Les adolescents se posent de nombreuses questions sur la sexualité. En particulier sur cette “première fois”, qui arrivera dans quelques années pour la plupart d’entre eux. Qu’est-ce que cela signifie ? À quel âge ? Comment “être prêt(e)” ? Doit-on en parler avec ses parents ? Le magazine Okapi, dans la rubrique « On se dit tout”, fait le point en abordant les notions de consentement, de respect, d’amour, de pudeur, de confiance…
Dans Okapi, on parle de la “première fois” aux adolescents
Jean-Yves Dana, rédacteur en chef du magazine Okapi :
Chaque jour, des courriers électroniques de lectrices et de lecteurs en âge d’aller au collège affluent à la rédaction d’Okapi. Toutes et tous nous confient des morceaux de vies, réagissent à ce qu’écrivent d’autres ados ou, souvent, nous questionnent sur des sujets variés dont nous rendons compte dans les pages “On se dit tout” de notre bimensuel. Parmi ces sujets, la sexualité est celui qui revient le plus souvent, nettement.
“Je suis en couple depuis plus d’un an” (oui les ados disent cela !), écrit ainsi une lectrice de 14 ans. “On s’aime fort […], on s’est même embrassés pour la première fois récemment. Mais on se pose une question (même si on sait que ce n’est pas pour maintenant) : vers quel âge ou au bout de combien de temps de couple les gens amoureux ont-ils des relations sexuelles (avec préservatif) ?” Nous recevons cette autre interpellation d’un lecteur de 14 ans : “Je suis en couple avec une fille géniale, on s’entend à merveille, on s’embrasse… Il y a quelques jours, j’ai essayé de passer à l’acte. Mais elle m’a repoussé et depuis elle m’évite… Ai-je fait quelque chose de mal ?”
Rien d’étonnant à ce que ces lettres soient majoritaires. D’autres générations sont passées par là et se souviennent de ce moment singulier de la vie : puberté oblige, les 11-15 ans, filles et garçons, voient leur corps changer, leurs hormones se déchaîner, de nouvelles pulsions apparaître ! Nos ados y pensent beaucoup, en parlent parfois entre eux, mais souvent gardent le silence, faute d’interlocuteurs, et se projettent comme ils peuvent dans leur sexualité à venir. Le moins que l’on puisse dire est qu’ils manquent d’informations !
En s’intéressant au sujet de la “première fois”, et en adoptant un ton déculpabilisant, Okapi répond ainsi à une vraie curiosité générationnelle, en prenant les questions les unes après les autres : de quoi parle-t-on au juste et pourquoi y pense-t-on si souvent ? Quel est le bon âge et comment savoir si on est prêt(e), si on a envie, ou si c’est la bonne personne ? Doit-on en parler avec ses parents ? Que dit la loi ? Et où puis-je m’informer de façon fiable ?
Cette enquête aborde des notions comme le consentement, le respect, l’amour, l’intime, la pudeur, la confiance… Et, grâce à l’intervention de Laure Geisler, médecin généraliste, elle aide les lectrices et les lecteurs, là encore sans les culpabiliser, à mieux comprendre les ravages de la pornographie, qui peut agir comme un aimant à cet âge. Une récente étude de l’Arcom et Médiamétrie (publiée le 25 mai 2023) consacrée à la fréquentation des sites pour adultes par les mineurs vient le rappeler : ils (et elles) sont de plus en plus nombreux à consulter ces sites sur lesquels, dès 12 ans, les garçons passent près d’une heure par mois en moyenne.
Il y a donc urgence à apporter aux adolescent(e)s une bonne information sur la sexualité, à bonne distance et facilement accessible.
Lire l’intégralité de l’article extrait du magazine Okapi «La “première fois”, on en parle ?»
Vous êtes nombreuses et nombreux à vous poser des questions sur la sexualité. En particulier, sur cette “première fois”, qui arrivera dans quelques années pour la plupart d’entre vous. Qu’est-ce que cela signifie ? À quel âge ? Comment être prêt(e) ? On fait le point…
La première fois… mais de quoi parle-t-on ?
Dans la vie, vous avez déjà vécu et allez encore vivre plein de “premières fois” avec votre famille, vos amis, au cours de vos études… Et, côté cœur, il y a eu ou il y aura aussi les premiers crushs, la première fois en couple, les premiers baisers, les premières caresses, les premières ruptures… Il ne faut donc pas réduire cette expression aux seules relations sexuelles ! Toutes les “premières fois” sont importantes.
Si elles se passent bien, elles resteront des beaux souvenirs. Maintenant, il peut arriver qu’elles ne soient pas terribles.… Ce n’est pas grave. Il y aura “d’autres fois”. Et cela sera mieux, car vous allez gagner en confiance, en connaissance de vous, etc.
Le sexe, pourquoi on y pense souvent ?
Vous n’avez pas à culpabiliser là-dessus… c’est la faute à vos hormones (testostérone, œstrogène ou progestérone) ! À la puberté, sous leurs effets, votre corps se transforme pour devenir progressivement celui d’un(e) adulte : apparition des poils pubiens, développement des seins et règles chez les filles, développement des testicules et du pénis chez les garçons. Et à cette même période de votre vie, toujours à cause de la production abondante d’hormones, apparaît également une nouvelle sensation : le désir sexuel. Vous avez l’impression de ne penser qu’à ça ? C’est naturel, d’autant que, vous nous le dites, vous ne vous sentez pas bien informés sur le sujet. C’est d’autant plus obsédant et culpabilisant, du coup !
Les premières relations sexuelles, c’est à quel âge ?
Nous pourrions vous donner des chiffres sur l’âge moyen du premier rapport sexuel, mais cela ne vous serait pas très utile. Il ne sert à rien de vous mettre la pression par rapport à l’âge, vous pouvez très bien vous sentir prêt(e) à 16 ans, à 19 ou à 26 ans. Vos ami(e)s vont peut-être faire leur première fois bien avant vous, et alors ? Ne cherchez pas à faire absolument l’amour sous prétexte que tout le monde l’a déjà fait et que sinon, c’est “la honte”. Le principal est d’être prêt(e) dans son corps et dans sa tête.
Comment savoir que je suis prêt(e) à avoir des relations sexuelles ?
Physiquement, vous pouvez avoir des relations sexuelles dès l’instant que votre puberté a démarré. Mais cela ne veut pas dire que vous êtes prêt(e)s dans votre tête. L’acte sexuel est quelque chose de très intime. Vous devez vous sentir suffisamment en confiance avec vous-même pour oser vous montrer dans votre intimité, exposer votre corps nu, accepter qu’il soit touché, etc. Ce n’est pas rien… Et cela prend du temps.
Comment savoir si c’est la bonne personne ?
Personne ne peut réellement répondre à cette question… Mais pour avoir des relations sexuelles, il faut être deux et avoir des sentiments forts l’un pour l’autre ! Ça demande aussi de se sentir en confiance avec celui ou celle que vous avez choisi(e) pour ce moment. Pour cela, rien ne vaut le dialogue. Vous devez être capable de parler de vos désirs, mais aussi de vos peurs et de vos appréhensions.
Et si je n’ai pas envie ?
Embrasser son(sa) petit(e) ami(e), se caresser ou faire l’amour ne doit en aucun cas être une contrainte. Vous devez en avoir réellement envie tous les deux : il faut que les deux soient d’accord. C’est ce qu’on appelle le consentement. Et l’un(e) de vous deux peut avoir dit oui pour un baiser, et soudain, ne pas avoir envie d’aller plus loin. C’est son droit ! Il(elle) doit pouvoir exprimer ce refus, être entendu(e) ! Quand c’est non, c’est non…
La première fois : en parler ou pas avec ses parents ?
Dans l’absolu, parler de sexualité avec ses parents devrait être normal. Ne serait-ce que pour qu’ils vous mettent en garde contre les IST (infections sexuellement transmissibles) et qu’ils vous parlent des différents moyens de contraception. Parce que, même la première fois, il faut se protéger en utilisant des préservatifs (ils sont désormais distribués gratuitement dans les pharmacies). La pilule préserve d’une grossesse, mais pas des autres infections. Mais, si cette discussion vous met mal à l’aise, n’hésitez pas à vous informer sur des sites, à en parler avec des professionnels de santé (médecin référent, infirmière scolaire…). Maintenant, lorsque vous vous sentirez prêt(e) à faire l’amour, vous n’êtes pas obligé(e) de le dire à vos parents. Après tout, c’est votre intimité, à vous de voir !
Le porno, on en pense quoi ?
Laure Geisler, médecin généraliste, à suivre sur Le cœur net
“C’est un fait, vous êtes exposés de plus en plus à des contenus à caractère pornographique. Le problème, c’est que cela ne reflète absolument pas la réalité d’une relation sexuelle ! Déjà, vous devez savoir que les acteurs sont payés pour jouer des scènes souvent violentes. Les critères de sélection de ces acteurs ne représentent pas du tout les vrais gens dans la vraie vie. Il ne faut pas se comparer à eux, pas plus qu’à leurs performances, ou à leurs pratiques qui sont centrées sur le plaisir masculin… et qui risquent de vous coller des complexes. Si vous êtes choqués par ces images ou addict, vous devez en parler autour de vous : à vos parents ou à un autre adulte en qui vous avez confiance (médecin, infirmière scolaire). Ou contacter des structures et des professionnels dont c’est le métier.”
- Pour info, la loi va évoluer : un projet de loi prévoit de bloquer et de déférencer les sites pornographiques qui ne vérifient pas l’âge de leurs utilisateurs.
Ce que dit la loi…
Vous ne pouvez pas avoir de relations sexuelles :
• avec des personnes majeures (plus de 18 ans) ;
• avec une personne qui a une autorité sur vous (prof, animateur…) ;
• avec une personne de votre famille (parents, grands-parents, frères et sœurs, oncles et tantes…) ;
• avec des personnes qui ne sont pas consentantes ou qui ne peuvent pas donner leur consentement, quel que soit leur âge.
Où s’informer ?
• Le Fil Santé Jeunes. Des pros répondent à toutes vos questions anonymement et gratuitement, au 0 800 235 236, 7j/7 de 9 h à 23 h.
• On s’exprime. Sur ce site du ministère de la Santé, vous trouverez des infos et des conseils sur la sexualité.
• Sexotuto. Cette websérie, diffusée sur la plateforme Lumni, aborde sans tabou tous les sujets de la sexualité et de ses pratiques. C’est ludique et informatif !
• Les centres de santé sexuelle. Ils assurent des consultations médicales pour les ados, gratuitement et sans autorisation des parents. Trouvez le centre de santé sexuelle le plus proche de chez vous.
• Les plannings familiaux. Via leur tchat anonyme, ils répondent à vos questions. Vous pouvez vous rendre anonymement et gratuitement dans certains d’entre eux.