De plus en plus d’élèves de collège se trouvent en surpoids. Une situation sur laquelle, nous parents, avons le droit de nous interroger, d’autant qu’elle a aussi des conséquences sur la santé mentale de nos ados lorsque la stigmatisation des « gros » vire à la persécution. À l’occasion de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école, le 7 novembre 2024, le magazine Okapi aide les collégiennes et collégiens à prendre conscience de ce problème, à y faire face ou à soutenir un(e) ami(e) qui en est victime.
Jean-Yves Dana, rédacteur en chef d’Okapi, un magazine Bayard Jeunesse pour les 10-15 ans :
« T’es trop gros, je ne veux pas de toi dans mon équipe ! », « Eh, grosse vache, tu prends toute la place dans le couloir, pousse-toi de là ! », « Non, pas de rab de frites pour toi, tu dois perdre quatre kilos, je te rappelle ! » Trois réflexions blessantes, à des degrés divers. Trois parmi d’autres, que la rédaction d’Okapi a recueillies ces dernières semaines et qui émanent de ses jeunes lectrices ou lecteurs…
On le voit à travers ces exemples, la « grossophobie », ce terme qui désigne la stigmatisation des personnes en surpoids, n’épargne pas les collégiennes et les collégiens. Elle augmente même dans les cours de récré, à mesure que les situations d’obésité ou de surpoids progressent dans la société, et elle prend des tournures plus ou moins graves, du rappel incessant dont on mésestime le caractère blessant au harcèlement véritable exercé pour nuire.
À l’occasion de la Journée nationale de la lutte contre le harcèlement à l’école, le jeudi 7 novembre, Okapi, le magazine Bayard Jeunesse des ados, propose dans son numéro du 1er novembre une focale sur ce sujet souvent passé sous silence, peut-être parce que, dans notre société qui valorise les physiques « trop parfaits », il nous renvoie toutes et tous à une violence qui s’exerce partout, dans tous les milieux socioprofessionnels, et dont chacun peut être l’acteur, le témoin ou la victime.
Plusieurs études montrent en effet que, chez les personnes qui l’exercent, cette forme de pression sur les « gros » et les « grosses » tient notamment au fait qu’elles les considèrent, même sans le dire, comme responsables de leurs formes trop rondes, voire de leur obésité morbide. Souvent, pourtant, il s’agit d’un problème de santé, d’un dérèglement métabolique qui ne peut aucunement être lié à une absence de volonté. Et quand bien même ce serait le cas, cela mérite-t-il d’être pointé du doigt ?
Chez les adolescents en pleine puberté, celles et ceux que l’on croise au collège, on comprend que cette question du surpoids et du regard de l’autre ne doit pas être mésestimée. Elle peut être cruelle, excluante, devenir le point de départ d’une situation de harcèlement durable et potentiellement dramatique. Elle peut aussi toucher n’importe qui, au même titre que d’autres changements physiques brutaux pouvant être perçus comme des anomalies : trop grand(e), trop petit(e), trop de poils, trop d’acné, trop de formes… trop de kilos.
Sans chercher à montrer du doigt, plutôt à alerter sur un problème dont ils/elles n’ont pas forcément conscience, Okapi libère la parole et propose à ses lectrices et lecteurs une série de réflexions contre les idées reçues – on peut toutes et tous prendre du poids, on peut être sportif et en surpoids – ou pour les aider à s’accepter comme ils/elles sont et à accepter l’autre pareillement : prends-le (la) dans ton équipe, transforme-toi en pro de la répartie, deviens ambassadeur(drice) contre le harcèlement…
Une façon de les amener à identifier clairement les situations graves sans se sentir coupables, à accepter d’en parler à des adultes, et à relativiser les autres cas de figure, quand les piques et réflexions viennent, par exemple, des parents, qui s’inquiètent parfois maladroitement des bouleversements physiques de leurs ados, qu’ils peinent, comme leurs aînés avant eux, à voir quitter le monde de l’enfance !
Aux parents, précisément, de savoir repérer les signaux d’alerte chez leur enfant : s’il/elle semble en souffrance, silencieux(se) ou au contraire anormalement agressif(ve), s’il/elle montre des troubles du comportement alimentaire, s’il/elle multiplie les réflexions désobligeantes à propos du physique d’un(e) camarade… Pour combattre la grossophobie, un harcèlement comme les autres, au collège comme dans la société, la famille est bien le premier lieu pour en parler et pour commencer à agir.
Lire et partager l’article « Harcèlement : mon poids, ça ne les regarde pas ! » publié dans Okapi
La grossophobie, c’est du harcèlement !
« Depuis l’an dernier, à chaque récré ou dans les couloirs, un groupe d’élèves se moque de moi à cause de mon poids. Ils me traitent de “grosse”, m’appellent “bouboule” ou “grosse vache”. Ils me bousculent en disant que, de toutes façons, je ne risque pas de tomber. Ça me blesse énormément. Du coup, je ne m’habille qu’avec des gros sweats, et à la cantine, je ne mange rien. Parfois, je n’ai même plus envie d’aller en cours… » Une lectrice.
Le regard d’Okapi
Dans une société grossophobe, difficile de ne pas être complexé(e) par son poids. Une aubaine pour les harceleurs ! S’ils sentent que tu souffres à cause de tes kilos en trop, cela va leur servir de prétexte pour se moquer de toi, t’injurier, voire te frapper devant d’autres élèves qui trouvent ça drôle. Ce n’est pas ton poids qui leur importe, mais ta souffrance qui leur fait plaisir. C’est du harcèlement.
Si ça t’arrive
Surtout, ne pas t’énerver, ni te replier sur toi-même… Pas facile, mais tu pourrais leur faire croire que cela te fait rire, même si c’est faux. Ou trouver une répartie qui les déconcerte. Exemple : “Je prépare un exposé sur le harcèlement et la grossophobie en EMC, je peux vous citer comme témoins ?” Il s’agit de renverser la situation. La honte change de camp ! Et si ces attaques inacceptables se répètent, tu dois rapidement prévenir des adultes : tes parents bien sûr, un(e) prof, le/la CPE, l’infirmière scolaire… Ou appeler le 3018.
Si tu es témoin…
Tu dois le signaler : à l’équipe éducative ou des élèves médiateurs sur les questions de harcèlement, s’il y en a dans ton collège. D’ailleurs, pourquoi ne deviendrais-tu pas ambassadeur(drice) pour dénoncer le harcèlement et aider les élèves victimes à sortir de cette spirale infernale ?
Le 3018
À ce numéro gratuit et anonyme, des experts répondent à tes questions ou celles de tes parents et peuvent résoudre des situations signalées avec l’aide de relais locaux. Tu peux aussi leur écrire via le site e-enfance ou télécharger l’appli 3018 qui propose de nombreuses infos. Disponible 7 jours sur 7 de 9 h à 23 h.
Le 7 novembre, c’est la Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école. Renseigne-toi sur les actions prévues dans ton collège à cette occasion.
Les moqueries, c’est énervant !
« En 6e, je me suis embrouillée avec une fille de ma classe parce qu’elle trichait. Quand je lui ai dit que ça me saoulait, elle m’a rétorqué : “ça ne m’étonne pas que tu sois grosse, tu manges 30 kg de frites par jour !” Pareil, en colo, une fille m’a dit d’éviter de porter des robes parce qu’on voyait trop mon ventre. Souvent, j’ai envie de répondre à ces filles des choses méchantes sur leur physique. Mais en fait, ce n’est pas intelligent, alors je laisse tomber. » Emma, 11 ans.
Le regard d’Okapi
Quand on est en surpoids, on peut être confronté(e) à plein de situations choquantes. Des blagues “pas méchantes”, des réflexions de personnes qui soi-disant te veulent du bien, des préjugés (on manquerait de volonté, on mangerait trop, on serait paresseux(ses)…), et puis ce diktat de la minceur sur les réseaux sociaux… Tout cela porte un nom : la grossophobie. Ce mot regroupe un ensemble d’attitudes et de comportements hostiles qui stigmatisent et discriminent les personnes en surpoids ou obèses. Or on choisit rarement d’être comme ça. Cela peut être dû à la consommation d’aliments gras et sucrés, ou gras et salés, mais aussi à une prédisposition familiale, à des problèmes psychologiques (anxiété, solitude, stress), ou à une maladie génétique ou hormonale…
Si ça t’arrive
Tu dois réagir, mais inutile d’être agressif(ve) ! Quand on te fait une réflexion sur ton poids, tu peux répondre : “c’est super sympa de me le rappeler, car j’oublie tout le temps…”. Ou bien : “oui, tu as remarqué, je suis gros(se). Ça va de pair avec mon état d’esprit. En revanche, toi, tu es maigrichon(ne).” L’idée est de rendre la grossophobie désagréable et inconfortable à celui ou celle qui s’en rend coupable. Entraîne-toi à aiguiser tes réparties…
Si tu es témoin ou si toi-même tu fais parfois des réflexions à des personnes en surpoids, réfléchis un peu. Est-ce un choix pour lui ou elle ? Est-ce que ses rondeurs en font une personne moins sympa ? Et apprécierais-tu qu’on te parle ainsi ?
Le sais-tu ?
Depuis la rentrée 2023, si tu es victime de harcèlement, ce n’est théoriquement plus à toi de changer de collège… mais à celui ou celle qui te harcèle !
Les cours d’EPS, c’est angoissant !
« Les cours de sport, c’est l’angoisse pour moi. Par exemple, quand il faut faire des équipes, les autres ne veulent pas de moi parce qu’ils disent que je suis trop gros… Dans les vestiaires, ils se moquent de mes cuisses ou de mon ventre. Et personne ne dit rien (pas le prof en tout cas). » Anonyme.
Le regard d’Okapi
Il existe une idée reçue : une personne est en surpoids parce qu’elle ne fait pas assez de sport. Ou bien elle est trop grosse pour pratiquer un sport. Faux et archi faux ! Moquée sur son poids, la judokate Romane Dicko s’en offusquait encore durant les JO, cet été, où elle a obtenu le bronze en individuel et l’or en équipe : “Je fais du sport de haut niveau et j’ai des bourrelets, et alors ?” Difficile pour autant de faire taire les préjugés. Au quotidien, les cours d’EPS peuvent être un enfer pour les ados en surpoids.
Si ça t’arrive
Déjà, tu dois en parler avec ton/ta prof d’EPS : explique-lui que l’attitude de certain(e)s élèves est humiliante, tout comme sa passivité. Propose, lors du prochain cours, de constituer toi-même une équipe. Autre conseil : pratiquer un sport que tu aimes hors du cadre scolaire. Tu t’y épanouiras et tu retrouveras confiance en toi… Il n’est pas exceptionnel que des personnes en surpoids aient une activité physique régulière, pas pour mincir (l’exercice seul ne fait pas maigrir), mais pour ses effets positifs sur le psychisme. Le sport n’est pas réservé à certaines morphologies : on peut courir, pédaler ou taper dans un ballon lorsqu’on est en surpoids.
Si tu es témoin
Tu veux agir contre cette discrimination ? Lorsqu’on te désigne chef(fe) d’équipe en EPS, sois bienveillant(e) lors du choix de tes coéquipier(ère)s.
À écouter : le podcast Claqué au sol.
On y suit une bande d’amis qui éclate à leur entrée au collège. L’un d’eux se retrouve alors harcelé par les autres. Originalité : chaque épisode est raconté du point de vue d’un des ados (harcelé, harceleur, suiveur…). Une fiction en 6 épisodes (la deuxième saison est en production) sur Spotify, Deezer, Amazon Music et Apple Podcasts.
La pression des parents, c’est saoulant !
« Ma mère me force à me peser régulièrement et à ne pas trop manger pour perdre 4 kilos. Elle surveille tout ce que je mange et me fait les gros yeux ou des remarques quand je me ressers à table. J’en peux plus… » Anonyme (fille), 13 ans et demi.
Le regard d’Okapi
Tes parents te répètent sans cesse de faire attention. Ils te lancent des regards noirs quand tu rentres du collège avec un croissant ou si tu te ressers à table. Et ils sont obnubilés par l’activité physique pour que tu “t’affines”. Peut-être ont-ils souffert du surpoids durant leur adolescence et ils ne veulent pas que tu vives la même chose ? Mais ce comportement ne fait qu’aggraver le problème car tu n’as qu’une envie : manger un paquet de chips en scrollant sur ton téléphone.
Si ça t’arrive
Normal d’être saoulé(e) quand les parents mettent la pression… Pour autant, ce n’est pas à mettre sur le même plan que de la grossophobie au collège. Ici, ça part d’un bon sentiment : ils t’aiment, veulent le meilleur pour toi et, du coup, sont inquiets tout le temps. Mais interroge-toi : s’ils n’insistaient pas, aurais-tu envie de te débarrasser de ces kilos en trop ? Ils ne te gênent peut-être pas plus que ça… C’est plutôt le stress qu’ils provoquent qui t’énerve. Un conseil : exprime à tes parents ce que tu as sur le cœur, en sachant que tu peux compter sur eux si tu voulais maigrir.
Si tu es témoin
Ton ou ta pote a des kilos en trop ? Ne joue pas les nutritionnistes à la cantine dès qu’il/elle remplit son assiette. Par contre, vous pouvez vous échanger des recettes de cuisine healthy. Ça ne fera du mal à personne. Après tout, on peut aussi être mince et avoir une alimentation pas top !
À lire
Une BD – Manuel de survie face aux harceleurs (d’Emmanuelle Piquet, éd. Les Arènes, 20 €, parution le 7 novembre). Cette BD dédramatise le harcèlement scolaire et donne des solutions pour s’en sortir.
Merci à Emmanuelle Piquet (thérapeute spécialiste des problèmes de harcèlement scolaire), à Aline Thomas de l’association La Grosse Asso (@lagrosseasso) et aux lecteurs et lectrices d’Okapi qui ont accepté de témoigner.
À écouter : l’épisode “Harcèlement, comment je m’en suis sortie ?” du podcast “Ma vie d’ado”
Dans l’épisode “Harcèlement, comment je m’en suis sortie ?” du podcast “Ma vie d’ado”, Zoé témoigne des moments graves vécus au collège, alors qu’elle était harcelée. Et elle nous raconte aussi comment elle a réussi à dépasser ces épreuves…
Plus de 140 épisodes de “Ma vie d’ado” sont actuellement disponibles sur toutes les plateformes d’écoute.