L’autonomie, cela vient petit à petit. Elle se nourrit de ces grands moments que sont les premières fois sans les parents… À travers quatre expériences emblématiques, Pomme d’Api vous livre quelques clés pour envisager tout en douceur ces “premières fois sans nous” des 3-7 ans.
La première fois chez les grands-parents
Samia le redoute un peu : aux prochaines vacances, elle confiera pour la première fois son fils Ilyès toute une semaine à ses parents. Certes, le petit a l’habitude d’y passer des mercredis, mais ce n’est pas la même chose que sept jours pleins. Pour la psychologue Béatrice Copper-Royer, auteure de Grands-parents, le maillon fort (Albin Michel), le fait qu’une relation régulière ait été tissée entre petits-enfants et grands-parents est déjà un bon point : “Pour évaluer la durée d’un séjour, il faut prendre en compte la présence, tout au long de l’année, des grands-parents. Un lien de confiance a-t-il eu le temps de s’établir ou pas ?” On prévient l’enfant un peu avant le séjour mais pas trop non plus, histoire de ne pas en faire un sujet de ressassement anxieux chez le petit. “On peut par exemple préparer un cadeau pour les grands-parents”, propose Béatrice Copper-Royer, une façon de rendre l’enfant acteur de manière plutôt joyeuse.
Et surtout, on anticipe. Stéphanie Couturier, sophrologue, spécialisée dans l’accompagnement de la sphère émotionnelle parents-enfants, préconise de préparer des éléments qui rappelleront à l’enfant sa maison. Si cela est possible, emporter évidemment ses livres préférés, mais aussi son linge de lit et son oreiller. On peut aussi glisser dans sa valise deux photos (plastifiées, pour pouvoir y mettre les doigts, verser quelques larmes dessus si besoin ou leur faire des bisous) : une de chacun de ses parents. “Pas ensemble, sinon, cela lui rappellera qu’il est seul”, met en garde la sophrologue.
De même, pour les coups de fil, mieux vaut les passer en journée et “depuis un lieu neutre”, comme le bureau, afin d’éviter les coups de cafard. En effet, les appels étant désormais souvent passés en vidéo, « si on s’affiche à la maison, il risque d’avoir un peu le sentiment d’une “double peine” », poursuit Stéphanie Couturier. Elle conseille aussi aux grands-parents d’établir un planning et de le communiquer à l’enfant, “pour que ce ne soit pas tous les jours une surprise”. C’est un peu insécurisant pour un petit. Et, pourquoi pas, de mettre en place “un carnet des vacances” dans lequel les grands-parents écrivent ce qui a été fait et que l’enfant illustre. Un joli souvenir à partager à son retour avec ses parents et qui lui donnera envie de repartir avec ses grands-parents.
La première fois avec le ou la baby-sitter
Que ce soit en sortie d’école ou en soirée, la venue d’un(e) baby-sitter constitue une autre première fois importante. “Pour les parents, comme pour les enfants”, estime Julia, mère de deux enfants de 6 et 3 ans, les premiers confiant leur précieuse descendance à des nouveaux venus dans la sphère familiale. Alors bien sûr, en amont, on sécurise le “casting”. Mieux vaut une personne qui nous a été recommandée. Faisons aussi confiance à notre intuition pour nous guider.
Une fois le choix fait, “il faut rendre l’inconnu connu”, estime Stéphanie Couturier. Elle suggère de demander au baby-sitter de faire une petite vidéo de présentation dans laquelle il ou elle présente son univers. La première fois, on peut aussi lui demander d’apporter des livres qu’il ou elle a aimés enfant. “C’est intéressant que la personne apporte son univers, parce que cela évite la comparaison avec les parents. L’histoire habituellement lue par le père ou la mère sera forcément moins bien lue par le(a) baby-sitter. Alors que si il(elle) apporte du matériel nouveau, la question ne se pose pas”, explique la sophrologue. Elle conseille également de lister avec l’enfant ce qui est important pour lui : est-ce de pouvoir jouer dans le bain ? Qu’on fasse bien attention à ne pas lui mettre d’eau dans les yeux quand on lui rince les cheveux ? Et bien sûr, on communique tout sur le rituel du coucher.
Le premier anniversaire chez un copain
Jérôme se souvient encore du premier anniversaire auquel a été conviée sa fille Lucie : “Je l’ai retrouvée dans un coin, complètement perdue au beau milieu d’une meute d’enfants survoltés. Je ne crois pas que ça a été le meilleur souvenir de sa vie… ”, confie-t-il. Du monde, de l’excitation, des sentiments parfois contradictoires qui déferlent en cascade…
Un premier anniversaire, ce n’est pas rien. Là encore, Stéphanie Couturier conseille de préparer l’enfant. “On peut lui dire qu’il y aura sans doute du bruit, de la fatigue, de grosses émotions”, explique-t-elle. Aussi si c’est le cas, il ne sera pas surpris. L’avertir aussi que si c’est son ou sa meilleure amie qu’on célèbre, il ou elle ne sera pas aussi disponible que d’habitude, accaparé(e) par la fête et les autres invités. Histoire d’éviter à la jalousie de trop mordre le cœur… Et bien sûr, on peut associer l’enfant au choix du cadeau destiné à son copain ou sa copine. Pourquoi ne pas l’inciter également à en préparer un, bien à lui, comme un dessin, une petite sculpture ? Une bonne occasion de lui montrer que ce n’est pas la dépense qui fait le prix d’un cadeau, mais l’intention.
Si le petit est un peu timide, on peut prévenir les parents organisateurs – sans dramatiser non plus – et rappeler à notre enfant que s’il a besoin d’une soupape de calme, il peut toujours se mettre quelques instants dans un coin avec un livre, le temps de faire une pause dans le rythme souvent effréné de ces goûters. De quoi amorcer au mieux ce qui n’est finalement rien d’autre que le début de sa vie sociale !
La première soirée pyjama chez un copain
L’excitation est à son comble chez Hugo, 5 ans. Il va prochainement aller dormir chez son meilleur copain Baptiste. Chez ses parents, une petite inquiétude, néanmoins. « On craint le coup de fil de 22h30 en mode “venez me chercher, je veux rentrer !” », avoue Sébastien, son père. Pour la psychologue Béatrice Copper-Royer, mieux vaut ne pas envisager la soirée pyjama avant la grande section. Plus jeune, c’est un peu plus complexe, d’autant que “vers 3 ans, il y a souvent des difficultés à s’endormir et la montée en puissance des cauchemars. Le sentiment de sécurité est encore un peu fragile… ” Une chose est sûre : “Il faut que l’enfant exprime son désir, son envie à lui et pas celle de ses parents…”
Pour Stéphanie Couturier, on peut le préparer au petit coup de blues qui peut survenir, “lui dire que, parfois, quand le soleil se couche, il arrive parfois des petits chagrins”. Si cela survient, pourquoi ne pas lui proposer de dessiner ses chagrins qu’on regardera ensemble le lendemain. Dans son sac à dos, on glisse ce qui lui rappellera un peu la maison : T-shirt des parents avec leur odeur, livres favoris, oreiller et évidemment doudou… Stéphanie Couturier attire aussi l’attention des parents sur une étape à laquelle on ne pense pas toujours : le petit déjeuner proposé chez le copain qui ne sera pas forcément ce qu’il aime manger lui, le matin. “Il peut venir avec une brioche ou son paquet de céréales qu’il partagera”, suggère-t-elle.
En cas de coup de fil nocturne, à nous d’estimer l’intensité du chagrin. Les parents du copain peuvent suffire à le réconforter. “Mais si c’est vraiment la panique, mieux vaut aller le chercher.” Et puis n’oublions pas le positif qui peut découler d’une telle première fois : “L’enfant entre dans un autre univers, avec d’autres codes, d’autres repères. Il va réaliser qu’il a une vraie capacité d’adaptation, et ça, c’est formidable !”, s’enthousiasme Béatrice Copper-Royer.
L’autonomie ou “l’envie d’avoir envie”
Et si pour parler d’autonomie, on appelait Johnny à la rescousse ? La référence peut sembler étrange, et pourtant… l’autonomie, ce n’est rien d’autre que “l’envie d’avoir envie”. Comme l’explique la sophrologue Stéphanie Couturier, “si l’enfant a envie de faire quelque chose, c’est déjà gagné en termes d’autonomie”. Dans cette acquisition, le désir de faire est en effet essentiel. Car “pour qu’une première fois se passe bien, il faut que l’enfant en retire de la fierté. Il faut donc évaluer sa maturité émotionnelle qui n’est pas la même d’un petit à l’autre”, poursuit la psychologue Béatrice Copper-Royer qui ajoute : “en matière d’autonomie, il ne faut pas brûler les étapes”. Si le désir de faire n’est pas là, mieux vaut accompagner et proposer à nouveau les choses un peu plus tard.
Et nous, parents, se garder de l’esprit de compétition : ce n’est pas parce que certains de ses copains savent s’habiller tout seuls qu’on doit se mettre la rate au court-bouillon pour qu’il sache, d’ici une semaine, enfiler son pantalon sans nous ! En revanche, estime Stéphanie Couturier, on peut valoriser les choses en amont : “Un jour, tu pourras t’habiller tout seul pour l’école !” Et plutôt que de “faire à sa place”, on échelonne les missions : d’accord, il ne sait pas s’habiller tout seul de bas en haut, mais il prend en charge la culotte et les chaussettes.
Pour stimuler l’envie, la sophrologue propose de lancer des petits défis. Et pour cela, de lister les choses qu’il serait chouette de savoir faire, en les dessinant : une baguette qui symbolise la fois où il ira acheter le pain tandis qu’on l’attend à l’extérieur de la boulangerie ; une casserole pour la fois où il aidera à faire la cuisine, une assiette pour la première table mise… Chaque fois qu’une action est accomplie, on l’entoure en dessinant un soleil. Une sacrée fierté quand le tableau des réussites est couvert de petits soleils !
Des livres pour aller plus loin
Aidez votre enfant à devenir autonome de Stéphanie Couturier et Camille Benoît, Marabout. Une myriade de petits exercices pour accompagner son enfant sur la voie de l’autonomie.
Mon p’tit cahier autonomie de Christine Klein, Solar. Un cahier qui découpe la quête de l’autonomie en deux phases (2-5 ans, 6-8 ans) et qui met l’accent sur l’environnement dans lequel celle-ci peut se développer, notamment en accompagnant sans “faire à la place”.
Un jour encore de Cristiana Valentini et Philip Giordano, Rue du Monde. Une petite graine rechigne à quitter l’arbre d’où elle vient. Ça tombe bien, l’arbre n’a pas trop envie de la laisser partir non plus… Un album qui parle aussi bien aux enfants qui auraient un peu peur de prendre leur envol qu’aux parents qui ont parfois du mal à leur laisser prendre un peu le large… Dès 4 ans.