Courir, escalader, sauter… : nos tout-petits ont besoin de bouger pour développer leur motricité, découvrir leurs limites et apprendre le danger (même si cela nous fait parfois trembler). Veiller à leur sécurité tout en leur laissant suffisamment de liberté n’est pas toujours facile. Avec l’expertise d’une psychomotricienne, la rédaction de Popi, le magazine Bayard Jeunesse des enfants de 1 à 3 ans, nous donne des pistes pour trouver la juste mesure.
« Attention !!! Enfant, j’étais terriblement agacée par le stress de ma mère quand j’approchais de trop près une falaise bretonne ou la pente escarpée d’une montagne. “ATTENTION !!!” Désormais, c’est moi – bien sûr – qui ai le ventre noué quand l’un de mes enfants rase le bord d’une route… ou d’une falaise. Certes, on ne peut pas demander à un tout-petit d’être maître de ses mouvements, et nous sommes là pour le sécuriser. En revanche, il existe mille terrains d’expérimentation – escaliers, jardins, parcs… – où les petits ne risquent pas leur vie (au pire, un petit bobo !) et dont ils ont besoin pour grandir. Alors, offrons-leur l’aventure ! »
Gwenaëlle Boulet, rédactrice en chef des magazines Popi et Pomme d’Api
« J’ai toujours peur qu’il lui arrive quelque chose. »
Thibault, papa de Timothée, 2 ans et demi : « Je crois que le mot “attention” est de ceux que Timothée entend le plus de ma part. J’avoue, ce n’est pas terrible… Pareil, j’ai remarqué que, quand on rentre du parc, j’ai les trapèzes tout tendus. Mais voilà, c’est plus fort que moi, j’ai toujours peur qu’il lui arrive quelque chose. »
Le regard d’Anne-Laure Huveau-Scandola, psychomotricienne à Paris :
« Dans mon cabinet, je rencontre souvent des parents un peu stressés qui craignent que leur enfant se cogne ou se blesse. Ces petits ont souvent une motricité fine développée, alors que la motricité globale est moins avancée. J’ai aussi remarqué qu’il s’agit souvent d’enfants aînés, de prématurés ou d’enfants qui ont des petites difficultés. C’est-à-dire ceux pour lesquels, dès la naissance, les parents ont été particulièrement en alerte. Je rappelle toujours à ces derniers que s’ils ne sont pas eux-mêmes sécurisés, l’enfant ne va pas expérimenter par son corps. Cette insécurité peut effectivement passer par des “Attention !” récurrents, ou même des postures non verbales. Or, le risque est que le petit assimile la découverte au danger. Il faut donc prendre un peu sur soi, et se rappeler que l’enfant a besoin de cet apprentissage pour son développement moteur. »
« Les petites chutes, les genoux couronnés, ça fait partie de la vie ! »
Margaux, maman d’Anouk, 2 ans : « Forcément, parfois, je ne suis pas très rassurée quand je vois Anouk partir à l’assaut d’un toboggan ou courir avec ses petites jambes encore maladroites. Mais je me dis que c’est un passage obligé. Que notre génération, par rapport à celle d’avant, est peut-être un peu trop dans le contrôle total. Les petites chutes, les genoux couronnés, ça fait partie de la vie ! »
Le regard d’Anne-Laure Huveau-Scandola :
« L’enfant a besoin d’expérimenter par son corps pour comprendre quels sont ses points d’appui, connaître ses limites, avoir confiance en lui, faire les bons choix. Cela lui est aussi nécessaire pour apprendre le danger. Comment savoir que tomber sur des graviers ça fait mal, si on ne l’a pas vécu ? Ces petits incidents sont plus nécessaires qu’on ne le pense. Par exemple, c’est parce qu’il va tomber lors de l’apprentissage de la marche que l’enfant va se muscler suffisamment pour asseoir son équilibre. »
« Je ne sais pas très bien où placer le curseur… »
Myriam, maman de Jo, 5 ans, et Louise, 1 an et demi : « Ma difficulté, c’est que je ne sais pas très bien où placer le curseur. Comment ne pas empiéter sur sa prise d’autonomie et poser un cadre qui ne soit pas contraignant, tout en étant sécurisant ? »
Le regard d’Anne-Laure Huveau-Scandola :
« Il n’est pas toujours évident de faire la part entre vigilance et liberté. Selon moi, la règle numéro 1, c’est de laisser l’enfant expérimenter sans le laisser seul. À la maison, on sécurise les endroits qui doivent l’être : escaliers, prises électriques, coins de table… à l’extérieur, on lui offre des opportunités d’exploration. Les jeux pour enfants dans un parc sont, en général, adaptés à sa taille, avec des revêtements au sol qui amortissent les chutes. Il faut se montrer présent mais pas surprotecteur, intervenir et prévenir en cas de danger. Si l’enfant fait une mauvaise expérience, on explique. Par exemple : “Tu es tombé parce que tu as couru trop vite.” Il est important de verbaliser pour qu’il y ait un retour du parent. »
3 idées à tester sans hésiter (et sans danger) !
Laisser son enfant utiliser un petit couteau peu tranchant, à bout rond. Découper des légumes, c’est l’occasion d’apprendre à se servir des couverts sans se faire mal !
Élaborer, avec lui, des miniparcours de motricité à la maison : marcher sur des coussins, ramper dans un petit tunnel, passer des obstacles…
L’inscrire aux bébés nageurs ou à la baby-gym. Dans les deux cas, l’enfant expérimente son corps et ses limites dans un cadre sécurisé, encadré par des professionnels, avec des prises de risques adaptées à son âge et ses capacités.