Dis-moi comment tu postes, je te dirai qui tu es ! En octobre, Okapi, le magazine Bayard Jeunesse des 10-15 ans, plonge au cœur de la vie numérique de nos ados pour les aider à « scroller » sur les réseaux sociaux en toute sécurité grâce aux conseils d’une psychologue spécialiste des écrans et à quelques règles d’or à connaître et à respecter dans tous les cas. L’occasion pour nous, parents, d’amorcer une discussion en famille, non pas pour surveiller et juger, mais pour accompagner et protéger.
Depuis plus d’une décennie, les réseaux sociaux occupent une place prépondérante dans la vie de nos adolescents, souvent avant l’âge de 13 ans. Instagram, Snapchat, TikTok, YouTube… Les plateformes peuvent les occuper plusieurs heures dans la journée, loin des regards des adultes, et c’est entre eux qu’ils en définissent les codes, le langage, les usages, pour le meilleur et parfois le pire. Pour nous, parents, à l’inverse, cette portion numérique de la vie de nos enfants a longtemps constitué une terra incognita, un lieu inaccessible et opaque, aux règles le plus souvent incompréhensibles. Rien de surprenant à cela : l’adolescence n’a-t-elle pas toujours su s’inventer des vies loin du regard des adultes ?
Depuis un an, toutefois, les choses évoluent, en raison de la prise de conscience dans notre société que la machine numérique s’était emballée et qu’il fallait en reprendre le contrôle. Plusieurs faits-divers graves ont mis en lumière des situations toxiques ou dangereuses sur les plateformes, dont l’ado est tantôt la victime, tantôt le témoin ou le coupable. Les exemples, bien connus, ont déjà détruit des vies : insultes dans les échanges, exposition et divulgation intempestive de sa vie privée, situations de cyberharcèlement par un collectif, interactions avec des inconnus, etc.
Avec la loi du 7 juillet 2023, la majorité numérique en France s’est établie à 15 ans au lieu de 13 ans, pour tenir compte de la vulnérabilité plus forte chez les plus jeunes. Une évolution qui n’interdit pas, néanmoins, de se rendre sur les réseaux quand on est collégien(ne), même si, en théorie, la loi rend obligatoire l’accord des parents pour y ouvrir un compte ou le maintenir. Et même si cette loi, toujours, met les plateformes en demeure de contrôler l’âge de leurs utilisateurs et de les informer des dangers liés à leur utilisation. Des obligations que, pour la plupart, elles sont loin de mettre en pratique dans la réalité…
La réalité ? Précisément, c’est d’abord celle que décrit l’association Génération numérique dans une enquête réalisée en amont de l’adoption de la loi de juillet 2023. Selon elle, 63 % des moins de 13 ans étaient, l’an passé, titulaires d’au moins un compte sur un réseau social, tandis que, dans le même temps, plus de 80 % des parents déclaraient ne pas savoir ce que faisaient leurs enfants lorsqu’ils étaient le nez sur leurs écrans, et scrollaient ou tapotaient sans discontinuer. Trop d’ados hyperconnectés sans arrêt ; trop d’adultes manquant de repères pour les accompagner ; trop de plateformes ne manifestant aucun empressement à se mettre en conformité : on mesure le chemin à parcourir avant d’atteindre un hypothétique âge de raison de l’utilisation des réseaux sociaux.
Dans ce débat, Okapi entend pleinement jouer son rôle auprès de ses lectrices et lecteurs et au cœur de la famille. En octobre, le magazine pour les 11-15 ans édité par Bayard Jeunesse propose ainsi l’enquête intitulée « Réseaux sociaux, c’est toi qui gères ! » [à lire ci-dessous], en s’appuyant sur les témoignages de collégiennes et de collégiens. « J’adore poster des photos sur Instagram », confie Lilou, 15 ans. « Si je postais des photos de moi, j’aurais peur d’être jugée », lui répond Joséphine, 13 ans. Matteo, 13 ans également, explique qu’il aime « publier des vidéos de prank » (farces). Lisa, 15 ans, a pour sa part l’habitude de partager les « posts » engagés qui comptent à ses yeux, tandis que Léa, 14 ans, avoue se sentir seule – et un peu envieuse – quand défilent sous ses yeux des photos de camarades s’amusant dans une soirée où elle n’était pas invitée…
Ce sont autant de façons de bien ou mal vivre sur les réseaux sociaux. Autant de manières de raconter ce que provoque leur omniprésence dans l’existence de nos ados. Et autant de bonnes raisons, pour Okapi, de proposer des réponses adaptées, pour aider chacune et chacun à se rendre sur les plateformes en toute confiance. À toutes et tous, dans son numéro daté du 15 octobre, Okapi prodigue des conseils avec l’aide précieuse de la psychologue Vanessa Lalo, spécialiste reconnue des questions liées à l’enfance et aux usages numériques. Rester soi-même en ligne comme dans la vie, se méfier des comportements narcissiques, se montrer positif avec les autres, bien se relire avant de poster…
Pour chaque situation, Okapi propose une règle d’or, un principe de bonne conduite à connaître et à respecter dans tous les cas : protéger son identité (en utilisant un pseudo, un avatar), ne pas diffuser de données personnelles (qui pourraient être revendues), paramétrer son compte (pour sélectionner celles et ceux que l’on autorise à consulter), toujours protéger sa réputation (mais aussi celle des autres).
Ce sont également autant de points de départ pour inventer des discussions au sein de la famille, en s’autorisant, quand on est parent, le droit de questionner. Non pas pour espionner et juger, mais pour s’intéresser. Et vous, votre ado, comment poste-t-il ? Et comment scrolle-t-elle ?
Jean-Yves Dana, rédacteur en chef d’Okapi, un magazine Bayard Jeunesse pour les 10-15 ans
Lire et partager l’article « Réseaux sociaux : c’est toi qui gères ! » publié dans Okapi
Selfie addict ? Attention au narcissisme !
Toi, tu adores te prendre en photo. D’ailleurs, tu connais ton visage sous toutes ses coutures. Pas de doute, tu es accro aux selfies ! On pourrait te reprocher d’être un peu superficiel(le). Mais derrière les apparences, tu es quelqu’un qui ose s’afficher !
- La règle d’or : attention aux données personnelles que tu partages. Elles peuvent être revendues à des entreprises.
Le conseil de la psy : attention au narcissisme !
“Faire des selfies à l’adolescence, c’est normal ! Tu changes tellement que tu as envie de t’observer. Ce qui l’est moins, c’est de n’avoir que des photos de toi sur ton téléphone ou sur tes comptes, car c’est une forme de narcissisme. Alors, un conseil : veille aussi à immortaliser les moments que tu passes avec tes ami(e)s, ou poste un paysage que tu aimes de temps en temps. Ces photos feront peut-être moins de likes, mais elles te procureront de la joie. L’autre bémol, c’est l’utilisation de filtres : ils maquillent à outrance, lissent la peau, réduisent le nez… et peuvent, à la longue, créer de gros complexes. Si tu es dans ce cas, essaye de suivre des comptes body positive, avec des influenceur(se)s qui s’aiment comme ils/elles sont ! »
Quelques témoignages d’ados reçus à la rédaction d’Okapi
• Lilou, 15 ans : « J’adore poster des photos de moi sur les réseaux ! Ce n’est pas pour me faire remarquer, mais j’aime quand mes amis m’envoient des likes et des compliments en commentaires. »
• Joséphine, 13 ans : « Les selfies, ça me gêne ! Je vois des filles confiantes qui mettent des photos d’elles devant le miroir en photo de profil, et je trouve ça un peu agaçant. Si je postais des photos de moi, j’aurais peur d’être jugée par les autres. »
Commentateur/commentatrice ? Paramètre tes comptes et choisis qui peut voir et commenter tes publications
Toi, tu adores donner ton opinion. Tu utilises les réseaux pour participer aux discussions qui agitent le monde et essayer de convaincre les autres. On pourrait te reprocher de chercher le conflit en commentant à tout-va, mais tes réseaux sont juste le reflet de ton engagement.
- La règle d’or : paramètre tes comptes et choisis qui peut voir et commenter tes publications.
Le conseil de la psy : relis avant de poster
« C’est bien d’exprimer ton opinion, mais tes réseaux doivent rester une safe place pour toi et pour les autres ! Pas question de te faire épingler par des inconnu(e)s pour un commentaire mal interprété, ni d’écrire un commentaire malveillant à un(e) camarade du collège. On manque parfois de recul ou de contexte. Avant de cliquer sur le bouton envoyer, relis bien ce que tu as écrit. N’oublie pas que si tu aimes ou commentes des propos harcelants, tu es complice. Et que cela tombe sous le coup de la loi. »
Quelques témoignages d’ados reçus à la rédaction d’Okapi
• Lisa, 15 ans : « J’aime partager mes opinions dans mes stories car elles s’effacent. Ça me permet de faire passer mes idées, sans trop m’afficher. Récemment, j’ai repartagé le post de Squeezie, “Lettre ouverte à tous les jeunes qui me suivent », où il parle de la montée de l’extrême droite. J’ai eu beaucoup de likes et j’ai relayé un message important. »
• Louise, 15 ans : « Sur TikTok, j’adore laisser des commentaires sur les vidéos. Je débunke celles qui propagent des fakes news sur la beauté ou la santé, comme des produits soi-disant blanchissants pour les dents. Certains me remercient de le faire ! Je me fiche des commentaires négatifs. Grâce aux réseaux, je peux m’engager pour des causes importantes et ça ouvre des discussions avec mes amis ! »
Créateur/créatrice de contenus ? Pour protéger ton identité, utilise un pseudo et un avatar
Toi, tu connais les tendances et tu adores les reproduire. Abonné(e) aux comptes qui ont du succès, tu connais le nom des dernier(ère)s influenceur(se)s. On pourrait te reprocher de faire de ta vie une vitrine, mais ta capacité à te mettre en scène et tes compétences vidéo font ta force.
- La règle d’or : pour protéger ton identité, utilise un pseudo et un avatar.
Le conseil de la psy : reste toi-même
“Méfie-toi tout de même de cette audience que tu rêves de conquérir. Ces followers que tu ne connais pas peuvent te critiquer ouvertement, voire te harceler. Contrairement à ce que l’on croit, être influenceur(se) est un métier qui ne s’improvise pas. Même si tu rêves de notoriété, passe ton compte en privé pour te protéger et continuer à poster ce que tu aimes. Tu n’as pas non plus besoin de faire semblant que tout va toujours bien. Les gens aiment aussi l’authenticité. Parfois, c’est quand on reste soi-même que ça marche le mieux. »
Quelques témoignages d’ados reçus à la rédaction d’Okapi
• Mattéo, 13 ans : « J’adore regarder les vidéos de Roman Doduik, je le trouve trop drôle. Je fais aussi des vidéos prank comme lui. J’aime bien, ça fait rire mes potes et parfois ils participent avec moi. »
• Paloma, 15 ans : « Les réseaux boostent la créativité. J’utilise Capcut pour faire des montages tendance, comme des récapitulatifs du mois. Je compile en accéléré les photos et j’ajoute une musique. Ça donne l’impression que je fais plein de choses et c’est souvent très liké. »
Scrolleur/scrolleuse : protège ta réputation et celle des autres !
Tes comptes sont quasi vides, pourtant tu passes des heures sur les réseaux. Pas question de t’afficher en postant tes photos de vacances, tu en dévoilerais trop. Tu préfères scroller sur le contenu de tes ami(e)s ou de stars. On pourrait te reprocher des tendances stalkeur(se). Ce serait oublier ta plus grande qualité : ton intérêt sincère pour les autres.
- La règle d’or : protège ta réputation et celle des autres ! Demande l’accord de tes amis avant de poster et pèse bien tes commentaires.
Le conseil de la psy : favorise le positif
“Le risque, quand on regarde la vie des autres, c’est qu’on est tenté(e) de se comparer. Souvent ça fait du mal. Pour l’éviter, essaye de diversifier ton feed, en suivant des comptes positifs et intéressants qui te permettront d’apprendre des choses ou de rire. L’idée ? Reprendre la main sur les algorithmes et les publications qu’ils te proposent. Et puis, quand tu scrolles, tu es passif(ve). Donc n’oublie pas aussi de développer ta propre créativité sur les réseaux et… en dehors ! »
Quelques témoignages d’ados reçus à la rédaction d’Okapi
• Eva, 15 ans : « Je ne poste quasiment jamais. Je n’ai que trois photos sur mon profil Insta. Mais j’aime bien regarder ce que postent les stars comme Lisa de Blackpink ou Lena Situations. Elles n’hésitent pas à se montrer sans maquillage, ça décomplexe ! »
• Léa, 14 ans : « Parfois, ça me fait souffrir intérieurement, quand je vois des photos ou des vidéos de camarades du collège qui sont à des soirées où je ne suis pas invitée. Je me sens un peu seule et je me mets à les envier. »