Des Métamorphoses d’Ovide à Harry Potter, en passant par L’Attaque des Titans, la transformation est une étape clé des récits d’apprentissage. À l’image de la puberté dans la vie de nos adolescents. Le magazine Je bouquine invite à découvrir ces héros qui ont fait de leur mue une force, pour mieux se lancer dans la grande aventure de devenir soi.
“Oh, comme tu as changé !” Cette phrase, qui ne l’a pas entendue au moins une fois dans sa vie… Dans chaque famille, il y a toujours une tante, un lointain cousin, un oncle qui ne peut pas s’empêcher de faire la remarque. Côté fiction, la métamorphose – et pas seulement celle de l’adolescence – transforme une simple histoire en aventure fantastique.
“Alerte rouge”, “Harry Potter”, “X-Men” : Apprivoiser sa mutation… c’est pas gagné !
Un corps qui se transforme à la puberté, une malédiction qui survient les soirs de pleine lune… Dans la fiction, la métamorphose est toujours une étape clé du récit.
Ce matin-là, Meilin ne se sent pas bien. Et pour cause, la voilà transformée en énorme panda roux qui sent mauvais ! La scène arrive au début d’Alerte rouge, réalisé par Domee Shi. La mère de Meilin, surprotectrice, cherche à l’aider : “Est-ce que la pivoine rouge a fleuri ?” lui demande-t-elle. Avec ce fabuleux film, la cinéaste utilise la métamorphose pour symboliser le passage à l’adolescence, les émotions qui submergent Meilin, la peur des premières règles (évoquée ici par la remarque imagée de la mère !), mais aussi ses souvenirs d’enfance en tant qu’Américaine d’origine chinoise.

Dans Harry Potter, de J.K. Rowling, la transformation de Rumus Lupin en loup-garou l’oblige à s’isoler pour ne pas éveiller les soupçons. Un fardeau pour ce professeur de Défense contre les forces du Mal, adoré des élèves de Poudlard ! Côté super-héros, les X-Men sont aussi mis au ban de la société. Mystique peut prendre n’importe quelle apparence (génial, non ?). Pourtant, elle est traitée comme une pestiférée, qu’il faut soigner en la forçant à refouler son pouvoir…
Heureusement, la métamorphose est aussi une force, à l’image des Métamorphes, dans la trilogie L’Autre, de Pierre Bottero. Shaé et son fils Elio sont capables de se transformer en animaux (panthère et aigle pour la mère, jaguar pour le fils). En plus, ils peuvent sauver le monde. Rien que ça !
“La Métamorphose”, “Le règne animal”, “L’Attaque des Titans”… : Changer pour s’adapter au futur
La métamorphose est souvent vue comme une maladie : elle suscite la peur… Mais les victimes savent en faire une force. Tour d’horizon en cinq œuvres.

- Le classique : La Métamorphose, de Franz Kafka (1915, Gallimard, Folio).
Gregor, un commercial, vit chez ses parents. Un matin, le héros se réveille, transformé en cafard. L’écrivain austro-hongrois Franz Kafka (1883-1924) teinte tous ses récits d’une absurdité cauchemardesque. Dans ce roman, qui ne fait pas exception, Grégor souffre d’une sensation d’emprisonnement, son existence est dénuée de sens… Sa métamorphose est le stade final d’une déshumanisation subie tout au long de sa vie.
- Le film : Le règne animal, de Thomas Cailley, disponible en vidéo à la demande (2023).
Émile, un adolescent, a peur de se transformer peu à peu en créature animale, comme de nombreuses victimes d’une mystérieuse épidémie qui dure depuis quelques mois. En plus d’être une métaphore de l’urgence climatique, le film parle aussi de transmission : qu’est-ce que les parents laissent aux générations futures, alors que l’effondrement du monde semble inévitable ? Une merveilleuse histoire entre un père et son fils.


- La série : Sweet Tooth, de Jim Mickle, à voir sur Netflix, (2021-2024). La série est tirée de BD comics de Jeff Lemire.
Dans un monde post-apocalyptique où les humains ont été décimés par une maladie, des hybrides mi-hommes mi-animaux voient le jour. Avec ses bois de cerf, Gus en fait partie. Les derniers humains survivants chassent les hybrides et montrent que les êtres les plus monstrueux ne sont pas forcément ceux qu’on croit. La série, bouclée sur Netflix en trois saisons, est un appel à la tolérance.
- Le manga : L’Attaque des Titans, de Hajime Isayama (34 tomes, Pika, 2009-2021). Ce manga a été adapté en série d’animation, à voir sur Netflix.
Eren vit dans une ville entourée de murailles. Elles protègent les habitants des Titans, des monstres de plusieurs mètres de haut qui mangent les humains. Un jour, lors d’une attaque, le garçon est avalé par l’une de ces créatures. Alors que tout le monde le croit mort, Eren se transforme lui-même en Titan. Cette métamorphose marque le début de la revanche du genre humain sur ces géants. Il ne se laissera plus jamais faire sans contre-attaquer !


- Le roman jeunesse : Humanimal, le secret de Murphy, d’Emy Letertre (tome 1, Albin Michel, 2024).
Les Humanimaux, hybrides entre humains et animaux, sont devenus la nouvelle espèce dominante sur Terre, tandis que les humains deviennent des esclaves conçus pour le travail ou le divertissement. Cette fois-ci, la métamorphose est utilisée dans le récit pour inverser le rapport de force entre humains et animaux. En montrant les Hommes dans une telle position, l’autrice Emy Letertre alerte sur notre rapport à la nature et la manière dont on traite les animaux.
Les dieux de l’Olympe : les as de la métamorphose
Dans les mythes gréco-romains, les dieux changent d’apparence. Ils peuvent aussi s’en prendre à de simples mortels, au gré de leurs caprices. Gare à celui ou celle qui croise leur route…
Une punition…
Peut-être as-tu déjà entendu parler d’Ovide au collège ? Au Ier siècle après J.-C., l’auteur latin compose un long poème, Les Métamorphoses. C’est lui qui invente ce mot, tiré des termes grecs méta (après) et morphè (forme). Le poème raconte les légendes des dieux de l’Olympe, où les mutations sont au centre du récit. Les dieux se changent en animaux, en végétaux, en constellations, mais transforment aussi les autres ! Le plus souvent pour les punir, parfois pour les récompenser. L’histoire d’Actéon fait partie des métamorphoses les plus connues : lors d’une partie de chasse, ce prince surprend Artémis nue au bord d’un ruisseau. Offensée, la déesse de la chasse le transforme en cerf pour se venger. Actéon s’enfuit, mais les chiens de la déesse le rattrapent et finissent par le dévorer. Il ne faut jamais se mettre les dieux à dos !

… ou un cadeau
Mais parfois, les dieux sont pris de remords. Ils utilisent leur don pour se racheter, comme dans le mythe d’Arachné. Cette tisseuse de grand talent reçoit un jour la visite d’Athéna, la déesse de la Sagesse et des Arts, déguisée en vieille dame. Lorsque Arachné se vante d’être une meilleure tisseuse que la déesse, cette dernière révèle son identité et la défie dans un concours. La déesse illustre les dieux de l’Olympe sur sa toile, mais Arachné bat Athéna, grâce à une toile figurant Zeus et ses amantes. La divinité, furieuse, déchire l’œuvre de la jeune fille.

Humiliée, Arachné décide de se tuer. Pour se faire pardonner, Athéna lui offre une seconde vie et la transforme en araignée. Une récompense pour celle qui pourra désormais tisser sa toile jusqu’à la fin des temps…
- Zeus, accro aux mutations : Le roi des dieux de l’Olympe adore jouer avec les apparences. Chaque animal, végétal ou élément de la nature dont il revêt les traits, lui permet de séduire des femmes mortelles : un taureau pour Europe, un cygne pour Léda, une pluie d’or pour Danaé… Zeus souffrirait-il d’un manque de confiance en lui, d’une addiction ou d’un trouble de l’identité ?
« Métamorphoses : quand les héros changent de peau », article extrait du magazine Je bouquine n° 495, mai 2025. Textes : Nathanaël Bentura. Illustrations : Sophie Leullier.