Les enfants, même tout petits, sont souvent intrigués par l’histoire de leur naissance. Certains posent des questions, d’autres pas encore. Mais ce récit les fascine et ils ont besoin d’entendre ce qui constitue leur existence. Comment leur raconter ? Le supplément pour les parents de Popi, le magazine Bayard Jeunesse pour les enfants de 1 à 3 ans, vous accompagne avec les conseils d’une psychologue spécialisée en périnatalité…
Aux origines du monde…
Si le monde existait bien avant nous, notre vie, elle, est unique. Et quand on y pense, cela est vertigineux. « Avant de naître, alors, je n’existais pas ? Vraiment pas ? » Très jeunes, les enfants sont connectés à ce mystère des origines, et ils ont besoin d’entendre ce qui constitue leur existence. Besoin de poser des mots sur leur histoire, quelle qu’elle soit. Pour nous, parent ou adulte accompagnant, cela vient souvent remuer des choses parfois heureuses, parfois douloureuses ou nostalgiques… Mais cela nous recentre sur l’essentiel : le mystère et la beauté de la vie.
Éditorial de Gwénaëlle Boulet, rédactrice en chef des magazines Popi et Pomme d’Api
Notre experte
• Véronique Borgel Larchevêque, spécialisée en périnatalité, est psychologue à La Maison des Familles de la Bastide (Bordeaux).

Les secrets de la naissance : une histoire rien qu’à soi
La naissance a quelque chose d’extraordinaire : on a chacun vécu la sienne, mais on ne s’en souvient pas ! Un enfant est fasciné par le récit de cet événement dont il n’a aucun souvenir. D’abord parce que, souvent, c’est une belle histoire. Mais aussi parce qu’elle le concerne, et cela le rend heureux ! Petit, il ne formulera pas de grande question, mais il va s’interroger en voyant une femme enceinte, ou en étant au contact d’un bébé plus jeune que lui : « Est-ce que moi aussi, j’ai été petit comme ça ? »
Raconter sa naissance à un tout-petit : par où commencer ?
Quand je propose aux parents de raconter à leur enfant sa naissance, beaucoup demandent : « Par où on commence ? » Je leur suggère de démarrer là où cette histoire a débuté pour eux. Pour certains, c’est à partir de la grossesse ou de la naissance. Pour d’autres, l’histoire commence bien avant. Dans tous les cas, il y est question d’amour. Savoir qu’il a été rêvé, attendu et aimé avant même d’être né, c’est très rassurant pour un enfant. Savoir qu’il a été une heureuse surprise, c’est beau aussi !

Évoquer toute l’attention reçue par le bébé
J’invite toujours les parents qui le peuvent à raconter à deux la grossesse et la naissance : leurs souvenirs sont différents, leurs récits se complètent. À l’âge des lecteurs de Popi [le magazine Bayard Jeunesse des 1-3 ans], inutile d’entrer dans des détails sur la conception, naturelle ou pas. L’essentiel est d’évoquer toute l’attention qu’a reçue ce bébé. Y compris de la part des sages-femmes, médecins, infirmières, au moment même de sa naissance : tout ce petit monde était là pour lui, rien que pour lui. Ce récit, qui lui donne une place centrale, le relie à sa famille et au monde.

Souvenirs de naissance : chouette, des photos !
Les enfants adorent les photos. En montrant le ventre de Maman et comment il grossit, l’enfant perçoit l’évolution de la grossesse. Les petits, et c’est normal, pensent qu’avant leur existence, il n’y avait rien. C’est important de leur expliquer qu’il y avait une vie avant eux et que leur venue au monde n’a pas été « magique » ; qu’ils n’ont pas surgi de nulle part d’un claquement de doigts ! Il y a eu des « étapes de fabrication », ils font partie d’un monde qui existait avant eux… et qui existera après.

Récits de naissance : donner du sens aux émotions
Même quand une naissance a été difficile, ou quand une histoire est différente (une adoption par exemple), on peut la raconter. Bien sûr, on évite de donner les détails, et on souligne surtout la fin heureuse ! Mais si les parents ont été fortement inquiets, voire angoissés, l’enfant l’a ressenti. Il est alors important de donner du sens aux émotions qu’il a pu percevoir. Quel que soit leur parcours, j’invite les parents à écrire, à légender des photos. Avec le temps, on oublie… Or, c’est aussi leur histoire !

Paroles de parents sur la naissance
« Harold avait 2 ans et demi quand on a attendu son petit frère. C’est le moment où il a compris qu’il avait été un bébé et qu’il avait grandi. Depuis, on a raconté à chacun le moment de sa naissance. Ils adorent savoir qu’ils sont arrivés pendant la nuit, qu’on était vite partis en voiture, que j’avais un peu mal mais que les docteurs m’avaient donné des médicaments… et qu’on était très contents ! Parfois, Rowan dit qu’il se souvient comment c’était dans mon ventre, que c’était tout rose ! » Mélanie et Lokman, parents de Rowan (4 ans) et Harold (7 ans)

« Nous sommes deux mamans, et on se demandait comment parler à Robin de sa conception. On lui a raconté qu’on s’aimait très fort et que nous avions eu besoin qu’on nous donne une graine pour qu’il puisse naître. Ce qu’il aime entendre, c’est surtout qu’on l’a désiré, qu’on l’aime. Et il adore regarder les photos de moi enceinte ! » Maëlle et Nolwenn, mamans de Robin (3 ans)

« Devant des photos de nous plus jeunes, Serena nous demande : “Et moi, je suis où ?” Comme on lui a souvent répondu qu’avant de naître, elle était dans mon ventre, quand elle n’est pas sur les photos, elle dit qu’elle est dans mon ventre ! Un jour, c’est Serena qui nous a raconté l’histoire de sa naissance : “Je suis sortie de ton ventre, j’ai fait toc toc toc ! pour que le docteur m’ouvre, et j’ai dit bonjour parce que je savais parler.” » Sabah et Mehdi, parents de Serena (3 ans) et Ayden (3 mois)

« Raconte-moi quand je suis né ! », supplément pour les parents du magazine Popi n° 465, mai 2025. Propos recueillis par Sophie Coucharrière, illustrations : Mathilde Bel.