Précoce, surdoué, haut potentiel… Il y a plusieurs façons de parler des élèves qui ont des capacités au-dessus de la moyenne. Un domaine que les spécialistes affinent, petit à petit, en utilisant des mots mieux adaptés : enfant intellectuellement précoce (EIP), surdoué, élève à haut potentiel intellectuel (HPI). Comme la plupart des synonymes, ces trois mots ne disent pas tout à fait la même chose. Le magazine Okapi fait le point…
Précoce, surdoué, haut potentiel… Qu’expriment les nuances ?
Quand on est précoce, on est en avance sur les autres personnes de son âge. À l’origine, ce mot veut dire “qui arrive plus tôt”. Par ailleurs, être surdoué signifie que l’on est très fort intellectuellement. Mais certains spécialistes n’aiment pas ce terme : il sous-entend que l’intelligence est un don de naissance. Or, il n’existe aucune preuve selon laquelle la précocité serait inscrite dans les gènes d’un individu. On s’est rendu compte, de plus, que le mot “surdoué” était parfois mal interprété et sous-entendait qu’un élève “trop intelligent” serait “anormal”. Un peu comme si on disait d’une personne haute en taille qu’elle est “démesurée”, alors qu’elle est simplement plus grande. Aujourd’hui, pour ces raisons, on utilise davantage l’expression “à haut potentiel intellectuel”.
Quand on est à “haut potentiel”, c’est pour la vie ?
Un enfant qui a un “haut potentiel intellectuel” a de plus grandes capacités. Il peut donc développer de fortes compétences… s’il travaille. Si l’acquisition de ces compétences ne s’est pas faite pendant l’adolescence, elle sera plus difficile, plus tard, dans la vie. Or, pour les développer, un enfant précoce a besoin de travailler plus vite que les autres. S’il trouve le niveau de sa classe trop facile, ce n’est pas parce qu’il est prétentieux, mais parce qu’il s’ennuie vraiment et peut se sentir mal à cause de ça. Pour progresser, il aura besoin de partager avec les autres des apprentissages et des activités exigeantes (allemand, latin, musique…). En suivant cette logique, il n’est pas rare non plus que des élèves précoces sautent des classes.
Être précoce, ça veut dire qu’on est fort en tout ?
Les facilités des enfants précoces font parfois oublier qu’ils ont aussi des points faibles, comme tout le monde. Certains précoces sont très forts en analyse, mais ont du mal à synthétiser les informations ou à appréhender la géométrie dans l’espace. Ils peuvent être très à l’aise en expression orale et moins pour écrire à la main. Ou inversement. Mais un certain nombre de spécialistes s’accordent sur le fait qu’une personne ne peut être définie comme précoce si elle a des points faibles importants.
Est-ce juste une question de niveau intellectuel ?
Être précoce, ça ne veut pas seulement dire avoir beaucoup de mémoire, travailler vite et passer facilement d’une idée à une autre. Ces élèves ont des façons originales de réfléchir. Ils ont des raisonnements particuliers en mathématiques, quand, par exemple, ils connaissent le résultat d’un problème sans pouvoir le démontrer. Certains ont aussi une vive imagination. On parle de la pensée en arborescence des élèves précoces, une idée les amenant à une multitude d’autres. Des spécialistes de la question notent que les élèves précoces sont toujours en train de réfléchir – on parle d’“hyperesthésie” – et qu’une partie d’entre eux possède une forme d’hypersensibilité.
Peut-on être précoce sans le savoir ?
Oui. On ne peut le détecter sans l’avis d’un spécialiste. Il existe un test qui mesure le quotient intellectuel (QI). Un élève est considéré comme précoce s’il a un QI supérieur à 125 ou 130. Soit environ 2 à 3 % des élèves. Mais le QI n’est qu’un nombre. Il ne tient compte ni des points forts ou faibles de l’élève, ni d’autres formes d’intelligence (dont l’émotionnelle…). Les résultats scolaires ne sauraient résumer un enfant ou un ado* ! En revanche, évoquer un “diagnostic” du QI est désormais très contesté car ce terme provient du médical, alors que la précocité n’a rien à voir avec une maladie, voire un handicap.
*Pour les collégiens, le test s’appelle Wisc-V.
Quel rapport avec la personnalité ?
Impossible de deviner si un ado est précoce en jugeant de sa personnalité. Les précoces peuvent être autonomes (ou pas), provocateurs ou effacés. Certains font beaucoup d’efforts pour passer inaperçus. D’autres ont du mal à trouver leur place. Difficile de se faire des amis quand le cadre, la classe, les loisirs ne sont pas adaptés à ses besoins. Ces élèves peuvent même se retrouver en échec scolaire ! Avoir des facilités, c’est un atout qui demande une adaptation en permanence. Ça ne veut pas dire que tout est… facile. Heureusement, l’amitié ne se résume pas à une histoire de ressemblance. On peut créer des liens quels que soient ses goûts, ses talents et ses différences.
- Pour en savoir plus : Association nationale pour les enfants intellectuellement précoces (ANPEIP)
Témoignages d’ados
Gustave, 12 ans
“Mon copain est précoce. Quand nous étions tout petits, il était surdoué en sport et me battait tout le temps ! En 5e, il n’a que la moyenne, mais il avait d’excellentes notes en 6e. Il est un peu chahuteur.”
Léon, 12 ans
“Il y a des enfants précoces dans ma classe, l’un d’eux est mon ami. Il est très fort en histoire, en langues, en sport… Mais les professeurs n’ont pas trop le temps de lui donner plus de travail et parfois, il s’ennuie.”
Surdoués… et célèbres
Steve Jobs, cofondateur d’Apple
Il a créé une gamme de produits superstars qui permettent à Apple
de continuer à prospérer après lui : iPhone, iTunes, Apple Store, iPad…
Kit Armstrong, pianiste
À 10 ans, il avait déjà composé 15 œuvres et étudiait les sciences à l’université. Il réalise de nombreux disques, donne des concerts…
Meryl Streep, actrice
Pour un rôle, elle peut apprendre le violon, le rafting… ou prendre n’importe quel accent. Elle s’engage aussi dans de grandes causes (liberté de la presse, immigration…).
Jodie Foster, actrice-réalisatrice-productrice
Incarnation de l’enfant surdoué, elle a sensibilisé le grand public à la précocité avec son premier film en tant que réalisatrice, Le petit homme (1991).