Avec nos jeunes enfants, nous avons tous nos petites fixettes : l’heure du coucher, l’acquisition de la propreté, l’apprentissage du langage… ou encore l’alimentation, source de nombreuses questions et de pas mal de tensions ! Pour vous aider à faire baisser la pression autour de l’assiette de bébé, la rédaction de Popi a interrogé un pédiatre et recueilli des astuces de parents sereins pendant les repas de leur tout-petit.
Faire manger de tout à bébé… oui, mais comment ?
L’éveil gastronomique, c’est un peu comme faire découvrir à notre petit la musique ou les livres : on a envie de lui ouvrir le répertoire le plus vaste possible et, en même temps, nous serions bien contents s’il partageait les mêmes goûts que nous. Oui, mais voilà : parfois surgissent une résistance inflexible au brocoli et, a contrario, un amour démesuré pour les pâtes… Notre enfant va-t-il manger des coquillettes toute sa vie ?
Le regard de notre expert, le Dr Arnault Pfersdorff, pédiatre, chroniqueur pour l’émission La Maison des Maternelles (France 2) et auteur de Votre enfant de 0 à 16 ans (Hatier Parents, 2021).
Un enfant a le droit d’avoir des goûts… et que ceux-ci ne soient pas semblables aux nôtres. Il est important de le servir en petites quantités et qu’il se serve à nouveau s’il le souhaite. C’est son petit pouvoir décisionnel. S’il raffole des pâtes et boude les brocolis, on peut expliquer : « Tu manges ton brocoli et je te redonnerai un peu de pâtes après. Pour ta santé, pour ton ventre, c’est important de manger des légumes. »
On peut aussi agrémenter les aliments : saupoudrer le fameux brocoli de parmesan, faire une soirée crêpes dans lesquelles on glisse des légumes. Et puis, dès 2 ans, on peut associer l’enfant à la préparation des repas. Enfin, rappelons-nous que les goûts évoluent. L’enfant a toute la vie pour en découvrir de nouveaux.
- Clément, père de Lucas, 2 ans : « Souvent, Lucas ronchonne devant un légume nouveau. Alors, on en sert uniquement dans nos assiettes. Et là, étrangement, il trouve ça beaucoup plus intéressant et en réclame ! »
Manger avec les mains, c’est trop bien ?
Certes, après un repas avec les doigts, son bavoir – sinon la cuisine entière – ressemble à une toile d’art contemporain… Nous voilà même un peu atterrés par la main pleine de purée de carottes qu’il passe joyeusement dans ses cheveux fraîchement lavés. Et puis bon, l’école se profilant, ce serait peut-être pas mal que l’usage des couverts soit acquis…
Le regard de notre expert
La diversification menée par l’enfant (DME), qui consiste à laisser le petit manger avec ses mains – à partir du moment où il se tient assis –, me semble être une bonne étape dans son développement. Il établit ainsi une correspondance entre la main et la vision. Avec ses doigts, il est maître du jeu. À 1 an, il est capable de tenir ses couverts.
On peut très bien choisir de mixer les méthodes : manger avec la cuillère et pousser avec les doigts. Pas besoin de s’inquiéter : l’enfant a largement le temps d’apprendre à utiliser ses couverts d’ici l’entrée à l’école.
- Hélène, mère d’Alban, 6 ans, et Nina, 2 ans et demi : « Mettre ses mains dans les coquillettes : une des activités préférées de Nina ! Mais… pas du goût de ses grands-parents. Alors, OK pour les doigts quand on est entre nous. En revanche, c’est cuillère et fourchette “en société”. »
Et si mon enfant refuse de manger ?
Sur le podium des angoisses parentales, l’enfant qui ne mange pas ou peu. Appétit d’oiseau ou pas d’appétit du tout nous mettent facilement en transe. Alors, on sait bien que forcer ne sert à rien. Mais en attendant, on fait quoi ?
Le regard de notre expert
Je dis souvent aux parents d’afficher dans leur cuisine le message suivant : « Mon enfant ne mourra jamais de faim. » Il faut faire confiance à sa notion de satiété. À 2 ans, il peut très bien n’avoir besoin que de trois repas par jour. Si cela nous préoccupe, on peut revisiter le rythme familial qui expliquerait ce manque d’appétit : le goûter n’a-t-il pas été pris trop tard ? A-t-il grignoté entre les repas ? Est-ce que la sieste n’a pas été trop longue ? Est-il stressé à la crèche ? Y a-t-il des problèmes intrafamiliaux ? Si le blocage demeure et s’installe dans le temps, il faut bien sûr en parler avec son médecin.
- Camille, père de Félix, 3 ans : « Félix a eu une phase où il ne mangeait vraiment pas grand-chose. Alors on avait choisi la méthode de la diversion : nous lui lisions des histoires en même temps qu’on lui présentait sa cuillère. Ça se passait beaucoup mieux : il consentait à manger sans que ce soit problématique, et nous étions moins sous tension. »
Alimentation de bébé : on se détend ?
Il faut bien le reconnaître : alimentation rime parfois avec coup de pression. Merci les « parents Instagram » aux repas familiaux parfaits sur le plan nutritionnel, dont les enfants mangent tout ce qu’on leur propose et dont les dîners se déroulent évidemment dans un calme olympien ! Or, chez nous, il peut arriver que le ton monte avec la fatigue de la journée. Et si on se laissait un peu tranquilles de temps en temps ? Histoire de laisser retomber la pression.
Le regard de notre expert
Avec le travail et la fatigue, l’organisation du dîner peut représenter un gros stress en fin de journée. Il n’y a pas de bonne méthode, chacun fait différemment. Néanmoins, il est important que l’enfant ait un rythme régulier, parce que cela le rassure. Il doit sentir que le repas est un moment d’apaisement. On n’est pas obligé de dîner en même temps que lui. En revanche, il doit se sentir accompagné. Aussi, on s’assied avec lui, on prend le temps. Une chose est sûre : ne nous arc-boutons pas sur des détails. Il n’a plus faim au bout de quelques cuillerées ? Pas la peine d’insister, passons directement au dessert. De même, s’il veut aller jouer, ce n’est pas un drame s’il quitte la table avant que le repas soit terminé.
- Audrey, mère de Noa, 9 ans, Élias, 7 ans et Chloé, 3 ans : « Quand on a la flemme de faire à dîner, on prépare un repas pique-nique à grignoter : radis/sauce yaourt-ciboulette, bâtons de carotte et chou-fleur/houmous. Un bout de fromage, quelques fruits en morceaux et c’est plié ! »