Votre ado se laisse parfois déborder par ses émotions ? Nous vous offrons ce dossier d’Okapi, le magazine des 10-15 ans de Bayard Jeunesse, pour lui donner des informations scientifiques et des astuces qui l’aideront à mieux accueillir et comprendre ce qu’il ressent. Voire à vous en parler…
“Comment te sens-tu aujourd’hui ?” Sans doute vous arrive-t-il très régulièrement, en tant que parent d’adolescent(e), d’accueillir votre enfant le matin au petit-déjeuner avec cette question, ou bien de la lui poser le soir en rentrant du travail. Peut-être aussi constatez-vous à quel point il est parfois difficile d’obtenir une réponse éclairante de sa part. Si ça ne va pas fort, un “bof” fera l’affaire, ou un “ça va” aux allures d’esquive…
Cette économie de mots ne veut évidemment pas dire que nos ados ne veulent rien partager de leurs émotions du jour avec leurs proches, a fortiori leurs parents. Cela traduit en revanche à quel point il peut être difficile, à leur âge fait de remises en question et de grands changements, de mettre une phrase, un mot juste, sur un ressenti.
La peur, la colère, la joie, la tristesse, le dégoût, la surprise… Le dossier scientifique, à lire dans le numéro du 1er février d’Okapi ou à télécharger, explore six émotions, parmi les plus essentielles, et décrypte le rôle clé des hormones qui passent malgré nous à l’action lorsqu’elles se déclenchent, voire “explosent” au moment de la puberté. Il explique aussi pourquoi les émotions sont éphémères, même si on croit qu’elles s’installent “pour toute la vie”. Comprendre qu’elles ne sont pas durables, c’est apprendre à mieux les accueillir… Un premier pas pour commencer à prendre du recul.
Le Mood Meter d’Okapi
Et s’il existait un outil qui permettait aux ados de mieux identifier leurs émotions au jour le jour ? Et si, mieux encore, cet outil facilitateur devenait un élément important de leur décor intime, leur chambre, au point de les aider, au fil des semaines, non pas à aller “mieux”, ce serait présomptueux, mais peut-être à formuler ce qu’ils ou elles ressentent ?
Chers parents, cet outil dit “de gestion émotionnelle”, votre ado le découvrira, en poster cadeau, dans son numéro daté du 1er février (grâce à son abonnement ou en kiosque à partir du 24 janvier), avec en couverture la star Kylian Mbappé – personnalité préférée des 11-14 ans selon notre nouveau baromètre annuel. L’objet, adapté en le simplifiant par Okapi, s’appelle le Mood Meter (littéralement : “émotimètre”). Avec un feutre effaçable, chaque fois que votre ado le décidera, il/elle pourra tenter de nommer son émotion, l’entourer, accomplir l’activité associée sur le poster… Une bonne porte d’entrée pour apprendre à être plus indulgent(e) avec soi-même en découvrant qu’il n’existe pas d’émotions véritablement “négatives” mais que toutes nous construisent. Pour parvenir aussi à ne plus subir ses émotions mais à les accepter, en sachant qu’elles ne durent pas indéfiniment. Voire, et ce n’est pas le moindre des projets, pour partager son expérience du Mood Meter avec ses proches, et renforcer la complicité et l’empathie au cœur de la famille.
Conception : inspiré par le travail de Marc Brackett, chercheur en psychologie et fondateur du Yale Center for Emotionnal Intelligence. Illustrations : Emmanuelle Teyras. Okapi n° 1193, 1er février 2024.
Jean-Yves Dana, rédacteur en chef du magazine Okapi
Quelles hormones entrent en scène quand éclate une émotion ?
• La dopamine : la molécule de la récompense.
• La sérotonine : le stabilisateur d’humeur.
• L’ocytocine : l’hormone de l’amour.
• L’adrénaline : la chimie de l’urgence.
• Le cortisol : le générateur de stress.
• Les endorphines : les antidouleurs.
La colère
Comment ça marche ?
La colère est déclenchée par l’amygdale, une zone du cerveau qui signale à ton corps qu’il doit se défendre face à un danger imminent. Il sécrète alors de l’adrénaline, une hormone qui s’accompagne d’une poussée d’énergie. Comme un animal, tu te prépares au combat ! Quelques minutes plus tard, ton corps sécrète du cortisol (aussi connu sous le nom d’hormone du stress). Il oriente l’énergie vers les muscles des jambes pour fuir plus vite, si besoin.
Son message caché
La colère indique qu’une limite a été franchie. Quelque chose ne va pas et cela doit changer ! Elle masque parfois une autre émotion, plus complexe, comme la jalousie ou la culpabilité.
Comment l’apprivoiser ?
- Serre fort ! Cet exercice réduit la tension musculaire. Commence par t’asseoir confortablement et prends quelques respirations profondes. Ferme les yeux. Serre d’abord tes pieds en inspirant pendant 5 secondes. Attends 5 autres secondes, puis relâche. Répète avec tes mollets, tes cuisses, ton ventre et remonte ainsi jusqu’à la tête. Observe ce que tu ressens, à chaque étape.
- Rencontre la meilleure version de toi-même. En 2001, Laura King, une chercheuse en psychologie de l’université du Missouri (États-Unis), a demandé à des volontaires de rédiger le portrait-robot de la meilleure version d’eux-mêmes, sur quatre jours consécutifs. “Imagine ce que tu feras dans 5 ans, avec qui et où. Sois le plus précis possible et vise haut !” Cet exercice permet de prendre de la distance avec sa colère et de la faire retomber.
La tristesse
Comment ça marche ?
La tristesse est déclenchée par une situation de perte ou d’absence. Bien qu’elle soit normale, elle doit demeurer temporaire, sinon elle devient le symptôme d’un mal plus grave : la dépression. La tristesse, c’est un moment de pause et de réflexion. Dans le cerveau, l’amygdale, une zone qui sert à reconnaître les émotions, envoie un message à l’hypothalamus (le chef d’orchestre en quelque sorte). Celui-ci libère de l’adrénaline (l’hormone de l’urgence) qui entraîne la sensation de ventre noué, ainsi qu’une respiration saccadée. Et de la noradrénaline, qui provoque larmes et prostration.
Son message caché
La tristesse t’apprend à renoncer et à dire adieu. En te privant d’énergie, elle t’invite à réfléchir à tes erreurs. Ne la refoule pas, car elle signale aussi aux autres que tu as besoin d’être consolé(e) et soutenu(e).
Comment l’apprivoiser ?
- Laisse parler ton corps. Imagine que tu es une statue et que ton corps est fait d’argile. Ferme les yeux et connecte-toi à ta tristesse. Si tu ressens une tension quelque part, accepte-la. Sans trop réfléchir, laisse ton corps prendre la position qui lui vient. Maintiens-la quelques secondes, puis relâche.
- Promène-toi dans les bois. Des chercheurs américains ont montré que 10 petites minutes passées dans la nature suffisent à remonter le moral ! Trouve un jardin, un parc, une forêt… où te promener. Prends le temps d’admirer les arbres et d’écouter les oiseaux.
La joie
Comment ça marche ?
Une vague de chaleur qui réchauffe ton cœur et ton corps et te donne de l’énergie ? Pas de doute, la joie est là. En 1952, des chercheurs ont découvert que cette émotion active plusieurs zones du cerveau et libère dans le corps un cocktail d’hormones : de la dopamine (pour le bonheur), de la sérotonine (qui génère une sensation d’euphorie), des endorphines (contre la douleur) et même des endocannabinoïdes pour lutter contre l’anxiété.
Quel est son message ?
La joie témoigne de ce qui est bon pour toi. Elle t’incite à renouveler des expériences agréables. Elle a aussi le pouvoir d’attiser la curiosité et d’ouvrir vers l’extérieur en dopant la confiance en soi.
Comment en tirer tous les bénéfices ?
Tu aimerais que cette joie ne s’envole jamais ? Elle est, malheureusement, comme toutes les émotions : fugace. On te conseille néanmoins deux exercices, pour faire durer le plaisir.
- Célèbre les autres. Sur ton téléphone, ouvre une application, cherche le post d’une personne qui partage sa réussite ou un bonheur. Envoie-lui un message de félicitations. C’est une manière d’entretenir un cercle vertueux.
- Toque à la porte de la gratitude. Concentre-toi sur ce qui te rend heureux(se). Il peut s’agir d’un proche… ou d’un lieu où tu te sens bien, comme ta chambre. Forme un poing avec ta main droite et ferme les yeux. Tapote doucement sur ton cœur en reformulant ce pour quoi tu es reconnaissant.
La peur
Comment ça marche ?
Lorsqu’une menace est détectée, l’amygdale, une zone du cerveau, active une partie de ton système nerveux que l’on appelle “sympathique” et libère de l’adrénaline, aussi appelée hormone guerrière. Son rôle : elle prépare ton corps à réagir. Ton rythme cardiaque s’accélère, tes bronches se dilatent. Libéré dans le sang, du glucose augmente l’énergie disponible. Mais le cortex préfrontal, chargé de réguler les émotions, peut aussi annuler la peur s’il juge que le danger est faible.
Quel est son message ?
La peur n’est pas synonyme de lâcheté. Au contraire, c’est une alarme qui signale un danger. Elle fournit l’énergie nécessaire pour y faire face.
Comment l’apprivoiser ?
- Nomme ta peur. Commence par respirer, puis identifie ce que tu ressens. Autorise-toi à traverser cette émotion. Creuse et essaie de savoir si tu peux aller encore plus loin dans ton ressenti. Ensuite, place une main sur ton cœur et imagine que tu te consoles, comme tu consolerais un ami ou un animal effrayé.
- Prends un peu de distance. Repense à ce qui t’a fait peur. Imagine : tu es dans un cinéma et tu observes la scène depuis ton siège. Rejoue-la, mais cette fois, recule progressivement au fond de la salle, jusqu’à en sortir complètement.
Le dégoût
Comment ça marche ?
Le nez se fronce. Les commissures des lèvres s’arquent vers le bas. La bouche se retrousse. Le dégoût s’exprime de la même manière dans toutes les cultures. C’est la région de l’insula, située dans le cerveau et notamment liée à la perception de la douleur, qui le provoque. Très stimulée, elle peut même entraîner des nausées qui rendent impossible d’ingérer, au propre comme au figuré, un aliment ou une idée. Car le dégoût est aussi physique que mental.
Quel est son message ?
Le dégoût protège des aliments avariés ou des substances qui pourraient t’empoisonner, mais aussi des personnes et des situations qui ne sont pas bonnes pour toi. Émotion puissante, contre laquelle il est difficile de lutter.
Comment l’apprivoiser ?
- Dessine ! Trouve une feuille de papier et un crayon ou un stylo. Ferme les yeux et imagine un endroit qui t’apporte de la joie. Esquisse d’abord dans ton esprit tous les détails de ton projet. Une fois que tu as terminé ton dessin, observe ce que tu ressens. Ton émotion est-elle moins vive ?
La surprise
Comment ça marche ?
C’est l’émotion la plus fulgurante du spectre émotionnel. Tu sursautes et tu écarquilles les yeux en réflexe, après avoir été confronté(e) à l’imprévu, à la nouveauté et à l’étrange. La surprise est neutre : agréable ou désagréable en fonction de ce qui la provoque. Elle libère de l’adrénaline (l’hormone de l’urgence), et de la noradrénaline (l’hormone de la vigilance), qui mettent le corps en alerte. Mais la surprise peut se désactiver très vite.
Quel est son message caché ?
La surprise aide à sortir rapidement d’une situation, avant d’analyser et de rationaliser. Elle précède souvent une autre émotion, comme la colère ou la joie.
Comment l’apprivoiser ?
- Maîtrise ta respiration. Assieds-toi confortablement, le dos bien droit. Tu peux fermer les yeux ou les laisser ouverts en fixant le sol. Prends plusieurs respirations profondes : sur chaque expiration, essaie de décontracter ton front, ton cou, tes épaules et ton ventre. Ensuite, continue de respirer normalement, en prenant conscience de tes inspirations et de tes expirations.
Le vrai-faux des émotions
Voici cinq affirmations sur des questions que tu te poses peut-être. Mais toutes ne sont pas exactes…
Les émotions, ça dure toujours… FAUX
Tes émotions sont comme les nuages, elles ne font que passer. Des chercheurs ont mesuré leur durée : la honte s’évanouit en 30 minutes, tandis que la tristesse perdure 48 heures. Pas de panique, si tu as l’impression que tu vas être triste toute ta vie, ce n’est qu’une illusion !
Les adolescent(e)s ont plus de mal à contrôler leurs émotions : VRAI
À l’adolescence, le cortex préfrontal, situé à l’avant de ton cerveau n’a pas fini de se développer. Or, c’est lui qui t’aide à réguler tes émotions, on appelle cela l’intelligence émotionnelle. Il atteint sa pleine maturité vers 25 ans… patience !
Émotions et sentiments, c’est pareil : FAUX
L’émotion est passagère, souvent provoquée par un élément déclencheur. Le sentiment est plus durable, il s’agit souvent de l’interprétation d’une émotion qui passe par la pensée.
Il y a de bonnes et de mauvaises émotions : FAUX
C’est plus agréable de ressentir de la joie plutôt que de la peur. Pourtant, toutes les émotions sont utiles. Ce sont des informations qui nous indiquent s’il faut s’approcher, reculer, rester ou fuir !
Les émotions sont universelles : VRAI et FAUX
Les émotions de base, détaillées dans ce dossier, sont universelles. Tout le monde les ressent et nos réactions corporelles sont similaires. D’autres sont façonnées par la culture ou l’époque dans laquelle nous vivons. En Corée du Sud, il existe le “jeong” qui désigne la joie particulière d’être proche d’un ami !