de haut en bas. Au cours du sommeil paradoxal, ils bougent plus vite et dans tous les sens. Ces deux types de sommeil sont complémentaires. Le premier permet d’enregistrer définitivement de nouvelles connaissances. Le deuxième sert à établir des connexions entre les nouveaux souvenirs et les anciens.
“Le sommeil paradoxal est aussi celui durant lequel on joue ou rejoue des scènes dans nos rêves, explique Raphaël Heinzer, directeur du centre d’investigation et de recherche sur le sommeil, à Lausanne. Comme il peut nous arriver de combattre des dragons, ce sommeil est associé à une paralysie de nos muscles. C’est plutôt une bonne chose pour éviter que l’on se blesse. Et puis même si on est paralysé, notre cerveau continue de traiter les informations de l’extérieur et envoie un signal pour nous réveiller en cas de danger.”
- Pour bien dormir : plonge-toi dans le noir complet et éloigne les objets (comme ton téléphone) qui pourraient s’allumer et te sortir de tes rêves.
Pourquoi on sort les pieds de la couette durant notre sommeil ?
Notre corps doit se refroidir pour s’endormir et étrangement il faut que nos extrémités soient chaudes pour que le thermostat central redescende. “Si vous mettez des chaussettes le soir, cela crée une dilatation des vaisseaux et donc une évaporation qui fait baisser la température”, explique Marie-Françoise Vecchierini, neurologue au centre du sommeil de l’hôtel-Dieu et membre de l’Institut national du sommeil et de la vigilance.
Après trois ou quatre heures de sommeil, la température du corps remonte mécaniquement. C’est là que l’on sort les pieds de la couette pour se refroidir avant d’être réveillé par la chaleur !
- Pour t’endormir plus vite, ta chambre ne doit pas dépasser les 19 °C. Évite le sport le soir. Il augmente la température de ton corps pendant deux ou trois heures après l’effort.
Est-ce qu’un jour on inventera quelque chose pour arrêter de dormir ?
On pourrait répondre à cette question par une autre question : pourquoi devrait-on faire ça ? Tous les animaux dorment, même les mollusques ! Le record du plus grand nombre de jours sans dormir revient à Tony Wright, un anglais qui a tenu 266 heures, soit plus de 11 jours et 11 nuits. Une performance qui n’a même pas été validée par le Guinness World Records qui considère qu’il est trop dangereux de se livrer à ce genre d’expériences. Le manque de sommeil favorise les troubles psychiques, les maladies cardiovasculaires, les cancers…
Et il n’y a pas que les nuits blanches qui affectent notre santé. David F. Dinges, un chercheur de l’université de Pennsylvanie, a mené une expérience sur un groupe de personnes. Certains ont pu dormir 8 heures par nuit, d’autres six, d’autres quatre et les derniers ont dû rester éveillé pendant 72 heures. Il leur a ensuite demandé d’appuyer sur un bouton dès qu’ils voyaient un signal lumineux. Après six nuits de 4 heures, les minidormeurs avaient des temps de réaction aussi mauvais que ceux qui n’avaient pas fermé l’œil. Le pire, c’est qu’ils n’avaient pas l’impression d’être fatigués !
“Les hommes ont essayé plein de choses pour rester éveillés parce qu’ils ont toujours envie d’en faire plus mais il faut admettre qu’ils ont besoin de leurs sept à neuf heures de sommeil, explique Marie-Françoise Vecchierini. En revanche, les façons de dormir peuvent évoluer.” Au XVIIIe siècle par exemple, les habitants coupaient leur sommeil en deux et restaient actifs pendant trois ou quatre heures au milieu de la nuit.
- Inutile de lutter contre ton sommeil. Si certaines substances, comme la caféine, atténuent les signes de fatigue, le besoin de sommeil revient dès qu’elles cessent de faire effet !
Pourquoi on se réveille avant son alarme pour les choses importantes ?
À cause du stress d’abord. “Entre le jour et la nuit, notre cerveau trace une trajectoire en forme de U, explique le chercheur Raphaël Heinzer. Quand on est éveillé, on est tout en haut, puis on plonge dans le creux du U au moment où on dort et on remonte. Si on doit prendre un train à l’aube ou aller à un examen, notre cerveau développe un état d’hyper-éveil. On part d’un niveau de stimulation plus élevé donc on descend moins bas au cours de la nuit et on remonte plus vite hors du sommeil.” Pour les réveils de tous les jours, rien d’étonnant non plus à ouvrir l’œil quelques minutes avant l’heure prévue. Notre cerveau adore se coucher et se réveiller à horaires réguliers.
- En période d’examens, une séance de relaxation avant d’aller se coucher peut suffire à relâcher la pression pour éviter l’insomnie en pleine nuit.
Pourquoi, à l’adolescence, on est plus fatigués ?
Pour le comprendre, il faut s’intéresser aux différentes phases de sommeil. À la naissance, le sommeil paradoxal est dominant car les bébés ont besoin d’établir un nombre de connexions maximal entre leurs neurones. Mais les branchements réalisés dans l’enfance sont bien trop nombreux pour être efficaces. C’est pour cela que le sommeil profond augmente à l’adolescence : le cerveau se lance dans une grande opération de nettoyage pour couper les connexions inutiles et renforcer les plus utilisées.
Un peu comme si tous les humains étaient livrés avec un cerveau générique et qu’il s’agissait de le personnaliser. “Les adolescents ont aussi un sommeil qui survient plus tard dans la journée, prévient Raphaël Heinzer. C’est un décalage que nous observons chez tous les animaux au moment de la maturité sexuelle.” Et puisque tu es obligé.e de te lever tôt parce que le système scolaire n’est pas calé sur ton rythme biologique, rien d’étonnant à ce que tu sois épuisé.e !
- Pour éviter d’aggraver ta fatigue, oublie les grasses mat’ le week-end. Elles décalent ton rythme et rendent les réveils encore plus difficiles quand il faut retourner au lycée. Les médecins recommandent une heure de bonus en fin de semaine, pas plus !
Pourquoi est-il plus facile de s’adapter au décalage horaire quand on voyage vers l’ouest ?
Notre envie (ou non) de dormir dépend de deux éléments. Le nombre d’heures d’éveil d’abord. Tout au long de la journée, notre cerveau se gorge d’adénosine, une substance chimique qui crée un besoin de sommeil. Plus on est éveillé longtemps, plus elle s’accumule et plus on est fatigué. Notre horloge interne ensuite.
En 1938, le professeur Nathaniel Kleitman, de l’université de Chicago, et son assistant ont voulu percer le mystère de ce petit noyau enfoui au milieu de notre cerveau. Ils se sont installés avec des vivres dans une grotte, à 42 mètres de profondeur, dans le Kentucky. Après 32 jours coupés du temps, les deux hommes ont constaté qu’ils avaient dormi à horaires réguliers sans que leur rythme ne soit perturbé par l’absence de lumière. Ils ont aussi découvert qu’ils avaient quelques jours de retard sur les habitants qui ne s’étaient pas coupés du temps et de la lumière.
Pourquoi ? Parce que notre horloge interne ne dure pas 24 heures mais un peu plus, comme une montre au ralenti. “Notre horloge interne a un cycle compris entre 24 heures et 25 heures, explique Marie-Françoise Vecchierini. Comme elle est reliée à nos globes oculaires, c’est la lumière du jour qui la ramène à 24 heures.” Il nous semble donc plus facile de suivre le penchant naturel de notre horloge en rallongeant notre journée quand on voyage vers New York plutôt que de la raccourcir en débarquant à Tokyo !
- Ton horloge interne est régulée par la lumière. Pour ne pas la perturber, évite les écrans une fois la nuit tombée.
Pourquoi les singes dorment plus que nous, alors qu’on descend de la même espèce ?
Les temps de sommeil sont très variables d’une espèce à l’autre. Une gazelle dort deux heures, un lion quinze, une chauve-souris dix-neuf… “Les scientifiques ont émis plein d’hypothèses en lien avec la taille ou la complexité du cerveau pour expliquer ces différences mais ils ne sont pas parvenus à trouver une explication, admet Raphaël Heinzer. Tout ce que l’on sait, c’est que l’être humain est le seul animal à se priver de sommeil.”
En analysant les nuits des primates, les chercheurs se sont aperçus qu’ils avaient plus de phases de sommeil profond que nous et moins de sommeil paradoxal pendant lequel tous les muscles sont relâchés. Logique puisqu’ils dorment dans les arbres et qu’ils doivent faire en sorte de ne pas tomber ! Cela expliquerait aussi pourquoi les singes dorment durant 10 heures à 15 heures alors que les humains peuvent se contenter de nuits de 7 heures à 9 heures.
- Pour être parfaitement reposé·e, tous tes muscles doivent avoir été relâchés. Tu peux t’assoupir sur une chaise ou un canapé mais le sommeil ne sera pas de grande qualité.
Pourquoi il n’y a que les enfants qui font des siestes ?
Avant quatre ans, les enfants en ont besoin parce que leur horloge interne n’est pas encore calibrée pour tenir 24 ou 25 heures. Mais en réalité, tout laisse à croire que les adultes auraient aussi besoin d’une pause l’après-midi. Ce n’est pas pour rien qu’Usain Bolt, superstar du 100 mètres, dormait toujours avant ses courses !
- Pour que les siestes restent efficaces, 15 ou 20 minutes suffisent. Évite de dépasser la demi-heure au risque de plonger dans un sommeil profond dont tu auras du mal à sortir.
Est-ce que c’est vrai qu’on mémorise mieux ses cours si on les relit avant de dormir ?
Eh oui ! Le sommeil a le pouvoir de consolider la mémoire en sauvegardant les savoirs utiles et en rayant ceux dont on n’a pas besoin. Cela fonctionne aussi avec des siestes. “Si je vous donne une liste de vingt mots qui n’ont aucun lien les uns avec les autres et que je vous demande de les réciter dans une heure, vous m’en donnerez peut-être sept ou huit, explique Raphaël Heinzer. Si vous avez fait une sieste de 20 minutes avant, vous m’en donnerez un ou deux de plus.”
Dormir s’avère aussi utile avant d’apprendre puisque les informations nouvelles sont d’abord stockées dans l’hippocampe, un espace du cerveau à la capacité limitée. À chaque fois qu’on dort, les souvenirs de l’hippocampe passent dans le cortex pour un stockage longue durée. Les siestes ont le pouvoir de libérer l’espace d’urgence pour de nouvelles connaissances.
- Pour assurer au lycée, l’idéal serait de faire une sieste, réviser et aller se coucher.
Pourquoi il y a des gens du soir et d’autres du matin ?
À cause de la génétique. Certains sont programmés pour se lever tôt, d’autres pour se coucher tard. C’est comme ça ! “C’est ce que l’on appelle un chronotype, explique MarieFrançoise Vecchierini. Au début de l’âge adulte, ce chronotype a un rôle très important sur notre sommeil. Et puis avec le temps, il est modifié par nos habitudes. Certains couche-tard vont être obligés de se lever tôt pour aller travailler. Des lève-tôt vont se coucher tard pour profiter de leurs amis.”
Pour expliquer ces différences génétiques, les scientifiques posent une hypothèse. Selon eux, chaque tribu avait ses couche-tôt qui s’endormaient vers 21 h et se réveillaient vers 5 h et ses lève-tard qui se couchaient à 1 h et se réveillaient vers 9 h. La nuit, le groupe n’était donc vulnérable que pendant 4 heures et tout le monde avait bien ses 8 heures de sommeil. Malin, non ?
- Peu importe l’heure à laquelle tu te couches, tu devrais au moins dormir huit heures !
- À lire : Dans Pourquoi nous dormons, le docteur Matthew Walker passe en revue toutes les connaissances scientifiques sur le sommeil. Les chapitres sont pensés pour être lus dans le désordre entre deux siestes et une insomnie.