Source de découragement, de tensions et de disputes, la fatigue est parfois difficile à gérer quand on est parents de jeunes enfants. Le magazine Pomme d’Api a demandé quelques conseils à la psychologue Héloïse Junier pour aider celles et ceux qui donneraient tout pour une bonne nuit de sommeil…
Ça va passer !
Héloïse Junier, psychologue : Ce que j’explique en tout premier aux jeunes parents épuisés que je vois, c’est que tout ceci est PASSAGER. Ça ne signifie pas qu’on n’est pas réellement fatigué, qu’on ne manque pas réellement de sommeil. Mais savoir que cette situation n’est qu’une phase, qu’elle est transitoire et que ce n’est pas notre vie “à jamais” aide beaucoup à tolérer les réveils nocturnes et la fatigue. Beaucoup de jeunes parents se mettent la pression en pensant que ce n’est pas normal que leur petit se réveille autant, ne fasse pas des nuits “complètes”. Or, il faut normaliser le fait qu’un petit n’a pas le même rapport au sommeil que nous. Selon les enfants, cela met plus ou moins de temps à se construire, mais mon conseil n° 1 est vraiment de se dire que “ça va passer !
Devenez champions en microsiestes
Concrètement, je conseille aussi les microsiestes pendant la journée. Quand on est en manque de sommeil, même une microsieste de 10 minutes ou des moments de somnolence sont réparateurs et efficaces pour reprendre des forces. Des études en ont vraiment prouvé les bénéfices. Donc si on peut s’isoler un peu au travail pour cela, après le déjeuner par exemple, c’est très bien. Cependant, mieux vaut éviter les siestes trop longues ou trop tardives.
Jouez-le collectif !
Lorsque le bébé est petit, si la maman allaite, il est compliqué de partager les nuits. En revanche, le conjoint (ou la conjointe) peut prendre en charge la gestion du matin, surtout quand il y a des aînés à emmener à l’école. Cela permet à la maman de terminer un cycle de sommeil par exemple. Ensuite, se partager les nuits peut être une excellente solution : on n’aborde pas de la même façon une nuit hachée quand on sait que la nuit d’après on va pouvoir dormir.
Limitez les écrans
Comme pour les enfants, la lumière des écrans est très mauvaise pour le sommeil. Mauvaise pour s’endormir… comme pour se rendormir. Donc prévoir au moins 15 minutes entre le moment où on regarde un écran et le moment où l’on se couche. Je conseille aussi de prendre soin de son environnement lumineux (lumières tamisées plutôt que vives). Autre astuce : ne cédez pas à la tentation de regarder l’heure si vous êtes réveillé(e) en pleine nuit (et encore moins sur votre téléphone dont la lumière va réactiver votre cerveau) ! Votre enfant pleure ? Levez-vous, faites ce que vous avez à faire et retournez vous coucher, sans vous ajouter une couche de stress supplémentaire (“Oh non ! Plus que 2 heures à dormir !”) qui ne fera qu’accentuer votre difficulté à vous rendormir.
Chauffez… mais pas trop !
On ne le sait pas assez, mais la température du corps est un facteur important du sommeil. La nuit, les extrémités gagnent 1 °C et cela peut empêcher de se rendormir (nous, comme notre enfant). Donc on évite de surchauffer les pieds en mettant de grosses chaussettes par exemple, on ne chauffe pas trop la pièce et on aère au maximum les chambres avant de dormir pour faire baisser le niveau de CO2 !
Cododo : halte à la culpabilité !
Comme je l’indique souvent aux parents : “l’important, ce n’est pas qui dort où… mais que tout le monde dorme”. Tous les enfants ne sont pas égaux face à la solitude de la chambre, du noir : certains sont vite apeurés. Si on a la force, l’énergie de ramener son petit dans sa chambre pour qu’il se rendorme : très bien. Si on est épuisé, que cela permet à tout le monde de dormir et que chacun est OK, il n’y a pas de raison de rejeter cette solution à tout prix. Après tout, la notion de “chambre individuelle” est très culturelle. Dans beaucoup de sociétés, toute la famille dort dans la même pièce, voire dans le même lit… En revanche, ce qui est important, c’est d’en parler en couple et que cela n’empêche pas de se retrouver. Pensez aussi aux chambres d’enfants partagées, la présence d’un frère ou d’une sœur dans la pièce est une bonne façon de les rassurer.
Et quand ça ne passe pas…
Il est important de s’intéresser au sommeil de son enfant pour ne pas s’inquiéter trop vite. Dans la vie d’un petit, il y a de nombreuses formes de “parasomnies”, c’est-à-dire de troubles du comportement la nuit (cauchemars, éveils confusionnels, terreurs nocturnes…). Certains troubles sont classiques : comme lorsque, vers 2 ou 3 ans, il y a des phases de cauchemars. Quand c’est ponctuel, il n’y a pas d’inquiétudes à avoir. Mais si, soudain, l’enfant se met à enchaîner les nuits de cauchemars pendant une, deux, trois semaines, cela vaut le coup de savoir si tout se passe bien à l’école, avec les copains… Et surtout, si vous êtes épuisé(e), n’hésitez pas à consulter votre médecin traitant ou un psychologue.
Héloïse Junier est psychologue de l’enfance et docteur en psychologie. Elle a écrit “Le Sommeil du jeune enfant. Pour les parents qui ne font pas leurs nuits” (éd. Dunod) et vient de sortir en BD “Les émotions de l’enfant. 7 jours pour mieux les comprendre” (éd. Les Arènes).
Fatigue : des parents témoignent et donnent leurs astuces dans Pomme d’Api
Dormir une nuit sur deux
“En dehors des périodes d’allaitement où Julie gérait plus les nuits, on a toujours fait une nuit sur deux… puis un matin sur deux. OK, il y a une nuit pourrie et un matin où tu te lèves tôt, mais quand tu sais que la nuit d’après sera complète, ça change tout ! Ça nous a aussi évité pas mal de disputes !”
Minh et Julie, parents de trois enfants de 9 ans, 6 ans et 4 ans.
Crevé(e) ? Les ami.e.s à la rescousse !
“Je suis maman solo et Noam a souvent des réveils nocturnes. Il se lève aussi très tôt le week-end, donc j’ai du mal à récupérer. Un jour, alors que j’étais vraiment crevée, ma meilleure amie m’a proposé de venir un vendredi sur deux pour assurer la nuit et le samedi matin. C’est l’occasion de se voir et, pour moi, de récupérer un peu.”
Élodie, maman de Noam, 4 ans.
Patience…
“Avec notre première fille, on était obsédés par l’idée de continuer à sortir, à voir des amis. Très vite, on était morts de fatigue ! Pour la deuxième, on accepte de mettre un peu notre vie sociale entre parenthèses, de se coucher tôt… une vie de vieux, quoi ! Mais on sait que ça ne va pas durer, donc on le vit mieux !”
Lou, maman de deux enfants de 4 ans et 8 mois.