Et si, grands et petits, nous profitions des vacances estivales pour cultiver le goût de l’ennui ? L’idée vous étonnera peut-être… Pourtant, l’ennui, notamment chez l’enfant, est la promesse de sacrées découvertes. Le magazine Popi vous explique les bienfaits du désœuvrement, qui laisse germer le sens de l’observation, la curiosité et les rêves : de précieuses pépites sur le chemin de l’autonomie et de la créativité.
L’ennui, quel repos !
« Maman ! Papa ! Je m’ennuiiiiiie ! » Soudain, un maelström de sentiments nous agite : exaspération (« Pile au moment où je me posais enfin avec un bon livre »), culpabilité (« Si mon enfant s’ennuie, c’est que je n’assure pas »), frénésie (« Vite, comment faire pour remédier à cette situation de crise ? »).
Dans notre société hyperconnectée où nous comblons chaque moment de vide par un tour sur les réseaux sociaux, il peut être bon de méditer la fameuse phrase de Pascal : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer au repos dans une chambre. » Et si nous essayions justement de retrouver nous-mêmes un rapport serein à l’ennui ?
- Témoignage d’Elsa, maman de Éléonore, 6 ans, et Lucien, 2 ans : « Je me revois, quand Éléonore était bébé, en train de la surstimuler à coup de hochets, de livres musicaux, de jeux d’éveil. Je ne lui fichais jamais la paix ! A posteriori, je me dis que cette frénésie, c’était juste une façon de masquer mon angoisse. Comme je n’avais pas confiance en moi, la solution, c’était d’en faire toujours plus. Heureusement, à l’arrivée de Lucien, j’avais appris à relâcher la pression ! »
L’ennui, de la rêverie à l’autonomie
« L’ennui est une phase nécessaire, affirme Régine Daireaux-Demarthes, psychologue clinicienne intervenante en crèches et en PMI. Dans ces moments-là, l’enfant est en contact avec son monde intérieur. Il est important de ne pas intervenir trop vite, de laisser grandir cette curiosité en lui. » C’est aussi dans ces moments-là que l’enfant se rend compte qu’il se suffit à lui-même et avance sur la voie de l’autonomie. Être dans les nuages, c’est pas mal aussi !
- Témoignage de Julien, papa de Lison et Chloé, 2 ans et demi : « Autant Chloé est toujours en mouvement, autant Lison est beaucoup plus contemplative. Au début, cette différence me désarçonnait un peu. Je pensais que Lison s’ennuyait. Et puis je l’ai observée. En fait, elle ne s’ennuie pas du tout ! Elle chantonne, se raconte des petites histoires… Bref, elle est dans son monde ! Ça tombe sous le sens, mais il faut accepter son enfant comme il est. Eh bien, à la maison, on a une rêveuse ! »
L’ennui ou la voie de la concentration
Nous avons dans l’idée que l’ennui, c’est le vide. Erreur. « L’enfant arrive au monde avec la capacité d’observation, et c’est grâce à elle qu’il va développer son attention-concentration, explique la psychologue. Les connexions neuronales se font chez lui parce qu’il prend des initiatives. Encore faut-il que les parents lui laissent le temps d’en prendre ! En fait, ce n’est pas le but qui est important, mais le chemin. Car c’est au fil de ce chemin que le petit développe le processus d’apprentissage. »
Calmer le jeu pour accueillir l’ennui
Évitez la montagne de jouets trop élaborés. « Il faut que le petit déploie son jeu, pas que le jeu agisse à sa place », explique la psychologue. Et de rappeler un point essentiel : « L’enfant n’a pas toujours besoin d’être dans le faire. » Plutôt que d’intervenir immédiatement, laissons donc notre enfant explorer, chercher. Régine Daireaux-Demarthes conseille de faire un peu de résistance : « Il faut supporter de l’entendre affirmer son ennui. » Et si rien ne se décoince du côté du petit, on peut questionner ses envies : « Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? » La spécialiste suggère aussi de faire des propositions en lien avec les intérêts de l’enfant, ou de présenter les jeux qu’il aime d’une manière nouvelle.
- Témoignage de Clara, maman de Jade, 4 ans, et Ella, 2 ans : « Nous étions à un déjeuner de famille dans le jardin et Ella commençait à s’impatienter. Pour la distraire, je lui ai proposé de regarder un peu autour d’elle. Elle a soudain remarqué une coccinelle qui grimpait sur une feuille. L’observer l’a occupée et fascinée pendant une bonne demi-heure ! »