Peut-être avez-vous entendu parler de l’affaire Norman, un célèbre youtubeur accusé de viol ou de corruption par plusieurs jeunes femmes. Okapi décrypte cette actu et explique aux 10-15 ans comment se protéger des adultes qui profitent de leur pouvoir pour manipuler leurs victimes sur les réseaux sociaux… et ailleurs.
1. Que s’est-il passé avec Norman ?
Norman Thavaud, nous en avons souvent parlé dans Okapi. Impossible de passer à côté de ce youtubeur en apparence “trop sympa”, qui affiche 12 millions d’abonnés grâce à ses vidéos. Mais le 5 décembre 2022, Norman a été placé en garde à vue. Le youtubeur est impliqué dans une affaire de mœurs. La police l’a entendu car six jeunes femmes l’accusent soit de viol, soit de corruption de mineurs. Certaines affirment que le youtubeur a profité de sa célébrité pour les contraindre à une relation sexuelle.
D’autres ont raconté comment, âgé de 30 ans au moment des faits, il exigeait d’elles des photos plus ou moins dénudées, alors qu’elles avaient entre 14 et 17 ans. Crime pour le premier, délit pour le second, ces actes peuvent être punis de plusieurs années de prison. Au moment où nous écrivons, Norman n’est pas poursuivi par la justice. Mais l’enquête se poursuit. Depuis sa remise en liberté, une autre plaignante s’est manifestée, en plus des six précédentes.
2. Cette affaire est-elle un cas isolé ?
Des youtubeurs mis en cause par la justice, il y en a plusieurs : ExperimentBoy (1,1 million d’abonnés) ou Léo Grasset, vulgarisateur scientifique de la chaîne Dirty Biology. Ce n’est pas un hasard. Les réseaux sociaux sont propices aux dérapages : ils les favorisent même. Les followers y retrouvent leur “personnalité préférée”, en vidéo. Confiants, ils échangent avec lui/elle, en ayant l’impression de bien le/la connaître.
Mais de leur côté, youtubeurs, streamers et autres vidéastes jouent un personnage. Et la relation n’est pas égale. D’où la tentation, pour certaines idoles d’Internet, de se croire tout permis, comme au-dessus des lois. Dès 2018, Squeezie alertait dans un tweet sur ceux qui “profitent de la vulnérabilité psychologique de jeunes abonnées”. La même année, le mouvement #Balancetonyoutubeur était lancé.
3. Se couper d’Internet, ça suffit pour se protéger ?
Hélas non ! Des scandales du même genre ont mis en cause des célébrités “à l’ancienne” issues d’univers différents, dont celui de la télé. D’hier à aujourd’hui, de nombreux adultes en position de force se conduisent de manière inappropriée face à des enfants et des ados. Enseignant, coach sportif, animateur de colo… ou prêtre. Ces adultes abusifs considèrent leur victime en fonction de ce qu’elle doit faire pour les servir, sans jamais prêter attention à ce qu’elle ressent.
4. Pourquoi ne suffit-il pas de dire non ?
Les manipulateurs ne se cachent pas dans la rue en attendant de bondir sur leur proie. Ils repèrent ses points sensibles pour mieux l’influencer, progressivement. La manipulation est habile et progressive. Maggie Desmarais, première à avoir porté plainte contre Norman, l’a raconté : au début, cette Canadienne était fan du youtubeur. Quand elle le contacte, Maggie a 16 ans et ne cache pas son âge. Lui en a 30. Pendant deux-trois mois, ils échangent des messages plusieurs fois par jour. Et peu à peu, ils en viennent à s’envoyer des photos de plus en plus dénudées. Norman en demande toujours davantage. La jeune fille ne réussit pas à sortir de la relation, qui finit par s’arrêter, la laissant humiliée.
5. L’emprise, c’est donc un rapport de domination ?
L’emprise, c’est le résultat d’une relation totalement déséquilibrée, lorsqu’un individu adopte des comportements et profère des paroles qui visent à dominer l’autre sans respect de sa volonté. L’emprise peut être psychologique. Elle n’implique pas forcément de violence physique.
Quand un entraîneur admiré s’arrange pour se retrouver seul avec un(e) de ses élèves et lui demande de l’embrasser ou de se faire caresser, les limites sont mille fois franchies. En cas de refus, il évoquera sans doute un “manque de maturité”. Difficile de répondre à ça ! Il y a aussi ce copain de la famille si cool, qui invite au Stade de France alors que les parents sont allergiques au foot… mais qui a les mains baladeuses. Si quelqu’un fait ou te demande quelque chose qui te met mal à l’aise – et plus encore s’il te force au secret – ce n’est jamais normal.
6. Seuls les faibles se font avoir ?
Non. Tout le monde peut être victime d’un manipulateur : fille, garçon, jeune, adulte. Ce n’est pas une question d’âge, ni d’intelligence. La victime n’a pas tout de suite conscience qu’on abuse d’elle. Et ensuite, elle se sent stupide de s’être fait avoir. Elle le cache. Elle se pense coupable d’avoir “joué le jeu”. Or, sache que l’on peut dire non à tout moment, même quand on a cédé à plusieurs reprises et que l’on s’est tu ! Chacun a le droit à l’erreur et peut changer d’avis !
7. Que faire, alors ?
Parler ! À tout prix, et à un adulte de confiance capable d’agir et de protéger : ses parents ou ceux d’un ami, un prof, l’infirmière du collège… Et si la première personne informée n’y croit pas ou ne comprend pas, parler encore en avouant sa détresse à quelqu’un d’autre. Et puis, il y a le 119 : un numéro spécial et précieux. Au bout du fil, des spécialistes aident ceux qui en ont besoin à décrypter ce qui se passe et à s’en sortir.
7 signes que “ce n’est pas normal”
1. Quand une personne fait ou demande quelque chose de… très malaisant.
2. Quand elle ne respecte pas les limites données.
3. D’être dans le flou parce que cet individu parvient toujours à retourner les arguments et à imposer son point de vue.
4. De penser beaucoup à lui (ou elle), avec gêne.
5. De subir ses menaces et ses humiliations (tu dois obéir ou il va te couper de sa communauté ! Il t’aimera moins. D’ailleurs, il te considère déjà comme un bébé…)
6. De ne pas arriver à prendre de la distance car, à chaque fois, cette personne rappelle “tout ce qu’elle a fait pour toi”.
7. D’avoir l’impression de ne pouvoir en parler à personne, écrasé(e) par la honte ou le secret.