Ils sont 72 % des 11-14 ans à citer YouTube comme leur site internet préféré, selon une étude Junior City relayée par le magazine Okapi dans son numéro du 1er février. Pourquoi un tel succès et comment protéger votre enfant des vidéos inappropriées qui peuvent se glisser entre un tuto beauté et un sketch de Norman ? Quels conseils lui donner s’il veut tourner ses propres vidéos, face caméra ?
Comprendre le phénomène YouTube
YouTube est un site internet qui compte plus d’un milliard d’utilisateurs dans le monde. Chaque minute, plus de 300 heures de vidéo sont mises en ligne. Le site est même devenu le deuxième moteur de recherche au monde après Google. Les ados y trouvent de tout : des clips musicaux, des sketchs, des conseils beauté, déco ou brico… La chaîne YouTube qui compte le plus d’abonnés au monde est celle de PewDiePie. Ses critiques de jeux vidéo sont suivies par plus de 52 millions de fans.
“C’est un phénomène énorme !, explique Cyril di Palma, délégué général de l’association Génération numérique. Quels que soient l’âge, le sexe, le lieu d’habitation… YouTube réunit tous les jeunes. Ils suivent leurs stars favorites, créent des vidéos, y vont pour se divertir. YouTube est en train de devenir la première source de musique, avant Deezer ou Spotify.” Les youtubeurs préférés des ados sont des humoristes, comme Cyprien ou Norman. Très populaires également, les critiques de jeux vidéo comme le français Squeezie ou les youtubeuses beauté qui donnent des conseils maquillage ou coiffure, comme la célèbre Enjoy Phoenix.
Découvrir autrement des passionnés… et des bons profs !
Bulledop, une youtubeuse spécialisée en littérature, explique : “À la télé, les stars ne m’intéressent pas vraiment, il y a beaucoup de distance entre nous. Sur YouTube, j’ai plus l’impression de parler avec des copains. On s’attache beaucoup plus vite. Contrairement à la télé, on peut vraiment choisir son contenu sur YouTube. Je ne vais voir que ce qui m’intéresse, souvent de petites vidéos courtes, dynamiques, qui m’apportent des connaissances très rapidement. Je ne passe pas ma journée devant l’écran à attendre que quelque chose m’intéresse.”
Grâce à YouTube, la jeune femme a pu développer sa passion pour les livres. Grande lectrice, elle s’est plongée dans les vidéos de conseils lecture. Il y a quelques années, à 20 ans, elle s’est lancée face caméra et est devenue “booktubeuse” : “Autour de moi, personne ne lisait vraiment, je ne pouvais pas partager mes lectures avec mon entourage. Internet m’a permis d’atteindre des gens qui avaient la même passion que moi. Ça m’a aussi permis de savoir ce que je voulais faire professionnellement. Aujourd’hui, je suis libraire.”
Musique, sport, lecture, culture, information mais aussi… aide scolaire ! De plus en plus de professeurs se lancent eux aussi dans les vidéos pour toucher leurs élèves. Ils donnent à leurs cours un petit coup de jeune, entre extraits de films, explications animées et humour. La chaîne des Bons Profs est par exemple très active.
Connaître les risques
Toutefois, si la plupart des vidéos sont inoffensives, certaines sont inappropriées pour les enfants ou les adolescents. Le principe de YouTube est simple : le site héberge des vidéos sans tri préalable. Une fois inscrit, n’importe qui peut mettre en ligne ses vidéos, s’il déclare être âgé de plus de 13 ans et qu’il s’engage à ne pas diffuser de contenus trop violents ou pornographiques. Les internautes peuvent signaler les vidéos qui leur semblent inappropriées, au site de décider ensuite s’il veut les retirer.
Cyril di Palma prévient les parents : “Il n’y a pas de tri comme à la télévision. Si les enfants regardent Gulli, on sait qu’il n’y aura pas de contenus inappropriés. La télé est bien régulée, il y a la signalétique du CSA, aucun contenu choquant aux heures de grande écoute… Sur internet, tout est ouvert. Sur YouTube, explique-t-il, le phénomène de suggestion est problématique. Un enfant peut très facilement passer d’une vidéo de test de petites voitures, à des images de vraies courses de voitures, à des clips de rap un peu osés, etc. De proche en proche, les suggestions faites par les algorithmes ne sont pas toujours adaptées.” Et si la télévision peut se regarder en famille, l’utilisation de YouTube est plutôt solitaire. Difficile de rester avec vos enfants qui passent d’une vidéo de petits chats à des tests de jouets pendant des heures.
Contrôler et expliquer
Le site de YouTube a son propre avis sur le contrôle parental. Il conseille aux parents d’échanger leurs vidéos préférées avec leurs enfants, pour démarrer la discussion. Autre solution : limiter le temps devant l’ordinateur. Depuis mi-novembre 2016, YouTube a lancé une nouvelle plateforme réservée aux enfants de 3 à 9 ans, YouTube Kids. Les enfants n’y ont accès qu’à des vidéos choisies par le site, comme des dessins animés de l’âne Didou, des clips de M. Pokora ou des épisodes de l’émission “C’est pas sorcier”. Une version pour ados serait en cours d’élaboration.
Mais, lorsque les contenus ne sont pas triés, sur la version classique de YouTube, des images inadaptées peuvent apparaître. Cyril de Palma explique : “L’usage général est positif, entre tutoriel et humour, mais on peut aussi tomber sur des messages de haine ou du placement de produits. L’important, comme devant la télé, c’est d’inculquer un esprit critique à ses enfants. Leur expliquer que le montage, la façon de filmer ou la musique peuvent les influencer. Les aider à analyser les images pour éviter de se faire avoir.”
Les laisser s’exposer… ou pas ?
Il y a les enfants spectateurs, mais aussi ceux qui veulent poster leurs propres vidéos. Comment réagir ? La “booktubeuse” Bulledop a beaucoup appris de ses vidéos : “Ça m’a aidé pour l’oral, je suis beaucoup plus à l’aise. Avant j’avais du mal à m’exprimer clairement, je me perdais dans mes explications, je bégayais un peu… Maintenant je m’exprime beaucoup mieux.”
Cyril di Palma, lui, est plus critique : “Il y a un vieux dicton qui dit : Pour vivre heureux, vivons cachés. Sur internet, quand on choisit de s’exposer, on doit être prêt à essuyer des critiques, très négatives parfois. Les youtubeurs professionnels ont appris à les gérer, ça fait partie du jeu. Mais les jeunes qui font des vidéos seuls dans leur chambre ne se rendent pas compte de ce que ça peut entraîner. Il y a des histoires de célébrités assez cruelles, comme celle d’Amandine du 38, devenue la risée d’internet il y a quelques années à cause d’un rap mal interprété. Elle a fermé sa chaîne YouTube depuis, mais la vidéo a été enregistrée et rediffusée. Rien ne s’oublie sur internet, il y a des captures d’écran, des enregistrements… Ça nous échappe vite. Si on s’expose, il faut en accepter les conséquences. Et puis il y a différentes façons de faire des vidéos, on n’est pas obligé de se montrer face à la caméra !”
Si votre enfant est victime de ce type de harcèlement, vous pouvez choisir de supprimer les commentaires violents sous ses vidéos, bloquer tous les commentaires ou bien tout simplement, supprimer son compte YouTube. La décision de s’exposer, ou pas, est très importante, elle doit être discutée en famille. Cyril di Palma conclut : “Il y a beaucoup de choses intéressantes sur YouTube, des vidéos créatives ou instructives. Mais il faut garder les risques à l’esprit. Le plus important est de bien armer son enfant face à cet outil et de développer son esprit critique, pour qu’il puisse vraiment en profiter.”
Agathe Guilhem
Télécharger l’enquête “Les youtubeurs préférés des ados” publiée dans le magazine Okapi du 1er février.
•Voir le sommaire du n° 1039, en vente en kiosque à partir du 1er février